La Dernière Étoile - Tome 2 : Chute

10. La bataille de Terranie - onzième partie

Terrane suivait le déroulement de la bataille depuis son bureau. Le président avait envoyé tout le personnel du palais aux zones d'évacuation. Les défenses anti-aériennes du bâtiment étaient automatisées; lui seul était resté. 

Les choses ne se présentaient pas bien; Piepie avait percé le blocus de la flotte et son avant garde était désormais en mesure de bombarder directement la planète. Les explosions n'avaient d'ailleurs pas tardé à frapper la capitale, où ne se trouvait plus que des soldats et quelques milliers de civils malchanceux.

Le palais présidentiel faisait une cible difficile à manquer, pourtant Terrane n'avait pas peur de mourir; au contraire il ressentait du détachement, presque du soulagement. La bouteille vide sur son bureau l'avait un peu aidé à accepter l'inéluctable.

Terranie allait tomber. Son président mourrait avec son monde; l'Histoire ne retiendrait que les longues années de paix qu'il avait offert à son peuple et sa mort courageuse à son poste. Quelle plus belle mort que de disparaître avec son rêve?

Le président se leva et marcha jusqu'aux vitres pour observer un dernier coucher de soleil sur la capitale. Même les fumées soulevées par les bombes ne parvenaient pas à lui gâcher la vue.

-Un monde de rêve, murmura-t-il pour lui même.

-L'ennemi a commencé le bombardement orbital et déploie des troupes en surface de Terranie, signala un de mes officiers. Lourdes pertes dans la défense sol-espace, le bouclier planétaire faiblit.

-Continuez à reculer le groupe impérial, lâchais-je.

Une fenêtre de communication s'ouvrit soudain, montrant le visage du commandant Quintus.

-Mon seigneur, mon groupe de combat est dépassé, indiqua-t-il. Si on ne recule pas pour se regrouper tous mes vaisseaux vont être...

-Votre groupe de combat immobilise à lui seul près du tiers de la flotte ennemie, répliquais-je. Dans quelques minutes nous lancerons une contre-attaque décisive; d'ici là vous devez continuer à tenir la ligne, jusqu'au dernier vaisseau si nécessaire. Si vous tombez, toute la flotte Terranie suivra.

L'officier resta un instant silencieux avant de saluer.

-Nous ferons notre devoir. À tout le groupe de combat, tenez vos positions jusqu'à destruction. Aucun ennemi ne doit franchir nos lignes!

Je coupais la communication. J'avais choisi Quintus car il était le commandant le plus expérimenté de l'amiral Kress, le plus inflexible aussi. Mais même le courage trouvait ses limites face à l'écrasante supériorité numérique des SOB; le flanc gauche tiendrait encore quelques minutes avant de s'effondrer.

Au centre, Piepie continuait l'assaut sur la planète avec 4 000 vaisseaux, mais le reste de sa formation se modifiait; la base de sa pyramide était en train de séparer en deux. Prudent, il détachait deux escadres pour repousser Malarite et le groupe de impérial, s'assurant ainsi de sécuriser ses flancs pour l'assaut planétaire. Une fois Quintus vaincu, il n'aurait aucun mal à écraser la résistance en rapatriant toutes les forces du flanc gauche. Les débris de la flotte Terranie seraient alors refoulés sur le flanc droit, encerclés puis détruits.

Pour le moment la flotte pirate y affrontait Kress et Frallon, un combat d'attrition contre deux forces à peu près égales. Mieux dotés en vaisseaux lourds et plus coordonnés, les impériaux avaient le dessus, mais il leur faudrait une bonne heure pour décimer l'ennemi, et au prix de lourdes pertes. Piepie nous aurait débordé et écrasé bien avant.

C'est du moins ce qu'il espérait.

Utilisant la gravité de la planète, la flotte alliée avait accéléré bien au delà des limites prévisibles de leurs réacteurs. Elle émergeait maintenant de l'ombre de Terranie, fonçant vers le centre de la bataille; trois mille vaisseaux lourds et leurs escortes de chasseurs et de transports, tous intacts. De quoi renverser le rapport de force.

Une fenêtre de com s'ouvrit.

-Ici S3th. Ma flotte est prête à engager l'ennemi; j'espère qu'on arrive pas trop tard.

-Ton timing est parfait, assurais-je. Adopte la formation Thêta et rejoins le groupe impérial. Il est temps de reprendre l'initiative.

Pour bombarder la planète tout en affrontant les groupes de combat sur ses flancs Piepie avait dangereusement éparpillé sa flotte centrale, laissant une ouverture vers le cœur de sa formation...

-Informez les forces alliées et le groupe impérial que notre cible est le vaisseaux amiral ennemi, lâchais-je. Nous allons percer le front; déployez le Paladin et toutes nos réserves en première ligne pour enfoncer l'ennemi. Donnez tout ce que vous avez.

Mes pions chargeaient directement le roi ennemi. Coincée entre la défense au sol et les nouveaux assaillants, l'avant garde de Piepie ne pourrait pas manœuvrer pour se retourner sans subir des pertes massives. Quintus contenait toujours le flanc gauche, et son flanc droit était en difficulté. Je sentais les réacteurs inverser la poussée.

Un des deux camps aurait bientôt la victoire, et cela se déciderait dans les prochaines minutes.