Chapitre 19

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La semaine s'achève et le week-end arrive. Martin revient et nous passons notre temps collés l'un à l'autre à travailler ou à nous embrasser. Puis le dimanche arrive à la vitesse d'une voiture de course en pleine action et l'alpha doit repartir. J'essaie de m'y faire. Le reste de mon année scolaire va ressembler à cela. Je le supportais très bien, quand j'étais encore célibataire, il n'y a pas si longtemps que cela. Il n'y a donc aucune raison pour que l'absence de mon petit ami me donne l'impression d'avoir un gros trou à la place de la poitrine. Oui, aucune.

Le lundi après-midi, quand je retourne dans ma chambre après une dure journée de cours, je constate que Martin m'a envoyé un lien pour télécharger son film. Je clique aussitôt dessus et m'installe plus confortablement sur mon lit, un oreiller adossé au mur et Ernestine sur mes genoux. Je regrette de ne pas avoir de pop-corn, pour me croire au cinéma. J'en prendrai des sceaux entiers quand les scénarios écrits par mon copain seront adaptés au grand écran. Nous recevrons certainement des billets gratuits et je pourrai me vanter auprès de toutes les personnes que je connais.

Je ressens un petit frisson d'excitation en lançant la vidéo. Une excitation teintée d'agacement, car je suis toujours un peu vexé de ne pas avoir été choisi comme un acteur. Maman a pourtant toujours prétendu que j'étais un comédien né (même si je ne suis pas certain qu'elle me sorte toujours cela comme un compliment).

Le film me laisse un peu perplexe. Il ne dure que cinq minutes et, pour être très honnête, il ne s'y passe pas grand chose. Enfin, c'est supposé être un court-métrage d'entraînement, pas une production à gros budget d'Hollywood. Et je ne suis pas un grand connaisseur de cinéma. C'est peut-être en réalité un chef d'œuvre, mais je suis incapable de m'en rendre compte.

Je repasse la vidéo une seconde fois pour trouver des remarques à faire au cas où Martin me poserait des questions. On y voit au début un type inconnu (un autre élève de la prépa, je suppose) qui marche dans une ruelle sombre. Il rencontre soudain une fille qui n'est autre que Fleur, l'abominable coloc. Ils échangent quelques mots que la caméra ne peut pas percevoir. Le reste du court-métrage est surtout composé d'une course-poursuite qui prend fin brusquement devant un cours d'eau. Le film se termine sur un gros plan de Fleur qui entrouvre la bouche avec un air féroce. Je peux voir à quel point sa peau est pâle. La posture qu'elle adopte m'est familière. Elle me fait furieusement penser... à la créature que j'ai rencontrée l'autre jour dans la forêt !

Je me fige, stupéfait, et rembobine la vidéo avant de la mettre en pause. Oui, là ! On voit quelque chose dépasser très légèrement de sa bouche. Serait-ce... des crocs ?

Oh là là !

Je pose Ernestine sur le côté, me lève et entreprends de tourner furieusement en rond.

La coloc de Martin est peut-être une vampire ! Et elle vit avec lui ! Qui sait si elle ne va pas vouloir le vider de son sang une nuit ?

Je me mordille le bout des doigts. Je me sens encore plus impuissant que d'habitude.

Martin appelle à ce moment-là et je décroche dans un état second.

— Allô ?

— Alors, veut savoir l'alpha, tout excité. Qu'est-ce que tu en penses ?

— Ce que je pense de quoi ? je demande, l'esprit ailleurs.

— Eh bien de mon court-métrage, bien sûr. J'ai vu que tu l'avais téléchargé. Tu ne l'as pas encore visionné ?

Il paraît si déçu que je réponds :

— Si si. Il est très bien. Génial même.

J'aimerais lui crier la vérité au sujet de sa coloc, mais je crains qu'il ne me croit pas une seule seconde. Il pense déjà que je raconte n'importe quoi au sujet de ma rencontre dans la forêt...

Martin commence alors à me déballer toutes sortes de détails techniques que je n'écoute pas. Sa coloc est une vampire ! Il y a une vampire qui skate l'appartement de mon petit ami !

—... Et nous avons ajouté un fondu au noir, conclut à ce moment-là l'alpha.

— Hum hum, je réponds distraitement.

Une vampire !

Une idée géniale me vient soudain.

— J'aimerais te proposer quelque chose, je dis alors, emporté par ma récente inspiration.

— Tout ce que tu voudras, mon amour, répond aussitôt Martin.

Ce qui n'est pas prudent, puisqu'il ne sait pas encore ce que je veux, mais bon.

— Et si c'était moi qui venais te rendre visite à Lyon, le week-end prochain ? J'adorerais voir ton appartement.

Et croiser ta coloc pour pouvoir la démasquer et mettre hors d'état de nuire ...

— Excellente idée ! s'enthousiasme Martin. Faisons ainsi !

Parfait.

J'entends alors la voix de mon père me signaler que le dîner est prêt et je dois raccrocher après avoir promis de rappeler plus tard.

Une cocotte est posée sur la gazinière lorsque j'entre dans la cuisine. Par habitude, je m'assure en soulevant le couvercle qu'il ne s'agit pas de lapin. J'ai décidé de ne plus en manger, à présent que j'en ai adopté un. Ernestine devrait m'en être reconnaissante, même si elle ne le manifeste pas.

— C'est du bœuf chéri, affirme Maman. Peux-tu mettre les petits pois sur la table ?

J'attrape le récipient pour le poser sur le sous-plat. Je me sens fébrile. J'ai envie d'apprendre à combattre les vampires, pas de manger des légumes. Mais mes parents ne me laisseront jamais sauter le dîner. Ils tiennent à ce moment en famille. Moi aussi, en temps ordinaire, mais je me trouve en ce moment dans une nouvelle situation de crise.

Mon père et ma mère se mettent à discuter tranquillement. Parfois, je les envie de ne pas savoir ce qui se passe réellement à Gardelune.

— J'ai appris par un collègue qu'il y avait un château fort sympa à visiter dans les environs, dit Papa en coupant sa viande. Nous pourrions y aller ce week-end.

— Impossible pour moi, je réponds en prenant la parole pour la première fois. Je vais à Lyon ce week-end.

— À Lyon ? répète Maman comme s'il s'agissait d'une chose extraordinaire.

— Eh bien oui. Pour voir Martin.

Elle fronce les sourcils.

— Et quand avais-tu l'intention de nous en informer ?

J'agite ma fourchette.

— Je le fais, là, maintenant.

Mes parents échangent un regard, mais je n'y prête pas grande attention, trop occupé à essayer d'élaborer un plan. Me précipiter à Lyon est une chose. Trouver comment prouver la nature de la coloc en est une autre. Il me faudrait fabriquer l'élixir que Mme Jean a trouvé dans le manuscrit.

J'avale mes petits pois en réfléchissant. Je suppose que ce n'est pas tout à fait impossible. Je crois me souvenir qu'il fallait surtout y mettre de l'ail et de l'eau bénite. Le premier ingrédients est facile à trouver (Maman en planque certainement dans le garde-manger). Le second un peu moins. Mais je trouverai. Il le faut bien. Je ne vais pas laisser Martin en danger !

Le loup et moi 2 [terminée]जहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें