Chapitre 30

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Les jours passent et je continue à jouer l'élève modèle. Je révise le plus possible, aidé par Joséphine qui ferait un très bon professeur si son objectif n'était pas de devenir médecin urgentiste (contrairement à moi, elle sait ce qu'elle veut faire depuis la seconde). Je crois que je ne m'en sors pas trop mal lors de mon contrôle en physique (au cours duquel je n'ai d'ailleurs pas eu à calculer de célérité). Bon, je n'aurais sans doute pas vingt sur vingt, mais probablement pas non plus un nouveau trois. Ma moyenne va s'améliorer un peu. L'inverse aurait été difficile, me direz-vous.

Il faut dire que, en raison de la présence de Florence, il m'est devenu difficile d'appeler Martin quand je suis à la maison et que je n'ai plus envie de réviser. Je pourrais me mettre dans le salon, mais toute la maison risquerait de surprendre notre conversation. La solution la plus pratique finit d'être d'aller me réfugier pendant des heures dans le grenier, ce qui nécessite d'abord de réussir à ouvrir la trappe qui permet d'y entrer et de faire descendre l'échelle.

Ce soir-là, j'y parviens du premier coup, ce qui montre à quel point je commence à en prendre l'habitude. Ou peut-être ai-je fini par développer quelques muscles grâce à mon entraînement qui trouverait ainsi enfin une utilité.

Clac !

Je referme la trappe derrière moi. Enfin seul ! J'ai une bonne quarantaine de minutes avant le dîner.

Je contemple la pièce pleine de bazar avec une certaine émotion. Il s'est passé des choses ici entre Martin et moi (des choses convenables, faut-il préciser, histoire d'éviter toute ambiguïté). L'alpha était avec moi le jour où j'ai fouillé dans les albums photographiques pour essayer de trouver des clichés me représentant à la maternité et prouver (sans succès) que je n'avais pas été adopté. À l'époque, nous n'étions pas encore ensemble, mais je ressentais déjà le besoin viscéral d'avoir Martin à mes côtés dans les moments difficiles. Sans lui, je n'aurais probablement pas eu le courage de me lancer dans cette recherche.

Je vais m'asseoir sur une caisse pleine de poussière et je lance un appel vidéo sans plus attendre. Martin décroche aussitôt et m'adresse un sourire éblouissant.

— Bonjour mon amour.

Mon cœur rate un battement, comme d'habitude. Je me dis parfois qu'il faudrait peut-être que j'aille consulter un cardiologue pour m'assurer que je ne souffre pas d'une quelconque pathologie qui expliquerait cet état à chaque fois que mon petit-ami me sort un quelconque mot doux.

— Hum... Bonjour, je marmonne en luttant pour ne pas être foudroyé par une crise cardiaque précoce.

— Alors, toujours dans ton grenier, mon pauvre chéri ?

Je lève les yeux au ciel.

— Toujours.

Je m'abstiens de me lancer à nouveau dans une longue litanie des défauts de mon abominable cousine Florence. Je crois que Martin commence à en avoir assez, même s'il ne le dit pas. Enfin, il n'aura bientôt plus d'autre choix que de la rencontrer samedi prochain et il comprendra mon calvaire quotidien.

En ce qui le concerne, Martin est assis sur un lit, adossé contre le mur. Maintenant que je connais les lieux, je le visualise sans problème dans sa chambre. Je peux presque sentir l'odeur délicieuse de ses draps. J'aimerais tant pouvoir traverser l'écran pour me jeter dans ses bras ! Voilà un pouvoir qui me serait plus utile que celui de pouvoir me transformer en loup ! Quoiqu'il me faudrait passer par une surface plus grande que mon téléphone. La télévision de mes parents, sans doute.

Zut, l'alpha est en train de me dire quelque chose et je n'ai rien écouté, trop occupé à m'enfoncer dans un nouveau délire créé par mon cerveau détraqué.

— Hum, quoi ? je lui demande distraitement.

J'en profite en même temps pour contempler son torse moulé par un pull noir qui fait ressortir ses yeux verts. C'est moi qui le lui ai offert et je me félicite de cet investissement très agréable pour les yeux.

— Je ne pourrai pas venir le week-end prochain, répète Martin.

Je sursaute, brutalement ramené sur Terre.

— Quoi ? Mais pourquoi ?

Mon petit ami m'adresse une petite moue triste.

— J'ai un concours blanc le samedi matin, et une sortie obligatoire l'après-midi. Il ne me serait pas possible de faire un aller-retour le dimanche.

Je me soulève à moitié de ma caisse.

— Alors c'est moi qui viendrai à Lyon !

Martin secoue la tête.

— Ce ne serait pas une bonne idée, Théo chéri. On pourrait à peine se voir. Et tes parents risqueraient de ne pas être d'accord.

Je me mords la lèvre, buté.

— Je ne leur demanderai pas leur avis, et puis c'est tout.

Je me dis, en même temps, que les billets de train sont chers et que je ne suis pas certain d'avoir assez d'argent de poche pour me payer un aller-retour. Je n'aurais peut-être pas dû acheter ce pull, finalement. Le cachemire coûte une fortune, en plus d'être difficile à laver.

— Théo, soupire Martin, je ne crois pas que cela soit une bonne idée. Tes parents n'étaient pas ravis, la dernière fois. Et ta mère m'a dit quelque chose à propos d'une note de philosophie, qui...

Je lui coupe aussitôt la parole. Va-t-on un jour me laisser tranquille au sujet de cette note de philosophie ? Puisque je vous dis que j'ai bien réussi mon contrôle de physique ! Ne pourrait-on pas plutôt se concentrer sur ce fait ? Je croyais que nous nous trouvions dans une société où seules les sciences sont jugées importantes ? Vive la célérité !

— Mais on ne se sera pas vu pendant quinze jours entiers, sinon ! je me plains.

Mon petit-ami hausse un sourcil.

— Je croyais que tu n'étais pas dépendant de moi ? C'est en tout cas ce que tu ne cesses de clamer haut et fort.

— Bien sûr que je ne suis pas dépendant ! je m'indigne.

Mais je comprends en même temps que je me suis fait piéger et Martin n'a alors plus qu'à dire :

— Bon, alors nous survivrons tous les deux à cette séparation de deux semaines. Crois-moi, cela ne me fait pas plaisir, mon amour, mais je n'ai pas vraiment le choix...

Est-ce moi qui me fait des idées ou l'alpha n'a pas l'air d'avoir envie de me voir ce week-end ? Il désire peut-être passer du temps avec sa coloc non vampiresque ?

Mon coeur se serre. J'ai l'impression que mon ventre est soudain rempli d'acide et que je vais vomir une flaque qui percera un trou dans le plancher.

Je fais semblant d'entendre quelque chose.

— Ma mère m'appelle, je dis. Nous allons passer à table.

C'est en réalité un mensonge. Mais je me sentais trop bouleversé pour continuer notre conservation. Je risquerais sinon de me mettre à crier contre Martin. Ou de fondre en larmes, selon la fantaisie de mon cerveau trop actif. Ou de cracher réellement une flaque d'acide. Tout est possible, avec moi.

— D'accord, répond Martin. Bon appétit mon amour.

— Hum. Merci.

Et, pour une fois, c'est moi qui coupe la conversation en appuyant sur le bouton rouge.

Je reste immobile un long moment, planté sur ma caisse. Je ne me lève même pas pour aller allumer la lumière lorsque le soleil entreprend d'arrêter d'éclairer la pièce. Je crois même qu'une araignée se met à grimper sur ma jambe, mais je n'ai pas la force de la chasser. Je me sens aussi inutile que la caisse qui prend la poussière sur laquelle je suis affalé et qui contient je ne sais quelles affaires jugées suffisamment insignifiantes pour avoir été abandonnées dans le grenier.

Ce n'est que lorsque Maman m'appelle réellement que je réussis à trouver l'énergie suffisante pour me hisser sur mes jambes courbaturées et quitter le grenier.

Le loup et moi 2 [terminée]Where stories live. Discover now