Chapitre 40

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Harmony

Les coudes posés sur l'arrondi de l'appui de fenêtre, je contemple le paysage nocturne. Pour avoir une meilleure vue, j'ai ouvert la vitre circulaire. L'air est frais, mais agréable.

C'est la troisième nuit consécutive que je me rends dans cette pièce abandonnée de la tour. J'ignore pourquoi, mais je m'y sens bien. La nostalgie vient néanmoins parfois m'habiter.

C'est Aedan qui m'a fait découvrir cet endroit, il y a plusieurs mois maintenant. Tellement de choses se sont passées depuis. Jamais je n'aurais cru que les événements prendraient une telle tournure.

Je lance une œillade à la penderie. Je me remémore ce moment où nous y étions enfermés tous les deux. Je me souviens du désir qu'engendrait sa proximité, de la chaleur de ses doigts qui s'étaient glissés sous mon haut et de son souffle rauque contre mon oreille. J'avais eu tellement honte des pensées qui m'étaient venues à l'esprit, ce jour-là. Dès le début, le mufle m'attirait.

Le couple dont nous avions écouté les ébats à nos dépens n'est pas revenu depuis que je viens ici. Tant mieux, ça m'évite de devoir me planquer une nouvelle fois dans cette armoire.

Je repose mon regard sur le panorama, puis sur mes mains. La sensation de l'arme à feu imprègne ma chair.

J'ignore ce qui m'a pris tout à l'heure. J'ai été stupide. Quand j'ai entendu la directrice et Aedan discuter du sort de Rivera, j'ai vrillé.

L'ancien mafieux a avoué à demi-mot ne pas vouloir liquider le criminel. Enfin, disons plutôt que la patronne l'a deviné. Ça m'a touché, ça veut dire qu'il n'est plus aussi sûr de vouloir tuer. Son point de vue et son ressenti sur le sujet sont en train de changer.

Puis, un élan de tristesse et de colère m'a traversé. J'ai eu la mauvaise idée de vouloir m'en charger. Ainsi, l'irlandais n'aurait plus d'excuses pour me tenir à distance. J'étais énervée – et je lui suis toujours – à l'idée qu'il veuille décider de ce qui est mieux pour moi à ma place.

J'étais déterminée, et quand j'ai eu le flingue en main, j'étais prête à m'exécuter. Cependant, je suis soulagée qu'Aedan m'en ait empêché. Avec le recul, je ne me le serais jamais pardonné, même si de toute façon, une autre personne s'est acquittée de cette tâche malgré tout.

À l'heure qu'il est, Rivera doit être mort. J'espère que c'est bien la directrice qui lui a porté le coup fatal et pas le mufle.

Misère, Harmony, tu dérailles.

Je soupire face à ce constat affligeant. Où est passée la psy qui maîtrisait parfaitement ses émotions et sa gestuelle ? Elle a disparu depuis un moment, depuis que j'ai signé ce contrat, depuis que j'ai rencontré Shadow. Comme quoi, je ne suis pas moins humaine qu'une autre. Il y a des sentiments contre lesquels on ne peut pas lutter.

Soudain, j'entends des bruits de pas. Mon rythme cardiaque s'accélère et je pars me réfugier dans la penderie.

Mince ! Il fallait vraiment que quelqu'un se pointe aujourd'hui.

Les pas s'approchent du meuble et la nervosité créé une boule au creux de ma poitrine. J'entends mon palpitant battre contre mes tempes.

La porte s'ouvre dans un grincement. Je ferme les yeux et me pince les lèvres.

— Trésor, c'est moi.

Cette voix, ce surnom.

J'ouvre un œil, puis l'autre. Une large silhouette avec une chevelure rousse m'apparaît. L'homme que j'aime me détaille, amusé.

UNDERSHADEWhere stories live. Discover now