Alors que la flotte thrawnienne émergeait de l'hyperespace et pénétrait dans la bulle stable nichée au cœur de la nébuleuse, Varig eut la surprise de découvrir que leurs ennemis avaient déjoué toutes leurs prévisions.
Cinq minutes plus tôt, les sondes d'espionnage avaient précédé les vaisseaux et s'étaient rapidement faites repérer et abattre, non sans avoir transmis leur rapport.
Une vaste station spatiale en forme de disque bombé se cachait bien à l'intérieur du nuage de Scylla; le complexe de recherche secret de piepie était désormais exposé. Comme prévu le pirate n'avait laissé en poste qu'une flotte minimale; quelques centaines de vaisseaux lourds, plus destinés à dissuader des confrères pillards qu'à affronter une force de combat déterminée.
Varig et ses officiers pensaient que le commandant ennemi n'avait que deux choix après avoir vu les sondes: fuir en tentant de saboter la station ou affronter les assaillants.
Les thrawniens avaient bâti leurs stratégies en fonction de ces deux options, c'est pourquoi ils furent surpris de découvrir que la flotte ennemie n'avait pas réagi. Le gros des vaisseaux était toujours à quai le long de la bordure de la station, et seuls quelques dizaines de bâtiments patrouillaient à la lisière des masses de matière changeante de la nébuleuse.
La plupart de ces patrouilleurs s'étaient naturellement rapprochés du point d'émergence des sondes; ils n'eurent pas le temps de comprendre ce qui leur arrivait.
Craignant une embuscade dès la sortie d'hyperespace, Frallon et Arius avaient recommandé de déléguer les commandes de tir aux systèmes automatiques, bien plus réactifs que des humains. Des milliers de vaisseaux ouvrirent donc automatiquement le feu sur les ennemis proches, les taillant littéralement en pièces.
-Destructions de 23 vaisseaux ennemis confirmée, signala un opérateur.
Peut-être le commandant du site pensait-il avoir plus de temps, à moins qu'il n'ait pas pris sa décision assez vite. Quoi qu'il en soit, cela donnait à Varig une opportunité inespérée; il activa son système de com.
-Commandant Frallon, prenez la tête avec votre groupe de combat et avancez au contact de l'ennemi. N'en laissez aucun prendre la fuite, mais n'endommagez pas la station dans la mesure du possible.
Il se tourna ensuite vers Arius.
-Que notre groupe couvre celui de Frallon. Envoyez des unités s'occuper des patrouilleurs et préparez vous à déployer les troupes de choc sur la station; on ne doit pas leur laisser le temps de comprendre ce qui se passe.
Lors des batailles il se contentait d'ordres généraux, laissant le soin à ses commandants, bien plus doués que lui, de manœuvrer les groupes de combat pour les exécuter.
-Compris amiral.
Pianotant sur la console de son fauteuil tandis que ses ordres étaient exécutés, il diffusa le message pré-enregistré qu'il avait préparé sur un canal ouvert, exigeant une reddition immédiate et sans conditions. À ce stade c'était quasiment une formalité.
-Amiral, les vaisseaux de la SOB se détachent de leurs ancrages, et des appareils ennemis se déploient pour intercepter nos forces.
Nul besoin de la carte tactique pour comprendre le ton presque négligent de l'opérateur. La flotte d'exploration disposait de quatre fois plus de vaisseaux que les défenseurs. Toute résistance de leur part était vouée à l'échec.
S'ils s'étaient tous déployés en même temps, les chasseurs pirates auraient pu avoir une chance d'infliger des dommages. Mais les escadrons décollaient en urgence, dans le plus grand désordre et depuis différentes distances; ils arrivaient donc en petit nombre, formant des cibles faciles pour les tourelles des croiseurs d'escorte. La flotte d'exploration avançait tel un énorme marteau, balayant tout sur son passage.
Les vaisseaux thrawniens relâchèrent une nuée de chasseurs qui fondit sur les vaisseaux encore amarrés à la station. Les défenses de proximité ripostèrent alors qu'ils engageaient à courte portée, mitraillant et tirant leurs missiles sur leurs proies.
En quelques minute la bataille s'était étendue à toute la bulle. Certains patrouilleurs fonçaient vers la station pour tenter de rejoindre leurs camarades; d'autres prenaient la fuite, talonnés par les vaisseaux expédiés à leur poursuite par le commandant Arius. L'artillerie laser, les projectiles de tout calibres et les missiles illuminaient l'espace.
-Amiral, communication entrante de la station, signala un opérateur.
-Sur écran, demanda Varig.
Le visage d'un homme aux cheveux blancs apparut à l'écran. Il devait être du mauvais côté de la cinquantaine, mais seules quelques rides marquaient son visage vierge de toute cicatrice. Son costume de bonne facture ressemblait à celui de n'importe quel cadre supérieur de n'importe quelle installation officielle, même si sa cravate avait prise un angle plutôt incongrue. Derrière lui, on voyait ses subordonnés s'activer sur des terminaux informatiques tandis qu'un garde armé regardait autour de lui d'un air menaçant.
-Retirez vous immédiatement ou nous faisons sauter la station! aboya l'homme en costume d'une voix trop aiguë.
L'absence de toute présentation formelle ou d'effort pour cacher la panique qui régnait à bord en disait long. Carlsson avait heureusement prévu cette menace et Varig savait exactement quoi dire.
-Êtes vous l'officier en charge ici? demanda-t-il d'un ton calme.
L'autre sembla un instant se poser sincèrement la question, regardant autour de lui comme dans l'espoir de voir un volontaire surgir et prendre son poste et toutes les galères qui l'accompagnait. Mais aucun deus ex machina ne vint à son secours; il se redressa donc et remit dignement sa cravate en place.
-Je suis le directeur Glenik, se présenta-t-il. En tant que représentant de la fraternité des...
Tandis qu'il parlait, les vaisseaux du commandant Frallon avaient avancé et déchaînèrent un tir de barrage sur les bâtiments ennemis qui tentaient de se regrouper en formation défensive au dessus de la station. Frappé à mort, un traqueur qui venait de quitter son ancrage s'écrasa sur le bord de la structure, faisant trembler les lumières de la pièce où se trouvait le directeur ainsi que les cloisons.
Quand ce dernier se redressa, sa cravate était à nouveau de travers.
-Écoutez moi attentivement directeur Glenik, lança Varig d'un ton froid. Vous allez ordonner à toutes vos forces de se rendre sans résistance et de nous livrer ce complexe intact. Si vous refusez, si vous tentez de le saboter quoi que ce soit ou de résister vous mourrez jusqu'au dernier. Est-ce clair?
L'homme sembla hésitant.
-Euh... Je suis tout à fait favorable à votre proposition, mais je dirige seulement le complexe, répondit-il d'un ton plaintif. La flotte de garde n'est pas tout à fait... Euh... Je vais essayer. Après tout je suis le plus gradé qu'il reste.
Il coupa brutalement la connexion. Varig serra le poing, observant son interface tactique.
Sa flotte débordait partout l'ennemi, mais les pirates ne se laissaient pas faire. Ils avaient déjà détruit de nombreux chasseurs et même quelques vaisseaux de ligne. Et ils se regroupaient, adoptant une formation compacte au dessus de la station.
Malheureusement pour eux, le commandant Frallon avait bien comprit leur manœuvre et enserrait les pirates dans un étau de feu qui empêchait leurs camarades de les rejoindre. Ceux qui tentaient de fuir étaient détruits ou pris en chasse par les escadres rapides déployées par Arius.
La bataille ne durait que depuis dix minutes, mais les pertes dépassaient déjà le millier d'homme pour les thrawniens. Le chiffre augmentait par sursaut; la destruction d'un vaisseau de bataille éperonné par un destructeur pirate lourdement touché le fit soudain bondir à plus de deux mille. Varig serra le poing. Un éclair de lumière brilla au milieu du chaos alors que l'énorme vaisseau succombait à des tirs croisés.
-Rappelez moi ce Glenik! ordonna-t-il d'une voix trop forte.
Peut-être que certains commandants parvenaient à se détacher des chiffres qui montaient obstinément, mais Varig n'y parvenait toujours pas. Une rage sourde pulsait dans sa poitrine, qu'il s'efforçait de canaliser pour garder la tête froide.
-Nos forces ont sécurisé un corridor d'approche vers la station, signala Arius.
Le chevalier pianota à nouveau sur son interface.
-Colonel Maxus, emparez vous de ce complexe, ordonna-t-il.
-À vos ordres amiral, répondit l'officier. Pour l'empereur!
Des centaines de transports d'assauts décollèrent, flanqués de chasseurs. Les derniers escadrons de la SOB encore en vol tentèrent maladroitement de les intercepter, mais ils n'étaient plus assez nombreux pour y réussir. Pressée de toute part, la flotte des défenseurs ne se résumait plus qu'à une centaine de vaisseau de ligne et une kyrielle d'épaves.
Le visage du directeur Glenik réapparut à l'écran, sa cravate jetée sur son épaule. Le regard fou, il n'avait pas l'air d'un homme venant annoncer sa reddition. Quasiment tout le personnel derrière lui avait disparu.
-Amiral, vous devez nous aider! lâcha-t-il d'un air épouvanté. Le...
Une puissante explosion secoua la pièce où il se trouvait, puis l'image disparu soudainement.
-Un bombardier ennemi quitte la formation. Il tire sur le complexe! signala un opérateur.
Presque aussi massif qu'un destructeur, le lourd vaisseau plongeait effectivement sur la station en tirant ses bombes de plasma sur un point précis, éventrant le blindage.
Le chevalier comprit avec horreur ce qu'il comptait faire; s'écraser volontairement sur la zone qu'il était en train d'affaiblir. Les dégâts seraient...
-Rappelez les unités d'abordage! aboya Varig, conscient que son ordre arriverait trop tard.
Des dizaines de transporteurs avaient déjà abordé la station, liant le sort des unités d'assaut à celui du complexe.
Lancé dans une chute libre suicidaire, le bombardier pirate continuait à tirer en accélérant quand un croiseur thrawnien surgit de nulle part et le percuta, moteurs poussés au maximum. L'impact écrasa l'avant du petit vaisseau, tuant instantanément tout ceux qui se trouvaient sur sa passerelle. Le croiseur glissa le long du blindage renforcé dans une gerbe de débris, mais continua obstinément à pousser.
Lentement, l'énorme masse du bombardier dévia de sa trajectoire.
Au lieu de s'écraser sur la zone endommagée, le bombardier percuta la station de biais. Il rebondit, emporta une navette d'assaut thrawnienne qui tentait de décoller puis s'éloigna de sa cible comme un boxeur sonné. Les restes du croiseur qui avait sauvé la station partit au milieu des épaves, hors de contrôle.
Quant au bombardier, pris en chasse par trois escadrons et une demi douzaine de vaisseau de ligne, il succomba rapidement dans une explosion de lumière.