Chapitre 37

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Mes parents et moi nous faisons la tête quasiment tout le dimanche matin, ce qui est assurément un record. Je ne leur adresse pas la parole de tout le petit-déjeuner et me contente de mâchonner mes céréales avec froideur. Puis je me retire dans ma chambre pour faire mes devoirs. Je ne suis cependant pas d'une grande efficacité, car je ne fais que penser à Martin. Cela me tue de le savoir si près et de ne pas pouvoir être auprès de lui. J'ai presque l'impression de pouvoir le sentir.

Je finis par sortir la figurine de loup et lui donne des pichenettes pour mettre en mouvement sa tête. Le regarder se dandiner m'occupe tant bien que mal.

Papa est le premier à céder après le déjeuner, alors que je m'apprêtais à quitter la cuisine sans même mettre mon assiette dans le lave-vaisselle.

— Bon, Théo, soupire-t-il. Très bien, va voir ton amoureux cet après-midi, si cela te rend si malheureux.

Je me tourne précipitamment vers lui et Maman.

— Je peux ?

Je regarde surtout ma mère parce que, comme chacun sait, ce sont les mamans qui ont le dernier mot dans une famille, même si elle essaie parfois de le cacher, pour garder secrètement le pouvoir.

— Mais oui, lapin, soupire-t-elle. Mais sois rentré à temps pour finir ses devoirs.

Je hoche frénétiquement la tête.

— Oui oui. À tout à l'heure.

Et je file enfiler mes chaussures sans demander mon reste.

Lorsque je veux me précipiter hors de la maison, sans même avoir fini de boutonner mon manteau, je rencontre cependant un obstacle non prévu. Florence s'est planté devant moi, les bras croisés, dans une attitude des plus menaçantes. J'essaie de la contourner, étant extrêmement pressé, mais elle se décale pour continuer à me barrer le passage.

— Alors, cousin ? Avec lequel de tes amis vais-je à ton bal ? Un pas trop moche, j'espère.

Je lui jette un regard ennuyé.

— Tu tiens donc vraiment à aller à cette fête ?

J'espérais qu'elle ne resterait pas trop longtemps, après avoir fait le tour de Gardelune. Malheureusement, non. On dirait qu'elle se plaît à tyranniser son pauvre cousin qui n'a rien demandé et a ses propres problèmes à régler (qui impliquent un déménagement de petit ami et une invasion de vampires).

— Évidemment que je veux y aller ! Ce n'est pas comme si ce n'était pas l'unique divertissement du coin.

Je fronce les sourcils. À mon corps défendant, je crois que je suis en train de m'attacher à Gardelune, et je n'aime pas entendre quelqu'un critiquer la ville. Surtout si ce quelqu'un n'est autre que mon abominable cousine Florence.

— Bon bon, je promets pour qu'elle me laisse enfin partir. OK, je t'arrangerai ça.

La jeune fille me jette un regard méfiant et accepte enfin de me libérer le passage. Je n'ai plus qu'à courir me jeter dans les bras de Martin.

Il est plus facile de commencer la semaine après avoir fait le plein de bisous avec son petit ami. Cela permet en tout cas de rester indifférent à la petite pluie fine qui s'amuse à tomber du ciel et de supporter les regards narquois de sa prof de philosophie qui croit toujours à tort que j'ai le cerveau ramolli (elle sera bien surprise, lors du prochain contrôle, lorsque je ferai étalage de ma science). Je me fais interroger au tableau, en maths, et j'arrive à résoudre le problème. Je crois que je suis à nouveau sur une bonne pente. En plus, il s'est passé quelque chose d'incroyable lorsque j'ai pris ma douche, ce matin : en levant le bras gauche, j'ai découvert que j'avais un muscle qui avait poussé ! L'entraînement de Mme Jean commence à porter ses fruits.

Je retrouve mon groupe d'amis à la cantine et nous allons nous installer à notre table, sans Raspail pour nous déranger, cette fois-ci.

Au cours du repas, la principale conversation tourne autour du bal et des déguisements. C'est à ce moment-là que je me souviens de la promesse faite à Florence.

Je soupire avant de me lancer.

— Est-ce que l'un de vous accepte de prendre ma cousine comme cavalière pour la fête au lycée ? Elle est pénible, soyez-en prévenus, mais elle insiste pour venir...

Je regarde en particulier Émile et Joséphine qui sont les plus à même d'accepter.

À ma grande surprise, je vois Joséphine devenir rouge comme une pivoine.

— Je... J'ai déjà un cavalier, finit-elle par bafouiller.

Nous la fixons tous avec intérêt, car l'oméga est célibataire, pour autant qu'on le sache.

Noémie remonte ses lunettes et se penche en avant, intéressée.

— Qui ça ?

Joséphine entortille nerveusement une mèche de ses cheveux entre ses doigts et prend une grande inspiration.

— É... Éric Raspail.

Un silence de mort suit sa déclaration. La bouche de Noémie est grande ouverte et Simon se lève d'un bond.

— Quoi ?!! s'exclame-t-il en écrasant ses deux paumes sur la table. Mais... mais... mais POURQUOI ?

La jeune fille prend un air de défi.

— Parce que j'ai toujours trouvé idiot cette querelle incessante entre nos deux meutes. Et, maintenant que Théo et Martin sortent ensemble, je trouve qu'il est désormais temps d'y mettre fin. Alors quand Éric m'a proposé d'aller à la fête avec lui, je lui ai dit oui.

Elle nous fixe tous avec une férocité dont elle est peu coutumière ce qui montre, d'ailleurs, qu'il ne faut jamais sous-estimer les omégas.

Noémie referme la bouche. Émile se racle la gorge et se tourne vers moi.

— Puisque Joséphine est déjà prise, je peux y aller avec ta cousine, si tu veux.

— Ah, d'accord, super, je m'empresse de répondre. Florence sera contente.

— Elle a l'air gentille.

— Oui, oui. Enfin, ça va. Il lui arrive de ne pas être trop pénible. Rarement, mais ça arrive.

Nous continuons un moment à faire l'éloge de ma cousine sans conviction, simplement pour faire disparaître la tension. Simon s'est rassis et fait mine de se passionner pour son assiette. Sachant qu'il s'agit une nouvelle fois de hachis parmentier, cela n'est pas des plus crédibles. Mais bon, cela permet à la rougeur de Joséphine de s'estomper un peu. J'ai l'impression qu'elle est soulagée de nous avoir avoué tout cela. J'imagine que cela n'était pas facile.

Nous recommençons à bavarder au sujet des costumes. Joséphine participe à la conversation comme si de rien était. Elle garde cependant un curieux air satisfait.

En allant ranger mon plateau, je songe que si la relation de mon amie et d'Éric perdure et qu'ils se marient, Joséphine deviendra ma demie belle-sœur, ce qui est plutôt cool puisqu'elle est une personne que j'apprécie beaucoup. Et puis Éric n'est pas si horrible que cela, quand il fait des efforts et qu'il ne se met pas en tête de kidnapper quelqu'un. Au moins, il conduit prudemment, ce qui lui fait une qualité que tout le monde n'a pas.

Le loup et moi 2 [terminée]Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora