11 - La Fin d'une Vie

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~ Ezilly ~


- Que... Que se passe-t-il ?

J'avais l'impression que c'était une inconnue qui venait de prononcer ces quelques mots. Une inconnue... Ou plutôt quelqu'un que je n'avais pas vu depuis longtemps. Ezilly.

Car c'était elle, les mains tremblantes, les yeux écarquillés, qui dévisageait celui qui n'était pas son frère, mais simplement l'ami de son mari, ainsi que les soldats agenouillés à ses pieds. C'était elle qui faisait face à la foule qui se pressait devant l'orphelinat. Hortensia, Miss Sia, semblait avait disparu en un claquement de doigts.

- Le Roi est mort. On nous a donc envoyé vous chercher, Votre Altesse Madame De Welborn.

Mon cœur explosa dans ma poitrine. Je vis flou. Mes souvenirs refoulés frappèrent avec force ma mémoire, s'échappant pour venir envahir mes pensées. Ma vie d'avant ressurgit sous mes paupières, tandis que des larmes mouillaient mes yeux. Non. Je devais être en train de rêver. Ou de faire un cauchemar. Je ne savais pas.

Je plantai mon regard sur Shovaï, comme s'il était la seule chose encore réelle dans cette illusion. Pourtant, relevant la tête, ce fut lui qui assena la phrase qui m'acheva, comme un éclair foudroyant un arbre et mettant le feu à une forêt.

- Le Prince attend votre retour, ma chère Ezilly De Welborn.

Mon sang se glaça dans mes veines.

Je secouai la tête.

Je fis deux pas en arrière.

- Ezilly...

- Arrête ! hurlai-je.

Mon cri avait stupéfié la foule, et les Malaïens me dévisageaient sans comprendre ce qu'était devenue l'Hortensia calme et gentille qu'ils connaissaient tous. Mais à cet instant, cela était la dernière de mes préoccupations. Je tournai les talons. Je traversai la pièce sous le regard éberlué de mes amis, des orphelins et de mon frère, et me précipitai dehors par la porte de derrière. Mes pieds simplement emballés de tissus devinrent très vite gelés et trempés au contact de la neige. Le froid me mordit la peau. Les larmes qui coulaient sur mes joues gelèrent avant même de tomber. Mais je n'en avais rien à faire. Je voulais m'enfuir. Partir vite et loin de toute cette folie incompréhensible, avant qu'elle ne m'entraîne avec elle. J'avais trop souffert. Et celui qui espère et qui aime souffre. Alors je ne voulais plus ni aimer ni avoir le moindre espoir.

Ce fut près de l'endroit où j'avais failli mourir que je m'arrêtais enfin de courir. Observant ce trou dans la glace à peine refermé qui avait manqué de devenir mon tombeau, je me blottis contre un arbre mort. Je grelottais de tout mon corps et le froid m'enserrait la tête comme un étau. Au moins, ma souffrance physique effaçait un peu le bruit assourdissant de mes pensées... Non. Je ne devais même pas y songer. Ce n'était qu'un ramassis de bêtises, une farce. Je ne devais pas croire !

Repliée sur moi-même, je recouvris mes oreilles de mes mains, comme si cela pouvait atténuer le vacarme de mon esprit. Hortensia. Tu es Hortensia, Miss Sia, sœur de Sho. Tu es lavandière et tu vis à Malaï. Tu n'es rien d'autre. Je me répétais ces phrases en boucle pour m'en convaincre. Mais les larmes dévalaient toujours mes joues.

- Ezilly !

Je vis des boucles blondes apparaître sur le blanc de la neige, et je souris à travers mes larmes. Havin courut vers moi et s'arrêta pour reprendre son souffle, la main sur le genou, me tendant une cape de l'autre.

WE ~ Tome IIWhere stories live. Discover now