Je fronce les sourcils. Est-ce qu'elle trouve Éric Raspail intéressant ? Je ne vois vraiment pas pourquoi. Certes, c'est un alpha musclé et je suppose que, pour quelqu'un qui n'est pas apparenté avec lui, il pourrait passer pour un beau garçon. Mais il reste un psychopathe mangeur de lapin alors que Joséphine est une douce oméga.

Je me rends alors compte que je me comporte comme les autres loups qui adorent se mêler de la vie privée des autres. Après tout, mon camarade a bien le droit de rougir en voyant Éric Raspail. C'est son problème, pas le mien. Je ferais mieux de m'occuper d'arranger mon cerveau ramolli avant de rater mon bac, redoubler et passer une année de plus loin de Martin.

Joséphine ne tarde pas à sortir de son trouble.

— Tiens, me dit-elle en sortant une feuille pliée en deux de son sac. C'est la liste des livres de philo que j'ai lus cet été. Tu devrais en parcourir certains.

Je saisis le morceau de papier.

— Merci beaucoup ! Je m'y mettrai dès que possible...

Elle me jette un regard compatissant.

— Cela ne doit pas être facile, d'être séparé de son alpha.

Je pince les lèvres en serrant la feuille.

— Cela n'a rien de compliqué ! Les alphas ne sont pas indispensables non plus. On survit très bien sans eux.

Joséphine hoche la tête, mais je la sens peu convaincue.

Nous n'avons pas cours au même endroit et nos chemins se séparent quelques mètres plus loin. La jeune fille tourne sur la droite tandis que je monte l'escalier jusqu'au premier étage, le moral à zéro. Je me sens tendu comme un arc. Mes mains tremblent toutes seules et je transpire à grosses gouttes.

Je reconnais soudain ces symptômes : mon corps s'apprête à se transformer en loup sans me demander mon avis !

J'ai tout juste le temps de me précipiter dans les toilettes les plus proches de là. J'essaie d'aller me cacher dans une cabine, mais mes jambes me lâchent avant et je tombe à quatre pattes en gémissant. Mes vêtements explosent lorsque je me transforme d'un seul coup, incapable d'y résister.

Je me mets à tourner en rond devant la rangée de lavabos, paniqué. Mais enfin, je ne peux pas me balader au lycée sous ma forme de loup ! Il faut que je me retransforme tout de suite ! Oui mais je n'ai plus d'habits ! Qu'est-ce qui serait le pire : dévoiler la présence de loups à Gardelune ou passer pour un pervers aux yeux de l'administration ? Oh là là, je n'en sais rien, moi !

Je réprime un glapissement lorsque la porte des toilettes commence à s'ouvrir.

Zut zut zut zut zut. Quelqu'un arrive !

Je recule jusqu'au fond de la petite pièce. Il n'y a aucune cachette possible ! Je vais être vu !

Le battant pivote de plus en plus en grinçant. Je me fige comme une statue. Peut-être que je pourrais passer pour un loup empaillé, si je reste suffisamment immobile ? Un élève ne trouvera peut-être pas si étonnant de voir un animal empaillé dans les toilettes d'un lycée, si ? Il y a bien des squelettes dans les salles de SVT, alors...

Et puis je vois la personne qui achève d'entrer. Pour la toute première fois de ma vie, je suis soulagé de reconnaître Éric Raspail. Oui, soulagé ! À croire que le monde s'est mis à tourner à l'envers et que c'est désormais nous qui marchons la tête en bas et non plus les Australiens !

Les yeux de l'alpha s'écarquillent en tombant sur moi. Ses narines frémissent et il paraît me reconnaître à l'odeur (il paraît que je sens le bonbon, dixit Martin).

Le loup et moi 2 [terminée]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora