Chapitre 51

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Martin et moi nous retrouvons seuls dans un silence soudain. Toute la fatigue des récents événements me tombe soudain dessus et je me rends compte que je tiens à peine debout. J'aimerais pouvoir me réfugier dans mon lit pour m'enfoncer dans le sommeil, mais mon petit ami tient manifestement à avoir une petite conversation avec moi.

— Allons dans le salon, je marmonne en descendant de ses genoux sans le regarder.

Martin me suit sans dire un mot. Pendant tout le trajet, je me demande s'il est contrarié par quelque chose. Il se dit peut-être que je lui porte la poisse. C'est vrai que je ne cesse d'être un aimant à ennuis depuis mon arrivée à Gardelune. Ce n'est même pas de ma faute ! C'est techniquement celle de Mme Jean et de M. Raspail qui se sont mis en tête de fabriquer un demi-loup, accidentellement, certes. Mais bon, bref, du coup j'attire les vampires. Peut-être que mon petit ami en a assez de devoir se battre à cause de moi. Si ça se trouve, il va me dire qu'il préfère finalement passer toutes les vacances scolaires bien à l'abri à Lyon, auprès de sa coloc, même après avoir découvert qu'elle est bien une vampire et que j'avais donc raison depuis le début.

Nous arrivons dans le salon et l'alpha se dirige d'un pas lourd vers le canapé dans lequel il s'enfonce. En temps ordinaire, je me serais bien sûr assis à côté de lui, suffisamment près pour que nos cuisses se frôlent sans arrêt. Ce matin je me sens cependant trop glacé pour le faire. Je préfère m'installer dans ce fauteuil afin de garder une certaine distance avec mon petit ami, lorsqu'il me déclarera que je suis infréquentable.

Pendant une minute, nous ne disons rien. Mon petit ami reste immobile pendant que je promène mes yeux dans toute la pièce, sauf sur lui.

— Je suis désolé, me dit soudain Martin. Désolé pour tout. Pour t'avoir laissé tout seul face aux vampires. Pour ne pas t'avoir cru. Tu avais raison depuis le début à propos de tout. Je me sens complètement nul. Je voulais te demander pardon. Si du moins tu me trouves pardonnables.

Je lui jette un regard surpris, très étonné de la tournure que prend la conversation.

— Mais non tu n'es pas complètement nul ! je proteste.

Il baisse la tête.

— Si, je le suis.

Je fronce les sourcils.

— Puis que je te dis que non ! Et bien sûr que je te pardonne !

Toute cette geignerie m'agace. Sans compter qu'il est de mon devoir de m'efforcer de remonter le moral de mon petit ami. Je me lève donc et me dirige résolument vers Martin. Je m'assieds à nouveau sur ses genoux, cette fois-ci face à lui. Cette position est bien pratique pour poser mes lèvres sur les siennes, ce que je m'empresse d'ailleurs de faire. Ce baiser paraît avoir un effet immédiat, car l'alpha semble tout de suite aller mieux, à en croire la façon dont il se presse contre moi.

Soudain, pour une raison bizarre, je ressens le besoin de retirer le t-shirt de Martin pour pouvoir admirer sa peau nue. L'alpha me laisse faire avec un petit sourire amusé. Ou content, je ne sais pas trop. Les deux, peut-être. On ne sait jamais, avec lui.

Il faut tout de même avouer que mon petit ami a des abdos à tomber. Non que je sois le genre de type à tomber en pâmoison devant un muscle un tant soit peu développé. Simplement, je ne suis pas aveugle et il m'arrive d'avoir envie de me rincer l'œil. Comme tout le monde. De même, personne ne m'en voudra, je suppose, de vouloir faire courir mes doigts sur le torse tiède comme il faut de mon vis-à-vis. Je suis si satisfait que je me mettrais certainement à ronronner, si j'étais un chat et non un demi loup-garou. J'apprécie particulièrement le fait d'être tout habillé pendant que l'alpha est à moitié nu. Cela me donne une impression de puissance que je ressens rarement.

Puis les choses se corsent.

C'est peut-être à cause de l'odeur. L'odeur de Martin m'a toujours fait perdre la tête. Ce n'est pas ma faute, c'est à cause de cette histoire d'âmes sœurs. Il suffit que je respire mon petit ami, et paf, je me mets à agir super bizarrement ou à avoir de drôles de réactions. Dans le cas présent, cette drôle de réaction consiste à m'attaquer à la fermeture éclair du jeans de Martin. Dans le même temps, mon propre pantalon commence à me paraître trop étroit, et...

Martin ouvre la bouche pour dire quelque chose... Et nous entendons alors la porte d'entrée s'ouvrir.

— Lapin ! s'exclame joyeusement ma mère. Nous sommes rentrés !

Je bondis des genoux de Martin à une vitesse surhumaine tandis que lui-même se rhabille à la vitesse de l'éclair (cela aide de le faire sans arrêt parce qu'on est un loup-garou). Lorsque mes parents débarquent dans la pièce, nous sommes sagement assis l'un en face de l'autre comme si nous étions en pleine partie de Monopoly (la seule chose manquante étant le plateau de jeu entre nous deux).

— Bonjour Monsieur et Madame Cresp, lance Martin de la voix spéciale qu'il utilise lorsque mes parents sont là.

Cette voix de gendre idéal fonctionne plutôt bien, car Papa et Maman n'ont pas l'air suspicieux en le voyant dans leur salon, à quelques mètres de moi.

— Oh, bonjour Martin. Alors, comment était ce bal ?

L'alpha leur sourit poliment.

— Très bien, merci Mme Cresp.

Nous ne précisons pas que nous n'avons en réalité pas mis les pieds à la fête du lycée. Il est plus simple de faire croire à mes parents que nous y avons passé la nuit, plutôt que d'avouer la vérité, à savoir que notre soirée a été consacrée à s'enfermer dans une gare, puis à combattre une bande de vampires, puis à brûler les corps desdits vampires dans les bois avec l'aide de Mme Jean qui a fini par daigner nous rejoindre après avoir vu que j'avais essayé de la joindre, et de M. Imbert et Raspail qui ont été appelés à la rescousse (nous ne pouvions bien sûr pas les laisser sur place parce que les humains les auraient découverts, et cela aurait fait des tas d'histoires). Cela nous a pris un looong moment. Et je vous épargne les détails peu ragoûtant concernant le type écrasé sur les rails par mes soins.

Heureusement, ma mère biologique m'a dit que les vampires avaient été trop occupés à me courir après pour aller en ville. Aucun habitant de Gardelune n'a donc été blessé.

Mes parents nous racontent ensuite dans les moindres détails leur spectacle de sons et lumières. Mon père a même filmé avec son portable, au lieu de profiter du moment, et nous regardons poliment toute la vidéo, même si elle est floue et mal cadrée. Puis Maman déclare qu'elle va préparer un petit-déjeuner, ne sachant pas encore que ses réserves ont été pillées.

Martin me chuchote alors à l'oreille :

— Une prochaine fois, peut-être.

Je sens mon visage s'empourprer parce que, pour une fois, je saisis sans problème l'allusion.

La prochaine publication sera l'épilogue !

Le loup et moi 2 [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant