38 - Révolution

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~ Ezilly ~

Je posai une main sur la balustrade en marbre, et levai mon visage vers l'éclat doré du jour qui se levait. L'aurore avait toujours été mon moment favori de la journée. Cet instant suspendu entre la nuit et le jour, qui traversait à la fois hier et aujourd'hui... Depuis toute petite, je la savourais en laissant les premiers rayons du soleil caresser ma peau. La lumière me donnait l'espoir que tout allait être plus beau, que l'obscurité était derrière moi... À l'époque, j'étais une enfant insouciante qui savait voir le monde dans son entière beauté.

Un baiser se posa sur mon cou, et je fermai les yeux. Je blottis ma tête contre son torse. Le silence nous enveloppa, et seuls face au monde, nous traversâmes ensemble la frontière d'un nouveau jour.

La capitale était déjà éveillée. Sur la grande place, on distinguait le marché qui se dressait lentement, les étalages colorés fleurissant un peu partout dans les rues. Bientôt, les bruits des travailleurs et des discussions s'élevèrent dans la ville, les pas des cheveux sur les pavés rythmant le lever du jour.

— Vue d'ici, la vie a l'air paisible, murmura Wyer.

Les yeux rivés sur la ville, je caressais tendrement sa main. Je sentais sous mes doigts le relief de ses veines, la douceur de sa peau.

— Vus de leurs yeux, nous devons avoir l'air heureux.

La lassitude transcendait dans ma voix, et Wyer l'entendit. Au loin, je fixais la forêt, là où quelque part, dans un manoir, reposait le corps endormi de mon petit frère depuis bientôt trois semaines.

— Ezilly. Si un jour, je te proposais de partir avec moi, rien que nous deux, loin, quelque part au loin... Que dirais-tu ?

— Je dirais que tu es fou. Et je prendrais ta main, te laissant m'entraîner où nos pas nous mènent.

— Alors nous partirons. Un jour... Un jour, nous irons faire le tour du monde.

Je souris tristement.

J'avais tellement envie de le croire.

Un bruit me fit alors sursauter. Ce n'était qu'un oiseau dont le battement d'ailes m'avait surpris, mais c'était trop tard. Le charme était rompu.

— Nous devrions y aller, fis-je en secouant la tête. Nous ne pouvons pas nous permettre de rêver. Nous avons un royaume à sauver.

Et je me détachai de lui, avançant ma chaise roulante jusqu'à l'intérieur de la chambre.

Depuis notre retour au Palais, les journées étaient longues et harassantes. Wyer et moi passions nos journées et nos nuits à travailler, organisant comme nous pouvions ce qu'il restait de l'armée royale pour qu'ils protègent nos frontières, recevant les représentants du peuple qui venaient nous apporter leurs plaintes, négociant avec les seigneurs qui le voulaient bien un quelconque soutien militaire et financier. Et depuis que la famille De Carminn était en fuite, la place d'argentier royal qu'occupait mon père était vide. La comptabilité et les finances du royaume se retrouvaient sans gérant, ce qui causait de sacrées complications dans la gouvernance du pays.

La charge de travail était telle que je n'avais pas vu les jours passer. Trois semaines étaient passées, et pendant ce temps, Havin était toujours inconscient, et loin de moi. Je me mordis la lèvre et secouai la tête. Reprends tes esprits, Ezilly. Derrière moi, Wyer n'avait pas bougé.

J'allais ouvrir la porte quand je me figeai brusquement. Non. Je me précipitai sur le balcon, alerte, aussi vite que me le permettait mon fauteuil.

— Qu'est-ce que... Je plaquai ma main sur la bouche de mon époux et fixai mon regard sur l'horizon. C'était un bruit infime, un simple murmure à peine perceptible, qui provenait de très loin, mais je compris tout de suite.

WE ~ Tome IINơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ