32 - Le Sauveur

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~ Ezilly ~

Wyer me fixa longuement, me dévisageant comme si je venais de mourir puis de ressusciter sous ses yeux. On aurait dit qu'il voyait un fantôme. Les larmes qui coulaient silencieusement sur son visage révélaient à quel point il était bouleversé.

— J'ai eu si peur, Ezilly...

La détresse qui brillait dans son regard était celle que j'avais découvert il y avait quatre ans, lorsqu'il m'avait déclaré qu'il m'aimait, et que je devais vivre même s'il mourait. À l'époque, je n'avais pas réalisé l'ampleur de sa supplique. Mais à cet instant, je comprenais enfin : cette détresse était causée par sa plus grande peur. Celle de me perdre.

Il tremblait tel un enfant. Doucement, en quelques gestes lents, je glissai ma main dans ses cheveux et attirai à nouveau sa tête contre moi. Il se laissa faire et ferma les paupières, avant de passer, avec une infinie précaution, ses bras autour de ma taille, comme pour s'accrocher à mon corps.

— Je suis vivante. Tu le sens ? Je suis vivante, répétai-je pour l'apaiser.

Je le berçai ainsi pendant de longues minutes, le visage enfoui dans ses mèches brunes. Il sentait la cendre. Je vis apparaître notre généreuse hôte dans l'embrasure de la porte, et apercevant nos deux êtres enlacés, elle recula dans l'ombre, une main sur la bouche.

— Et eux ? murmura la voix étouffée de mon époux.

Tout mon corps se contracta et il le sentit. Wyer s'écarta, nerveux.

— Ezilly, je t'en supplie, dis-moi qu'ils sont en vie. Je... Je ne supporterais pas de les perdre...

Sa main droite tremblait si fort qu'elle entrainait tout son bras avec. Silencieuse, je caressai sa paume, entrelaçai ses doigts aux miens, le regardai dans les yeux.

— Ils sont vivants, soufflai-je après ce qui sembla lui paraître un silence interminable. Tous les deux. Ils sont vivants, mais...

Je revis son petit corps m'échapper et dégringoler de ce qui restait de l'escalier, avant de sombrer dans la gueule du monstre rougeoyant.

— Havin est gravement blessé. Et tout est ma faute.

Ma voix s'était brisée. Le visage de mon compagnon se crispa, et durant quelques secondes, il resta immobile.

Après un long et pesant silence, il finit par dire :

— Emmène-moi le voir.

— Je ne peux pas.

— Comment ça ?

J'étendis mes jambes devant moi, révélant les pansements qui recouvraient entièrement mes membres inférieurs.

— Je ne peux pas marcher, Wyer, déclarai-je avec un pauvre sourire. La peau de mes pieds est complètement brûlée... Le médecin a dit qu'il faudrait de longs mois avant qu'elle ne se reforme et qu'elle cicatrise. Peut-être même... Peut-être que je ne pourrais plus jamais le faire.

Il se tut, encore une fois, mais son expression en disait long sur l'effroi qui le paralysait. Ses yeux papillonnaient entre mes jambes et mon regard.

Puis, lentement, il se redressa.

— Tu marcheras à nouveau. Je te le promets. Tu seras soignée par les meilleurs médecins de Weldriss.

Ses poings étaient si serrés que ses jointures en étaient blanches. Mais malgré le désarroi qui transcendait de son corps, je savais qu'il pensait ce qu'il disait.

— Havin est en haut, murmurai-je.

Il s'approcha lentement de moi, puis très délicatement, comme si j'étais quelque chose de très fragile et de très précieux, il glissa ses bras sous mes genoux et autour de ma taille, avant de me soulever du sol.

WE ~ Tome IIWhere stories live. Discover now