VIII

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Île, 4 mars 1531

          Ses iris aussi verts que l'herbe au printemps me regardaient avec insistance pendant que je caressais ses cheveux longs et ondulés. Elle les avait plus clairs que moi, et j'aimais perdre mes doigts à l'intérieur comme si je passais la main dans un champ de blé. Je m'abandonnai à son étreinte et ses baisers langoureux qui laissaient sur mes lèvres un goût sucré. Dans ma poitrine, je devinais mon cœur aussi calme qu'une mer d'huile, pendant que la main que j'avais sur le sien le sentait s'emballer. Lentement, je descendis le bras sous sa cuisse que je relevai pour la faire basculer sur le lit. Elle émit un petit cri sourd lorsque sa tête heurta les coussins, surprise de se voir tomber ainsi. Cependant cela ne l'empêcha pas de passer sa langue sous la mienne, effleurant mes dents que j'appliquai contre ses lèvres. Nos deux corps étaient si près que j'avais l'impression que nous allions nous fondre l'un dans l'autre ; cela ne m'aurait pas dérangé.

Malgré la proximité de nos bouches, je pu aisément deviner son sourire alors que je glissai une main sous sa robe, entamant les vas et viens entièrement blottis contre son corps. Ses jambes vinrent m'enlacer et pendant que j'osai quelques caresses intimes, sa bouche vint mordre ma lèvre inférieure. Je réprimai une grimace de douleur lorsqu'elle lâcha son emprise, serrant au passage les draps dans ses poings fermés. Toutes ces années passées avec elle m'avaient enseigné l'art et la manière lorsqu'il s'agissait de la faire jouir avant l'acte. Je sentais déjà ma main se mouiller d'un liquide visqueux que je savais être le reflet de son plaisir alors que mes doigts caressaient ses lèvres. Je l'entendis étouffer un cri alors que sa tête s'enfonçait dans l'oreiller, au même instant où sa poitrine se relevait vers la mienne et que ses doigts se crispaient sur les couvertures. C'est dans ces moments-là que j'avais l'impression d'être en vie, car je savais que ma présence à ses côtés la faisait sentir vivante. Je ne vivais qu'à travers elle.

Alors que je retirais ma main de sous sa robe, sa bouche vint trouver la mienne pendant que ses mains enlaçaient mon visage. Je fermai les yeux.

Soudain son étreinte se calma et une étrange sensation parcouru mon corps, comme si son cœur avait cessé tout battement et qu'il était relié au mien. Je voulu plonger mes yeux dans les siens pour lui faire comprendre l'interrogation que j'éprouvais, mais je trouvai sa tête penchée sur l'oreiller, les paupières fermées sur le paysage vert de son regard. Elle semblait dormir. J'osai alors une main sur son épaule mais c'est en la retirant des draps que je découvris le sang qui recouvrait mes doigts. Le liquide rougeâtre s'étendait jusqu'à mon coude. Je baissai les yeux et tordis le cou pour trouver l'origine de tout ce sang, et sentis mon cœur exploser dans ma poitrine. Je me relevai d'effroi, titubant en arrière. Désormais debout devant son cadavre, je constatai que la trainée de sang venait de son ventre, qu'elle avait ouvert horizontalement d'un côté à l'autre, comme si on avait tenté d'en sortir un bébé. Dans ma main droite, soudain, un couteau apparu, chaud et tout aussi rouge que le reste de la chambre sous mes yeux. Sans que j'ai aucun contrôle sur la scène, mes yeux se mirent à pleurer pendant que son corps s'enfonçait dans le matelas, disparaissant peu à peu dans une mare de sang. J'hurlai.

Je me réveillai tout transpirant, haletant et droit dans mon lit. Un nom tambourinait dans mon esprit troublé, comme si tous les autres mots de mon vocabulaire avaient disparu à son profit.

- Alix, murmurais-je.

Assis sur les mêmes draps que dans mon rêve, je pris mon visage dans mes mains, tentant d'apaiser les pensées qui m'assaillaient. Je restai ainsi quelques minutes, calmant mon cœur bien trop pressé.

- Joyeux anniversaire, mon amour.

Puis je me levai et enfilai une chemise ample aux lacets défaits ainsi qu'un pantalon en cuir et des bottes. J'avais terriblement envie d'air frais ce matin.

La vengeance d'un loup. Tome I : Le Prince DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant