Chapitre 47

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Puisqu'il n'y a plus lieu de garder le secret devant Fleur, Joséphine, Émile et Éric se retransforment et s'habillent (moi également, car je commençais à avoir froid, dans ma petite tenue, sans compter que j'en avais assez de devoir placer stratégiquement mes mains pour essayer de sauver un minimum de pudeur) pour discuter de la suite des opérations. Je constate que le maquillage de clown est réapparu sur le visage d'Éric, un peu estompé suite à ses deux transformations simultanées. L'effet produit est assez effrayant, je dois dire. Avec un peu de chance, cela pourrait faire peur aux vampires, même si je n'y crois pas beaucoup.

Pendant tout ce temps-là, la porte du bâtiment ne cesse de trembler et j'imagine sans peine les vampires s'y agglutiner pour essayer de l'enfoncer.

— Il va falloir qu'on sorte à un moment, nous prévient Fleur qui ne paraît pas plus paniquée que cela.

Stéphane passe en revue notre petite troupe avec une grimace.

— Niveau combattants, nous ne sommes pas très bien pourvus, observe-t-il. Nous sommes deux alphas (il désigne Martin, puis lui-même), un bêta (il pointe du menton Émile), deux omégas (cette fois-ci c'est Joséphine et moi qui avons le droit à un doigt un brin condescendant pointé dans notre direction), une vampire dont j'ignore les capacités et une humaine. Oh, et un Raspail.

Il a prononcé la dernière phrase avec mépris, comme si les Raspail formaient une espèce à part particulièrement méprisable et inutile.

— La demie vampire a des capacités très utiles pour combattre d'autres vampires, remarque Fleur en lui adressant un sourire plein de dents.

— L'humaine est ceinture noire de karaté, tient bien sûr à préciser Florence.

— Quant au Raspail, il te bat quand il veut, rugit Éric en roulant les mécaniques.

Ce qui doit certainement être vrai. Stéphane passe l'essentiel de son temps à glander, alors qu'Éric semble être le genre de type à faire des pompes tous les matins.

Joséphine est postée près de la fenêtre sans participer à la séance de protestations générales, le visage crispé par la peur. Elle s'est débarrassée de son déguisement de fantôme qui devait l'encombrer. Elle portait en dessus une petite robe rose qui n'est pas non plus très adaptée à la scène d'action qui s'annonce.

— Ils ont l'air de plus en plus nombreux, souffle-t-elle.

Je regrette de l'avoir entraînée avec nous. Cette gentille et douce oméga n'a rien d'une combattante. Et, contrairement à moi, elle n'a pas subi l'entraînement de Mme Jean. Quoi que cela me fasse une belle jambe, étant donné que je suis nul en tout.

Éric vient se poster à côté d'elle d'un air protecteur.

— Ne t'inquiète pas, lui dit-il. Je te protégerai.

Joséphine doit trouver la phrase sexy, car elle pique un nouveau phare et se dandine. J'espère que je ne me comporte pas de façon aussi niaise quand je suis avec Martin. Je pense que non, puisque je n'ai pas l'âme romantique.

J'appelle Mme Jean, estimant finalement que c'est ici que sa présence est le plus indispensable. Comme Martin tout à l'heure, elle ne me répond pas. Je raccroche, excédé. C'est tout de même incroyable ! Elle est toujours disponible pour me taper dessus, mais lorsqu'il s'agit d'en faire de même avec des vampires, il n'y a plus personne. Cherchez l'erreur.

Ping !

Je sursaute en recevant un SMS que j'ouvre immédiatement, croyant que Mme Jean me répond enfin. Raté : c'est ma mère. Ma vraie mère, je veux dire. Maman, quoi. Elle m'envoie une photo de Papa en train de manger une gaufre débordante de chantilly devant les ruines d'un château fort.

Je range mon téléphone dans ma poche. Au moins, il y en a qui s'amusent pendant que d'autres sont assiégés par des créatures sanguinaires.

— Il nous faut élaborer un plan, décide pendant ce temps-là Stéphane.

Florence fait tourner un pieux en bois dans sa main.

— Je propose de sortir, de nous jeter sur eux et de les trucider à coups de crocs, griffes ou de bouts de bois, propose-t-elle avec férocité.

Éric roule des yeux.

— Je ne vois pas en quoi ceci est supposé être un plan.

Martin lui jette un regard agacé.

— Parce que tu as un meilleur plan, le Raspail ?

Les deux alphas se postent l'un en face de l'autre, prêts à se taper mutuellement dessus au lieu d'affronter les vampires. Je suis obligé d'attraper mon petit ami par le bras pendant que Joséphine en fait de même avec Éric pour séparer ces deux idiots.

— Si vous tenez tant à vous battre, faites-le contre les vampires, je grogne, exaspéré.

Les alphas sont vraiment irrécupérables. Si je ne tenais pas autant à l'intégrité physique de mon petit ami, je l'aurais peut-être laissé s'entretuer joyeusement avec Éric, histoire de leur donner une leçon à tous les deux.

— Bon, conclut Stéphane, qui paraît avoir décidé d'être notre chef. Il y a une fenêtre à l'arrière de la gare. Nous pourrions l'utiliser pour sortir discrètement et fuir en direction des bois.

— Les vampires nous suivront, rétorque cependant Fleur. Ou pire : ils se rendront en ville et s'en prendront aux habitants de Gardelune qu'ils trouveront sur leur passage. J'en ai rarement vu autant rassemblés au même endroit. Ils sont surexcités et affamés.

Je pointe un doigt accusateur dans sa direction.

— Qu'est-ce qui nous dit que tu n'essaies pas de nous entourlouper ? Tu es à moitié des leurs.

Fleur grogne d'une façon qui la fait ressembler à une louve alpha. Ou à Maman quand elle est très contrariée, par exemple quand l'un des lecteurs de la bibliothèque n'a pas rendu ses livres à temps.

— Je ne suis pas des leurs, Théo. Et je ne le serai jamais.

Je fais une moue sceptique, mais je suis bien le seul. Je cesse mes protestations. De toute façon, comme d'habitude, personne ne semble prendre mes soupçons au sérieux. Au contraire, mes camarades semblent prêts à faire tout ce que la coloc leur dira. Si elle leur ordonnait d'ouvrir grand la porte et de se laisser bouloter par les vampires, ils seraient bien capables de lui obéir sans réfléchir.

— Il nous faut donc nous battre contre ses vampires, s'enthousiasme Éric. Une fois tous morts, ils ne feront plus de mal à personne.

Je m'abstiens de préciser que, techniquement, les vampires sont déjà des cadavres.

— Parfait, renchérit Martin sans visiblement se rendre compte qu'il approuve une parole de son pire ennemi. Pendant ce temps-là, Théo et Joséphine n'ont qu'à nous attendre ici, et...

— Je viens avec vous, je le corrige aussitôt.

— Certainement pas, répondent alors Martin et Éric d'une même voix.

Puis ils se renfrognent en s'apercevant qu'ils sont d'accord sur quelque chose.

— Je sais me battre ! je proteste. Je me suis entraîné pour cela depuis des semaines, puisque j'étais le seul à croire à l'existence des vampires. Et puis, il faut arrêter de croire que les omégas sont seulement là pour répandre la paix et la bonne humeur. Ça devient ridicule, à la fin !

Martin pose sa main sur mon épaule.

— Théo, c'est toi qu'ils veulent. Tu dois donc rester à l'abri.

Je croise les bras.

— Tu n'as jamais regardé de films d'horreur ? Il ne faut jamais se séparer, dans ce genre de cas. Et Fleur a dit que la porte fermée ne retiendrait pas indéfiniment les vampires.

— Je viens aussi, déclare Joséphine en se postant à côté de moi.

Cette fois-ci, c'est Éric qui grogne de mécontentement.

— Bon, conclut mon espèce de demi-grand frère. Mais vous resterez au milieu de la formation et vous ne prendrez aucun risque.

Je ne prends jamais aucun risque. Ce sont les risques qui se jettent sur moi. Je n'y peux rien.

Le loup et moi 2 [terminée]Where stories live. Discover now