Chapitre 13 - Partie 1 : UN MONDE DE MENSONGE

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26 mai 1888 - DEAUVILLE 

Il y avait de ces matins - ceux où l'on aspire plus que jamais à la tranquillité, le confort douillet du lit et la chaleur de sa compagne - où inévitablement on vous extirpe de votre confort. Achille Delhumeau grommela. Car l'individu qui tambourinait à sa porte, n'allait pas tarder à recevoir ce qu'il qualifiait de « morceau de viande non désossé en travers de la figure » pour passer le réveiller de si bon heure.

Passant une chemise il ouvrit à la volée la porte de sa chambre et se retrouva nez à nez avec Henry, puis Charles son deuxième fils qui se cachait dans un recoin, plus enclin que son aîné à ne pas ignorer que le sommeil de leur père était sacré.

— Quoi ?

— C'est important.

— Ça a intérêt à être important en effet. Il est six heures du matin !

À voir la mine quelques peu contrite de son fils, Achille se radoucit. Après tout Henry n'était pas du genre à vous demander de l'aide par ce simple terme.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Sortir du lit une charmante mais non moins dangereuse femme... Cela vous tente père ?

— Comme au bon vieux temps.

Ce fut tout ce que le vieil homme trouva à dire avant d'attraper ses affaires et sortir de la chambre à pas de loup. Finalement être levé de bon matin pour revivre un peu de sa gloire passée avait du bon.

Et de sa gloire passée, Achille en avait quelques beaux restes. Suivi de Charles qui gardait les lèvres pincées, preuve qu'il ne savait pas en quoi sa présence était requise, ils avaient allongé le pas derrière la démarche de géant de Henry, jusqu'à une petite maison cossue nichée dans une venelle de Deauville. La nuit était encore présente et seul le cliquetis des roues du chariot d'un maraîcher et les aboiements lointain d'un chien brisaient le silence. Là, Henry avait crocheté la porte de la maison sans mal. Petite fierté de père, Achille ayant initié ses enfants à cette technique quand ils étaient plus jeune. Cela pourrait toujours servir se disait-il à l'époque. Preuve en était aujourd'hui qu'il avait eu raison.

Enfin pénétré dans la petite maison, sa présence de colosse eut à faire à deux hommes armés de matraques qui furent bien vite mis hors d'état de nuire, sans risque, sans casse et presque sans bruit. Quand ils montèrent à l'étage et pénétrèrent la chambre de la dame, fatalement le remue-ménage l'avait mise sur le qui-vive et ils furent accueillis l'arme en la main et d'un tir maladroit. Achille lui trouva une jolie voix et fut saisi par sa beauté quand son fils parvint à la maitriser en lui fauchant les jambes sans vergogne, récupérant l'arme qu'il donna à Charles et la mit au lit d'une bonne gifle. Ça, le fiston avait beau aimer les dames, il manquait cruellement de distinction avec elles. Ses leçons sur les manières à avoir envers le beau sexe avaient été négligés.

— Henry. On ne frappe pas les dames.

— Faudrait-il encore que c'en soit une. Je vous présente Eva Evinger, charmante espionne pour le compte des prussiens.

— Sale engeance, persifla Charles, tandis qu'Eva se redressa le regard sombre de colère.

— Cher Henry, on vient régler ses comptes en famille maintenant ?

— Je vois que je n'ai pas besoin de faire les présentations.

— Non ce ne sera pas nécessaire. Monsieur Achille Delhumeau, dit « le colosse » porte bien sa réputation.

Achille se redressa, pas peut fier que ses états de service soient encore de notoriété.

— Et je suppose que vous êtes Charles, le frère et juge, Monsieur.

66 Exeter Street, tome 3 : Les vacances de Monsieur DelhumeauDär berättelser lever. Upptäck nu