34 - Le Prix de la Vengeance

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~ Ezilly ~

Ce fut ce jour-là que je connus le terrible sentiment d'impuissance. Dès que Wyer était parti, j'avais tenté de le suivre, de me mettre debout, mais un simple effleurement au sol m'a fait gémir de douleur. Ma peau était à vif et mes forces trop réduites pour que je puisse marcher. J'avais détesté me sentir prisonnière de mon propre corps.

Le professeur Gévindor m'avait porté jusqu'au salon, au rez-de-chaussée, avant de m'apporter ma chaise roulante. Nerveuse, je m'étais postée à la fenêtre, attendant désespérément que Wyer revienne.

Sain et sauf.

Alors que la nuit prenait lentement place dans le ciel, un immense fracas retentit de la cour intérieure du manoir et je me précipitai dehors.

C'était Sho, accompagné d'une livrée de médecins et de soldats.

— Votre Majesté, êtes-vous gravement blessée ? s'enquit l'un des gardes.

Il détailla mon fauteuil avec de grands yeux inquiets, avant de s'arrêter sur le pansement qui me ceignait le front.

— Ce sera aux docteurs de vous le dire, mais d'après celui de cette maisonnée, je devrais guérir sans trop de problèmes. Ce n'est pas mon état le plus préoccupant, mais celui de mon frère. Monsieur, fis-je en avisant le médecin royal, je vous en prie, allez examiner l'enfant qui repose à l'étage. Il a été gravement brûlé...

— J'y vais de ce pas, Votre Majesté.

Dès que la suite de docteurs eut passé l'imposante porte, je m'empressai de rouler vers Sho. Ma panique devait me voir sur mon visage, car il s'accroupit aussitôt pour m'écouter.

— Wyer est parti il y a un quart d'heure. Il va faire une bêtise, Sho. Il va tuer mon frère, gémis-je.

— Qu'est-ce que tu racontes ? grogna-t-il.

— Cet incendie était une tentative d'assassinat. La deuxième, en réalité. Et c'est Hew qui en est à l'origine. Wyer s'est précipité dehors dès que je le lui ai dit, et son regard... Son regard avait perdu toute émotion, comme si la rage avait fait disparaître son humanité. S'il tue Hew, Radley se vengera et fera sombrer le royaume et notre famille dans le chaos.

Sho me dévisagea longuement, en silence, l'air un peu confus. Il ne savait rien du monstre qu'était mon père, et du danger qu'il représentait. Je ne lui avais jamais avoué, pour ma torture.

— Empêche-le de lui faire du mal. S'il te plait, Sho, empêche Wyer de tout détruire.

Il hocha la tête et se redressa.

— Personne ne tuera personne. Je te le promets.

En quelques secondes, il avait grimpé sur son cheval et s'était élancé dans le soleil couchant. Je le regardai disparaître. Wyer était parti il y avait une dizaine de minutes.

C'était déjà peut-être trop tard.

— Votre Majesté ! Ne restez pas dehors par ce temps, je vous prie ! Vous allez attraper la mort.

Je frémis à ce mot. Dépassant la duchesse qui m'observait d'un air inquiet depuis le palier, Monsieur Gévindor s'avança vers moi pour pousser mon fauteuil.

— Je peux me débrouiller seule, soufflai-je.

— Savez-vous où se trouve le Roi ? questionna le professeur sans me répondre. Le chef de la garde aurait besoin de lui parler.

— Non, mentis-je. Il est parti si précipitamment qu'il n'a pas pris le temps de me dire où.

Je me mordis la lèvre et pris une longue respiration pour calmer ma panique. Je devais garder mon sang-froid, ne rien montrer de ma peur. Si un incident arrivait... Je devais être en mesure de le gérer.

WE ~ Tome IIWhere stories live. Discover now