Chapitre 24

675 35 0
                                    

1 H plus tard, nous arrivons près d'un sentier moins boisé ou l'herbe est d'un vert très clair et beaucoup moins dense que le chemin que je viens d'emprunter. Sur le côté, près de la rivière, sont disposés des canots renversés près de la rivière.

Je repousse la dernière branche avec ma main et avance sur cette herbe.

C'est un coin magnifique, c'est certain et j'aimerais tellement en profiter et me prélasser sur une serviette posée à même le sol.

Un rêve éveillé.

Pour l'instant, je ne sens plus mes jambes et je ne sais pas comment j'arrive encore à marcher. Mes bras eux sont juste des excroissances qui s'agitent sans contrôle de mon cerveau.

— On va faire une pause ici, dit soudainement Rafael en posant ma valise sur le sol. Repose-toi un moment.

J'ouvre la bouche pour répondre que je vais bien et que je n'ai pas besoin de pause, mais mon corps, s'affale sans attendre sur le sol dans un gémissement atroce. Je ramène mes pieds vers moi, en soufflant et masse d'un geste faible mon mollet. Mon muscle est raide et la douleur est si aigüe que je me demande comment il peut encore me permettre d'avancer.

Soudain, Rafael s'accroupit à mes côtés et récupère un objet à la ceinture de son pantalon.

— Bois ça, ça va te faire du bien.

Je le regarde sceptique en récupérant la gourde.

— Qu'est-ce que c'est ?

Il sourit, dévoilant un sourire taquin.

— De l'eau niña. Avec l'humidité de la foret, on ne se rend pas compte, mais on se déshydrate beaucoup plus facilement.

Je regarde le bouchon quelques instants avant de le porter à mes lèvres. L'eau qui coule dans ma gorge est du vin d'or, réanimant chaque partie de mon corps sur son passage.

Je m'essuie d'un geste le reste de l'eau sur mes lèvres, mais quelques-unes s'échappent et glisse sur mon menton.

— Merci, lui dis-je.

Les yeux de mon guide suivent les gouttes qui s'échappent. Je pose aussitôt mes doigts dessus pour les empêcher de continuer leur chemin.

Rafael range sa gourde puis, il se lève et s'approche des deux hommes. Il dit quelques chose à nos compagnons qui sans attendre se sépare en deux et se précipite vers les embarcations retournées. Rafael, quant à lui, se dirige vers un troisièmement canot et le retourne d'un geste rapide et vérifie le fond avec ses doigts.

Je devrais les aider, c'est certain, mais ce repos me fait du bien.

Este es bueno, dit Sergio. Il est impeccable celui-ci.

Surprise, je regarde Sergio. Il parle le français ? Pourtant, j'ai cru comprendre qu'il n'aimait pas les non-autochtones.

— Mets-le à l'eau et trouve en un autre, répond Rafael. Il nous en faut deux pour naviguer.

Sans attendre, Sergio tire sur l'embarcation et la déplace vers la rivière avec une agilité peu commune.

— J'en ai un ! affirme Dantae. Wauja vient m'aider à le préparer.

Rafael s'approche de Dantae et ensemble, ils soulèvent l'embarcation jusqu'à la rivière, à côté de celle de Sergio.

Ils ont une bonne force physique, c'est certain alors que moi non. Et, en plus, je me suis rajouté le poids d'une valise.

Soudain, le doute m'envahit. Ai-je bien fait de la prendre avec moi dans une foret que je ne connais pas qui clairement nous ralentit.

Mes yeux se posent sur ma valise posée à côté de moi et le doute s'envole. Non, mon confort ne doit pas être un frein, ni pour moi, ni pour eux. Tant pis pour le shampoing sec, les vêtements de rechange et tout le reste. En partant du village, j'avais pris la décision de l'abandonner et mon choix se confirme encore maintenant.

En réalité, je n'ai besoin que du carnet et de la pièce pour retrouver mon père !

— Danielle, il faut que l'on parte ? dit mon guide.

Je l'observe puis pose mes yeux sur ma valise et je me relève non sans peine et m'avance sur le sentier. Rafael s'approche de ma valise, mais d'un geste, je le retiens.

— Non, elle reste ici. Elle me gêne plus qu'autre chose.

Rafael me regarde, visiblement surpris, mais n'insiste pas.

— En route ! On a pas mal de route à faire avant la nuit.

Avant de pouvoir m'allonger et de dormir de tout mon soul plutôt.

Je souffle silencieusement. Cette pause était bénéfique, mais pas assez longue pour moi.

Je m'approche des deux canots, posé sur l'eau qui n'attende plus que nous. Mes pieds s'avancent dans l'eau brune, jusqu'à que mes mollets eux-mêmes soient immergés dans la rivière. Je fixe le canot avec appréhension et pose mon pied à l'intérieur du canot, mais sans surprise, elle bouge. J'enlève mon pied et le repose dans l'eau. Maladroitement, je saisis alors le bord, pour plus de stabilité, et monte l'autre pied à la place. Mais, ce geste non plus ne réussit pas. J'enlève de nouveau mon pied et le remet dans l'eau.

Courage Dani, ce n'est qu'un canot. Le pire qu'il puisse t'arriver, c'est de tomber dans l'eau, rien de bien grave !

Soudain, des paires de main se posent sur ma taille et sous mes jambes et me soulève sans douceur, jusqu'à l'intérieur du canot.

Une fois assise, mes yeux rencontrent ceux de Rafael. Mais, alors que je pense y voir du sarcasme, il affiche, au contraire, un regard très doux, presque bienveillant. Puis, Rafael monte derrière moi d'un bond et récupère la rame.

C'est parti ! dit-il.

Soudain, la main de Sergio, se pose sur le canot. Puis, il sort un paquet de feuilles entrelacé de sa ceinture et le tend à mon guide.

Para el puma, dit soudainement Sergio en me désignant du regard.

Ensuite, sans un mot de plus, il rejoint Dantae près de l'autre barque et monte dessus avec habilité.

Mon guide secoue la tête en riant puis, repousse le bord de la rive avec la pointe de la rame avec force, nous éloignant du bord.

— Qu'est-ce ...qu'il a dit ? questionné-je.

Mon guide pose un regard en biais sur moi et d'une main, me donne le paquet.

— Il m'a donné des feuilles de L'uña de gato, ou griffe de chat, pour l'estomac du Puma, au cas où il aurait des nausées.

Je récupère le paquet en fronçant les sourcils d'incompréhension.

— Le Puma ?

Rafael donne un coup de rame dans l'eau en souriant.

— Il parle de toi. C'est la première fois qu'une femme blanche se bat contre un puma et s'en sort sans... Bref. Alors, ils t'ont appelé Puma.

Je souris intérieurement. On ne peut pas vraiment dire que je me suis battu avec cette bête.

— Pourtant, j'ai fui.

— Tu as sauvé Elena du puma et Sergio est un guerrier qui sait reconnaitre la valeur d'un autre guerrier ou en l'occurrence d'une guerrière. Tu as la reconnaissance de notre peuple pour l'éternité.

Je pose ma tête sur le rebord de la barque, un bas replié.

Une guerrière, moi ? 

Au cœur de la forêtWhere stories live. Discover now