Lundi arrive bien plus vite que prévu et je me retrouve à nouveau à gravir les escaliers avec l'enthousiasme d'un étudiant en pleine semaine de partiels. Lorsque j'atteins enfin le bon étage, je croise Patrick qui savoure son café fumant.
- Tu as passé un bon week-end ? Me demande-t-il avant de souffler sur le gobelet dans sa main.
- Oui mais il est passé assez rapidement malheureusement, répondé-je.
- Ca ne serait pas un vrai week-end sinon, rétorque-t-il en souriant.
J'acquiesce puis tourne la tête pour apercevoir une silhouette qui ne m'est pas inconnue. J'arque un sourcil et fais quelques dans sa direction lorsque cette fameuse personne se retourne. Je reconnais immédiatement son visage entouré de ses cheveux roux aussi brillant que l'avenir que je m'étais imaginée à l'âge de 5 ans. Elle dégage une aura qui donne l'impression qu'elle est la personne la plus importante de la pièce : Riley.
Je finis par rassembler le peu de courage qu'il me reste en réserve et m'approche de la personne qui est la raison de ma fatigue la semaine dernière. Alors qu'elle se reposait avec son enfant chez elle, je devais faire son travail. J'ai conscience que je ne peux pas en vouloir à son enfant d'être tombé malade mais elle a tendance à prendre des congés pour ses enfants bien plus souvent que nécessaire.
Je dépose mon sac sur mon bureau dans un bruit assez lourd pour qu'elle me remarque et cela fonctionne. Ses cheveux se balancent alors qu'elle s'approche de moi avec un sourire bien trop resplendissant. Le fait qu'elle affiche une mine si reposée alors que j'ai passé une très mauvaise semaine m'irrite plus que de raison.
- Hailey, de ce que j'ai entendu tu t'en es plutôt bien sorti la semaine dernière, me dit-elle en déposant une main sur mon bureau.
Je lève la tête vers elle.
- Ca va, j'ai fait de mon mieux, répondé-je.
- Super, du coup tu es au courant qu'on voit Chris dans 30 min ? M'annonce-t-elle.
Je hoche la tête.
- Tu as un support ou quelque chose à lui montrer ? Me demande-t-elle.
- Pas réellement, commencé-je mais je n'ai pas le temps de finir ma phrase.
- Tu es au courant qu'on part mercredi ? Parce qu'il va falloir se mettre en mode actif là, me sermonne-t-elle comme si elle était mon aîné de dix ans.
J'acquiesce.
- J'ai été prévenu vendredi soir avant que je parte, c'est assez normal que je n'ai rien de prévu, repris-je.
Elle passe une main dans ses cheveux.
- Il faut être prête dans toute situation, c'est les aléas du métier, me répond-elle avant de faire volte-face pour se diriger vers son bureau à quelques mètres du mien.
Je fixe sa silhouette se déplacer avec une grâce qui me donne envie de tailler ses talons au taille-crayon puis reporte mon attention sur l'écran noir de mon ordinateur.
Je dois admettre que j'envie Leith de s'entendre aussi bien avec ses collègues. J'admets ne pas être la personne la plus sociable de l'univers mais les personnes avec qui je dois travailler en étroite collaboration sont aussi celles avec qui je m'entends le moins bien.
Riley est arrivée dans l'entreprise un mois avant moi. Nous devons avoir cinq, six ans de différence d'âge et pourtant elle se comporte avec moi qui si elle avait posé la première brique du bâtiment. Nous avons exactement le même poste et même si je progresse doucement avec des tâches plus importante, elle continue de considérer comme la petite nouvelle du service. Patrick, quant à lui, a droit une amabilité dénuée pic constant et je souhaiterais vivement avec sa recette secrète pour y parvenir.
Je passe donc les dernières minutes avant la réunion avec Chris à tenter de synthétiser et mettre en forme les informations tout en sachant pertinemment que Riley aura quelque chose à redire. Lorsque Chris m'a annoncé que je partais en déplacement avec Riley, le fait que ce soit Riley ne m'a absolument pas traversé l'esprit. J'étais si concentrée sur le fait que je passe peu de temps avec Leith que le fait de passer deux jours avec la personne la plus horripilante de la planète ne m'a même pas effleuré l'esprit.
J'entends les talons de ma chère collègue claquée par terre ce qui m'indique qu'il est temps de passer à l'abattoir.
Alors que j'aperçois la porte de Chris se rapprocher de plus en plus au fur et à mesure de mes pas, mon téléphone se met à vibrer.
C'est un message de Leith : "Super projet en vue, je dîne avec les collègues ce soir !"
J'enfoui mon téléphone dans ma poche en même temps que mes émotions et passe le pas de la porte. Chris est étendue de tout son long dans son fauteuil et fixe le plafond, un stylo à la main. Riley est installée sur un des fauteuils. Ses jambes croisées dévoilent une teinte halée qui me surprend vu la météo actuelle.
- Installe-toi Hailey, je n'ai pas beaucoup de temps, m'accueille Chris avant de se redresser pour se tourner vers nous.
- J'ai fait un power-po... Commencé-je.
Chris lève la main pour m'interrompre.
- Pas le temps ce matin. Je vous envoie un mail dans la journée pour vous faire un debrief des points importants à ne pas oublier pour jeudi. Si je vous envoie toutes les deux, c'est parce que je vous fais confiance mais aussi parce que Richard au cinquième va quitter son poste. Il part en retraite et la rh préfère recruter en interne. Donc, pas besoin de vous inventer une excuse, ce voyage va aussi me permettre de vous départager, annonce-t-elle.
J'écarquille les yeux. Je ne m'y attendais absolument pas.
- Hailey, je t'ai mise sur le projet de Riley le temps de son absence pour voir si tu étais capable de t'adapter et tu as su chercher les ressources malgré ton envie incessant de poser des questions. Riley, je ne t'ai pas beaucoup vu depuis mon retour des vacances mais je sais que tu fais en sorte que le travail soit fait. Je vous considère comme les deux personnes qui de mon point de vue peuvent reprendre le poste de Richard. C'est une occasion très intéressante et très rare. Les départs à la retraite sont moins fréquents qu'on le pense et la rh souhaitait quelqu'un de mon équipe. Mais je peux vous assurer que la prochaine fois, vous n'aurez pas un ticket vip de la sorte, continue-t-elle.
Je jette un coup d'oeil à Riley qui est aussi droite qu'un piquet et sourit de toutes ses dents. Je sais que Chris ne se laisse pas berner par des sourires et des courbettes mais au moins je n'ai aucun doute sur le fait que Riley semble très intéressée par ce poste.
Nous quittons le bureau de Chris dans un silence glacial. Ce n'est certes pas la première fois que cela arrive, mais cette fois-ci c'est différent. Chris nous a mis dans une position très délicate. Elle nous annonce que nous sommes en compétition et nous envoie dans un autre état par la même occasion pour vivre deux jours dans la tension et la froideur.
Je n'aime pas être hypocrite et pourtant j'ai l'impression que c'est la seule manière de survivre à ce déplacement. Si je me mets à parler sans filtre, je vais simplement tendre la perche pour me faire battre.
Je retourne à mon bureau où mon power-point est encore ouvert. Je le fixe, perdue dans mes pensées. Si j'avais su l'annonce que Chris allait nous faire, je n'aurais pas perdu de temps pour rien. Le message de Leith me revient alors en mémoire. Je reprends mon téléphone et m'apprête à lui annoncer ma nouvelle mais j'ai un moment d'hésitation et je finis par lui envoyer un simple "C'est génial, amuse toi bien !". Je doute qu'il doit avoir le temps pour mes histoires. Si je lui annonce que je suis en lice pour une promotion mais que je ne suis pas enchantée à l'idée de devoir me battre corps et âme avec des mensonges et de la manipulation pour y arriver, il risque de ne pas comprendre. Je ne suis pas une compétitrice dans l'âme mais Riley va clairement l'être durant le déplacement. C'est pourquoi, plus les minutes s'écoulent et moins l'idée de ce voyage m'emplit de joie.
Je lève les yeux pour voir Riley annonçait la grande nouvelle à tout le monde. Quelques regards sont jetés sur moi mais je dois admettre que l'image que je dégage, cachée derrière l'écran de mon ordinateur, la mine misérable ne doit pas me donner une image de concurrente féroce aux yeux de tous et particulièrement aux yeux de Riley. Elle agit déjà comme si le poste était à elle et je ne peux lui en vouloir. Dans cette situation, j'aurais probablement pensé aussi que la partie était jouée d'avance.
Je me plonge donc dans mon travail sans pour autant avoir hâte de rentrer à l'appartement qui sera sûrement vide.
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Prochain chapitre : Mercredi !