K. Le destin de l'Empire - quatorzième partie

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La lueur sanglante d'une étoile mourante se reflétait sur les flots d'une mer sombre et agitée. Les vagues venaient mourir sur une plage de sable noir; Varig Atorias cheminait d'un pas mécanique au fil de l'eau. Seul. Perdu. Était-ce une île? Un rêve?


Un paysage minéral, n'abritant aucune vie s'étendait au delà de la plage. Dans le ciel, d'énormes blocs rocheux flottaient parfaitement immobiles ou suivaient des trajectoires impossibles, bloqués dans des boucles temporelles se répétant à l'infini. L'air avait un goût de métal.


À ses côtés cheminait la grande silhouette d'Appollyon. Deux paires d'empreintes se détachaient dans le sable, rapidement effacées par le ressac.


-Où sommes nous? demanda Varig sans parler.

-Dans l'antichambre des dieux, répondit l'Inquisiteur. Une dimension au delà de la réalité que tu arpentais. Tu as déjà vécu ce genre d'expérience, souviens toi.

-Oui... Je crois.


Ses souvenirs lui semblaient lointains et difficiles d'accès. Il lui semblait avoir été interrompu dans quelque chose d'important, mais ne parvenait pas à se rappeler de quoi il s'agissait. Ni de comment il s'était retrouvé ici d'ailleurs.


Un voile obscurcissait ses pensées. Une voix qui susurrait depuis des mois aux frontières de sa conscience et envahissait désormais tout son esprit. Une volonté caressante, terrible, irrésistible, charmeuse. Un appel. Il lui suffit de l'écouter pour en trouver la source.


-L'étoile... Me parle.


Il leva involontairement la tête vers l'astre rouge, dont la lumière n'avait rien d'éblouissante.


-Ce n'est pas une étoile, asséna sa guide. C'est un dieu.


Varig s'arrêta, fixant intensément le disque dont les rougeoiements semblaient résonner dans son esprit. L'eau noire se mit à monter, avalant ses pieds.


-Pourquoi suis-je ici? demanda-t-il, avec effort, incapable de détourner les yeux du disque de feu aux reflets hypnotiques.

-Souviens toi notre pacte, répondit Appollyon. Une vie pour une vie. Les dieux t'ont sauvé plusieurs fois, leur pouvoir a parcourut tes veines, affermit ton bras et éclairé ton esprit. Tu es désormais prêt à devenir Appollyon, héraut des dieux et à renoncer à ton existence. Tel est le prix que tu dois payer.


Elle leva les yeux à son tour vers l'astre.


-Tu résiste. Comme tous les autres avant toi. Embrasse la vérité des dieux et laisse le reste derrière toi.


L'astre rougeoya plus intensément, alors que l'eau continuait à monter, dépassant la ceinture de Varig. Son esprit cédait du terrain, l'essence même de son être se dissolvait dans les flots sombres.


-Le vent divin de l'Armageddon balaya les étoiles, cita Appollyon. Et tout ce qui était disparu, tout ce qui n'était pas advint. Car telle était sa volonté et tel était le pouvoir divin du Nihilithe. Le premier des dieux a absorbé et détruit l'univers puis s'est fracassé en mille fragments dispersés dans l'éther. L'écho de sa gloire y a résonné, semant la vie, les Empires, la guerre. Tout ce qui a été était de nouveau, et finira pour être encore. Mille échos de la même réalité, subtilement différents et toujours semblables.


La voix de l'Inquisiteur changeait, et sans la voir Varig savait que son apparence oscillait entre mille existence. Des guerriers comme lui, serviteurs d'un pouvoir qui les dépassait et que leur route avait mené au même lieu hors de l'espace et du temps. Un chemin mille fois arpenté menant toujours à la même conclusion à travers mille réalités distinctes.


Il comprenait la nature de cet endroit à présent; cette dimension était un univers ratatiné dans un espace minuscule, vidé de sa substance par une force sans limites. Ce n'était pas une étoile qui l'éclairait; c'était un dieu terrible gorgé de tout ce qu'il avait dévoré. Ce monde avait été figé par sa volonté dans un instant d'Apocalypse. Ici le dieu sans nom forgeait ses hérauts qui parcouraient des milliers de dimensions animés de la même mission:


-Nous portons la fin et annonçons le retour des dieux qui détruiront l'univers. Résister est futile. L'œil des dieux sans nom embrase tout ce qui est.


Varig ne parvenait plus à savoir qui de lui ou d'Appollyon parlait. L'astre brûlait son esprit comme une flamme. L'eau noir dépassa ses épaules puis l'englouti tout à fait.


Soudain l'étoile émit une puissante impulsion de plasma qui vaporisa la mer et fit rougeoyer la roche, transformant les astéroïde en boules de lave en fusion. L'air brûlait.

Magnifiée par les flammes, une ruine apparut des tréfonds de l'océan. Au centre de la structure, Varig s'éleva, brûlant comme un soleil miniature. Une armure ardente purifiée par la flamme de l'apocalypse engloutit sa peau, et un casque imposant recouvrit ses traits en brûlant sa chair. L'homme qu'il avait été n'était plus; désormais il était...


-Appollyon, tonna son esprit, vibrant au rythme de la fin du monde.

La Dernière Étoile - Tome 2 : ChuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant