Chapitre 3

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Nu comme un ver, je frissonne, la peau recouverte de chair de poule. Pas parce qu'il fait froid, au contraire. Non, parce que je suis persuadé que Martin m'observe d'une manière ou d'une autre. Il le fait tout le temps, mais je n'arrive pas souvent à le prendre sur le fait.

Je ramasse mes vêtements, les roule en boule et les fourre dans un sac plastique étanche accroché à une branche. Ils resteront là, bien à l'abri, jusqu'à ce que je retourne les chercher.

C'est moi qui ai inventé ce procédé et j'en suis plutôt fier. Avant, nous emportions nos vêtements dans notre gueule et ils étaient à l'arrivée tout froissés et couverts de bave. Sans compter qu'il n'est pas spécialement agréable de courir avec quelque chose entre les dents. Maintenant, nous laissons tout simplement nos habits bien à l'abri dans un endroit facile à repérer et nous en mettons d'autres que nous avons laissés chez les parents de Martin. Puis nous faisons l'inverse ensuite. N'est-ce pas astucieux ?

Le seul problème est que les sacs ne sont pas parfaitement hermétiques et qu'il arrive à des insectes de s'y glisser. L'autre jour - tenez-vous bien - j'ai trouvé un énorme mille-pattes dans mon caleçon.

Je ferme un instant les yeux en chassant cette vision d'horreur de mes pensées. Lorsque je les ouvre à nouveau, je suis un loup et je tombe à quatre pattes. Un autre, plus imposant, est posté en face de moi et me fixe avec amour. Il hoche la tête une fois dans ma direction et nous commençons à courir.

La nature se met à défiler autour de nous à toute allure. La forêt est coupée en deux par un cours d'eau que nous suivons en prenant garde à ne pas le traverser. Ce ruisseau rachitique qui n'a l'air de rien est en réalité une frontière très importante qui délimite le territoire des Imbert, dont relève Martin, de ceux des Raspail, la meute ennemie. Je suis le seul loup à pouvoir passer d'un côté à l'autre sans m'attirer des problèmes. Mais j'évite autant que possible de mettre mes pattes chez les Raspail parce que je n'aime pas l'idée d'être biologiquement l'un des leurs. Je ne suis pas un psychopathe qui enlève les gens, moi ! Et puis, si je le faisais, Éric et son père seraient encore plus renforcés dans l'idée qu'ils ont un droit de regard sur ma vie...

Être un loup a quelque chose d'enivrant. Tous mes sens, pourtant habituellement plus développés que ceux d'un humain ordinaire, sont encore décuplés. C'est comme si mon nez se débouchait soudain après un long rhume.

Une biche affolée se cache dans un buisson non loin de nous. Je ne lui accorde pas d'attention, n'ayant évidemment pas envie de la manger. Martin m'avait proposé de m'apprendre à chasser, mais j'avais refusé avec indignation. Je trouve cela dégoûtant et je ne vois pas l'intérêt de se donner tout ce mal alors qu'il me suffit d'ouvrir le frigidaire de mes parents si j'ai un petit creux.

Martin court plus vite que moi, probablement parce qu'il est un alpha et que ses pattes sont plus longues. Et parce qu'il a plus d'expérience. Au début, il m'arrivait de m'emmêler les pattes et de m'écrouler par terre, ce qui semblait beaucoup amuser mon petit ami. Il prétendait que non, mais je voyais bien que si.

Sa vitesse supérieure l'oblige à se retourner régulièrement pour s'assurer que j'arrive à suivre le rythme. Je me dis toujours qu'il va finir un jour par rentrer dans un arbre, à force de ne pas regarder où il va (je sais d'expérience que les arbres sont dangereux, lorsqu'on les contrarie). Pour le moment, ce n'est encore jamais arrivé.

Nous arrivons un peu trop vite à mon goût à notre destination. Je ralentis et m'arrête, la langue pendante. Voilà, il ne me reste plus qu'à me transformer dans l'autre sens. Et c'est toujours le moment où mon petit problème récurrent commence. Je reste bloqué.

Martin s'approche de moi sous sa forme humaine et pose une main sur ma tête.

— Ne panique pas, me dit-il. Vide-toi la tête et tout ira comme sur des roulettes.

Le loup et moi 2 [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant