Trahi

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En sentant la brûlure familière du Maître des Ténèbres sur son avant bras, Severus se crispa, inquiet. Habituellement, il n'était jamais convoqué pendant la semaine, puisqu'il était si proche de Dumbledore. Après de nombreux Doloris, il avait fini par convaincre son Maître exigeant qu'il espionnait à son bénéfice, et jusqu'à présent, il avait eu assez de libertés.

Cette fois cependant, il venait juste de terminer ses cours, et la douleur lui indiquait sans aucun doute que Voldemort était furieux.
Severus savait qu'il ne devait pas tarder, pourtant, il prit quelques instants pour se calmer, et pour monter ses barrières d'occlumentie à leur maximum. Puis, il quitta l'école à grands pas, pour transplaner dès qu'il atteignit les grilles.

Préoccupé par cette convocation inhabituelle, Severus n'avait pas vu deux regards inquiets suivre son départ...

*

Face à Voldemort, Severus s'agenouilla aussitôt, silencieux, impassible sous son masque argenté. Il attendit longuement, sans bouger, conscient que le moindre mouvement serait perçu comme une rébellion ou un signe de faiblesse. Il pouvait sentir la colère de son Maître impitoyable l'étouffer, comme si la magie du Mage Noir voulait s'en prendre à lui.

Le Doloris le cueillit par surprise et il s'effondra, luttant pour ne pas hurler et pour ne pas tomber dans l'inconscience. Alors qu'il était méthodiquement torturé, Severus entendit les "pop" de transplanage des autres Mangemorts, visiblement venus assister à sa déchéance.
Puis, le Maître des potions cessa de lutter et se laissa sombrer dans l'inconscience, perdu dans un océan de douleur, laissant sa dernière pensée aller vers deux adolescents plus en danger que jamais. Il pria pour que Potter n'assiste pas à cette scène, pour que ce foutu Gryffondor ne fasse rien de stupide pour lui venir en aide.

*


Une fiole de potion fut forcée entre ses lèvres, et il sentit le goût amer d'une potion. Il identifia sans peine l'un de ses propres mélanges, celui conçu pour ramener une victime de l'inconscience. Voldemort avait exigé ceci pour continuer de torturer ses victimes, encore et encore, et les empêcher de s'évader en se repliant dans leur esprit.
A cet instant, dans les brumes de la douleur, Severus se félicita d'être un espion et d'avoir ajouté dans la potion un anti-douleur léger, pour soulager les malheureuses victimes du mage noir. C'était peut être dérisoire, mais il n'avait rien pu faire de plus sans se trahir. C'était au moins suffisant pour l'empêcher de devenir fou, comme les Longdubas des années plus tôt.

Il cligna des yeux, ébloui par la lumière soudaine, pour tomber sur deux yeux rouges qui le fixaient, comme s'ils essayaient de lire son âme.
Heureusement, le Maître des potions avait passé de longues années à renforcer son esprit, pour en faire une forteresse imprenable. Il avait peut être vendu son corps et son âme au diable, mais ses pensées lui appartenaient et ne pourraient pas être violées.

Il entendit le murmures excité des Mangemorts autour d'eux, alors qu'ils se réjouissaient de voir tomber cet homme qu'ils détestaient. Puis, Voldemort lui adressa un rictus mauvais et susurra d'une voix trompeusement douce.
- Tu m'as trahi Severus. Tu as osé me défier.
Severus ne put qu'émettre un gargouillis étouffé, essayant vainement de protester. Voldemort continua sans se préoccuper de l'homme à terre, la rage faisant briller ses yeux rubis, ses traits monstrueux déformés.
- Il m'a été rapporté que tu recevais régulièrement ce cher Potter dans ton bureau. Seul avec lui... Tu as finalement succombé à la tentation après avoir espéré sa sang-de-bourbe de mère !

Le Maître des potions se raidit comprenant que l'élève qui avait pris la marque avait été le dénoncer, probablement pour espérer gagner des points. Les allées et venues du Gryffondor avaient été rapportées, et le Mage Noir en avait tiré des conclusions, s'approchant dangereusement de la vérité. Il rassembla ses forces et baissa les yeux en signe de soumission, le coeur battant.
- Maître... C'était des retenues. J'ai... J'ai puni le garçon. Encore et encore.

Il y eut un ricanement moqueur et Voldemort se redressa pour tourner autour de sa proie, prêt à fondre sur lui.
- Des retenues... Intéressant. Mon si fuyant Mangemort, mon petit Maître des potions si utile... Je me doutais qu'un jour tu me trahirais, quand j'ai découvert ton attachement stupide envers cette... femme. A l'instant où tu étais seul avec lui tu aurais dû me le livrer, depuis que Dumbledore est hors-jeu.

Severus gémit, comprenant que cette fois, il avait perdu. Il aurait imaginé avoir plus de temps pour tenir la promesse faite à sa douce Lily, celle de protéger son fils.
Sa bouche s'ouvrit sur un hurlement silencieux alors que les Doloris pleuvaient sur lui, entrecoupés de sorts de découpes. Il se demanda si son élève, celui qui l'avait dénoncé, celui qui l'avait conduit à être torturé, était présent. Et il espéra que sa mort servirait à lui faire prendre conscience de ses erreurs... Que le gamin qui voulait jouer à l'adulte comprendrait que la guerre n'était pas une plaisanterie, et que les blessures étaient réelles. Autant que les morts.


*

Dans un dernier geste désespéré, Severus rassembla ses forces, et ferma les yeux. Alors qu'un Doloris fusait, il transplana, espérant ne pas se désartibuler.
Son corps brisé tomba brusquement au sol, et le choc le fit gémir. Puis, puisqu'il était apparemment loin de ses bourreaux, en relative sécurité, il se laissa aller dans une bienfaisante inconscience, espérant échapper à la douleur qui lui broyait chaque centimètre du corps.

Severus ne se rendit pas compte qu'inconsciemment il avait transplané aux portes de Poudlard, comme s'il se doutait que ce serait le seul endroit où il pourrait obtenir de l'aide. Il était dans un coma léger, insensible à ce qui l'entourait, aussi il n'entendit pas le miaulement de Miss Teigne qui le trouva, ni le juron horrifié de Rusard. Il n'entendit pas plus le sanglot étouffé de Poppy Pomfresh lorsqu'elle vint le chercher pour l'emmener à l'infirmerie, et il ne sentit pas la caresse presque maternelle de Minerva sur sa joue, alors que la sévère Directrice adjointe murmurait une prière aux Dieux pour qu'il survive à cette terrible épreuve.

Severus ne sut pas que deux adolescents pleurèrent pour lui lorsqu'ils apprirent qu'il avait été torturé et qu'il était désormais entre les mains de Pomfresh, entre la vie et la mort. Que la maison Serpentard dans sa grande majorité commença à douter de l'allégeance de leurs parents, se rendant compte que n'importe qui pouvait être une victime.
Pour l'heure, il était perdu dans un monde de douleur, et plus rien d'autre n'avait d'importance.


Prompt de demain : regard à la dérobée

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