Chapitre 15

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Je pousse la toile de la petite cabane, propre et reposée. Depuis l'hôtel, je n'ai pas pris le temps de faire une toilette dans le calme. Sur le bateau, j'avais trop peur de Cortes et ses idées de pervers.

Mes yeux se posent aussitôt sur le soleil encore bien haut. D'ici quelques heures, la nuit aura enveloppé le village comme un manteau, laissant place à une fête de bienvenue. La place semble déjà bien agitée, préparant sans doute cette soirée.

Je ne pensais pas être accueilli de la sorte.

Je m'approche à petits pas de la cabane où sont rassemblées les femmes. Un petit groupe est près d'un feu, certains accroupis tandis que d'autres sont assis à même le sol. Leurs mains, s'agitent sur ce que je pense être des racines, mais je ne sais vraiment pas ce que c'est.

Hola! Euh, je peux aider? ¿Puedo ayudar?.

Elles s'arrêtent de parler et posent instantanément leurs regards de jade sur moi. Ce geste me fait rougir au plus haut point, mais, la femme la plus âgé me fait signe de la place à côté d'elle.

J'hésite à peine une seconde avant de m'assoir. Je détaille un instant ses gestes et saisis à mon tour la racine dans mes mains, essayant de reproduire sa façon de faire.

Le silence s'installe.

Les deux plus jeunes femmes se mettent alors à parler. Puis, l'une d'elles s'approche de moi et pose ses doigts sur mes cheveux détachés.

Aninho de Wauja? Do'opepe Fuerte ! dit l'une d'elle.

Je fronce les sourcils, ce langage là, n'est clairement pas de l'espagnol. Pourtant, il n'y a qu'une seule personne qui s'appelle Wauja, Rafael.

— Eh, coupe la vieille femme, puis elle montre la rivière d'un geste de la main. Ede!

Les deux femmes arrêtent instantanément de parler, inclinent la tête en direction de la vieille femme et se lèvent rapidement. Derrière elle se dessine aussitôt Elena les mains sur les hanches?

— Pas méchante avec Danielle! Sœur!

Les deux jeunes femmes secouent la tête et disparaissent, un panier à la main.

— Elena te protège, c'est rare! Explique la vieille femme.

— Échange, affirme Elena. Puis, elle me regarde en posant une main sur son cœur. Danielle hermana, sœur.

Je pose mes yeux sur elles, surprise par ses propos.

— Sœur?

Elena se tourne vers moi et sort la brosse que je lui ai offerte.

— Oui, cadeau , dit-elle en me montrant la brosse. Donc maintenant, sœur.

Je souris. Est-ce une coutume, si on vous offre un cadeau. Vous faites partie de leur famille?

— Oui hermana, dis-je en posant ma main sur mon cœur.

Puis, Elena s'assoit à côté de nous, le visage souriant et saisit une des racines dans sa main. Je reprends une racine en main. Cette tribu n'a absolument rien d'effrayant, au contraire. Ils m'ont accueilli les bras ouverts. C'est peut-être parce que je suis venu avec Rafael, mais leur façon de faire me touche.

Je repense à la rencontre de mon père avec les Yanomami. Dans son journal de voyage, il décrit ce peuple "d'homme du monde". Un respect pur envers la nature et les espèces qui la peuple.

A cet instant, je sais ce qu'a ressenti mon père en les rencontrant, en les écoutant parler de leurs coutumes et leurs ancêtres. Ces gens-là sont des êtres humains, comme nous, mais personne n'a pris le temps de les écouter.

Au cœur de la forêtWhere stories live. Discover now