|Point de vue de Hailey|
Je m'étire dans mon lit en baillant sans retenue. J'ai l'impression d'avoir mieux dormi que d'habitude et c'est pourtant surprenant étant donné l'affreuse lettre que j'ai découvert dans le sac à main de ma mère dimanche.
Je me fige lorsque mon coude entre en contact avec quelque chose de dur.
Je fronce les sourcils et pivote doucement vers ma droite pour découvrir que quelqu'un s'est glissé sous ma couverture et dort paisiblement à mes côtés.
C'est une blague ?
Je passe en revue le nombre de personne qui aurait pu osé un geste pareil mais personne ne me vient à l'esprit.
Soudain tout me revient en mémoire.
C'est Leith et cela me parait évident lorsque mes yeux aperçoivent son beau visage si calme et si magnifique.
Mes yeux détaillent chaque partie, son nez droit, sa bouche qui me donne envie de l'embrasser jusqu'à en perdre haleine ou encore ses sourcils fournis qui soulignent ces beaux cils noirs et épais.
Je me retiens de rire en remarquant que j'ai l'impression de le décrire comme le font certains écrivains dans leur livre en parlant du délinquant séduisant.
Le classique cliché et pourtant je n'arrive pas à trouver d'alternative, comme si Leith était mon délinquant séduisant. Pourtant ce n'est pas un délinquant, bien qu'il soit séduisant.
Je chasse ce dilemme au fond de mon crâne et tends délicatement ma main sur son front pour dégager les quelques mèches qui tombent négligemment dessus.
Il prend une grande inspiration et je pense l'avoir réveillé mais ce n'est pas le cas puisqu'il retombe dans un profond sommeil quelques secondes plus tard.
Le sourire collé à mon visage s'évanouit pour laisser place à une moue crispée en me rappelant ce qu'il s'est passé hier.
Je venais juste de trouver le sommeil après avoir passé la fin de mon après-midi et toute la soirée à pleurer dans ma chambre lorsqu'il est apparu dans ma chambre, comme un songe impossible, un mirage mais lorsqu'il m'a touché, m'a embrassé j'étais soulagée de voir que je ne délirais pas.
Je ne sais pas pourquoi je lui ai demandé de rester, je sais simplement que c'est sûrement la seule chose positive de la journée qui m'est arrivée.
Il est là, à mes côtés et il a réussi à me redonner le sourire sans avoir eu besoin de faire ou dire quoique ce soit. Sa simple présence égaille ma vie et je ne sais pas s'il en a conscience.
Je continue de caresser son beau visage quand sa main m'attrape mon poignet.
Je me fige à nouveau et ses paupières s'ouvrent pour laisser place à des yeux si foncés que je n'arrive pas à en déterminer la couleur.
Il me sonde du regard puis un léger sourire se dessine sur ses lèvres.
« — Bien dormi ? » Me demande-t-il.
Je hoche doucement la tête puis jette un coup d'œil sur la porte de ma chambre.
Heureusement que je l'ai fermé à clé pour pouvoir pleurer tranquillement sinon je ne sais pas comment j'aurais expliqué à ma mère cette situation.
Je ne pense pas qu'elle aurait réagi positivement, premièrement en découvrant que Leith est ici alors qu'elle pense s'en être débarrassé en Californie, deuxièmement parce qu'elle le trouve dans le lit de sa fille qui bizarrement à passer toute son après-midi et sa nuit la porte fermée à clé.
« — Est-ce que tu veux en parler ? » Me questionne soudainement Leith.
Je déglutis, je n'ai pas envie d'y repenser. Jusque là j'ai simplement repassé en boucle la lettre dans ma tête sans jamais en parler à haute voix, mais en parler à Leith veut dire rendre cela plus réel, plus vrai et je n'ai pas envie de m'entendre le dire. Et pourtant, je sais mieux que quiconque qu'il faut mieux en parler que de rester dans son coin à se morfondre.
« — J'ai trouvé une lettre dans le sac de ma mère, dimanche. » Commençais-je.
Leith m'écoute attentivement sans me presser et je l'en remercie pour cela.
J'en connais beaucoup qui n'aurait pas pris en compte mes sentiments et m'aurait pressé simplement pour connaître tous les détails de cette sordide histoire.
« — C'était une lettre de l'armée, tu sais Nate, mon frère s'est engagé à l'armée et il était reparti. Dans cette lettre ils expliquaient qu'une tente avec des munitions avaient explosé et qu'ils ont quitté le camp après. Mais qu'ils ont perdu la trace de Nate. Et devine quoi ? » Lui expliquais-je en essayant de jouer la carte de l'ironie.
Il glisse sa main dans la mienne comme pour me montrer qu'il me soutient et cela a l'effet escompté.
« — Nate a été vu dans cette tente avant qu'elle explose mais personne n'est capable de confirmer s'il fait bien parti des victimes de l'explosion. Ils n'ont plus aucune trace de lui, il est donc porté disparu. » Ajoutais-je.
Il hoche la tête.
« — Porter disparu, cela ne veut pas dire mort. » Tente de me rassurer Leith.
Je secoue ma tête négativement.
« — La dernière discussion que j'ai eu avec Nate était à propos de cela. Il m'a dit qu'il a un ami dans son régiment qui était porté disparu. Il m'a confié que c'est juste une manière pour l'armée de dire qu'il est mort sans prendre les responsabilités de sa mort. Tant qu'ils n'ont pas toutes les preuves qui montrent bien que l'armée n'a rien à voir avec cette mort, il ne déclare pas le soldat mort. » Expliquais-je en fermant les yeux pour retenir les larmes qui menacent de couler.
Je ne pleure pas souvent mais m'imaginer que je ne pourrais plus jamais le serrer dans mes bras, subir ses blagues stupides ou tout simplement le voir vivant, c'est beaucoup trop à supporter.
En soi, lorsque nos proches sont vivants, nous ne réalisons pas à quel point ils sont importants à nos yeux.
Ils paraissent dérisoires, même exaspérant certaines fois et pourtant lorsqu'ils disparaissent, comme ça, du jour au lendemain, c'est comme si notre coeur avait soudainement décidé de nous montrer ce que nous venons de perdre, et il le montre sans s'arrêter.
Comme s'il est impossible d'agir normalement, qu'il manque une partie de soi et ce vide impossible à combler rend le quotidien insupportable.
Je ne sais pas si j'arriverais à continuer à me lever chaque matin si un jour c'est une tout autre lettre qui arrive dans notre boîte aux lettres.
« — Tu me promets de ne pas me laisser. » Lâche soudainement incertaine.
Il serre plus fortement ma main et se penche pour déposer un doux baiser sur mon front.
« — Je serais le dernier des idiots si jamais je te quittais un jour. » Me murmure-t-il.
Son sourire me réchauffe le coeur mais je n'ai pas la tête à sourire, à être joyeuse, c'est comme si c'était inutile.
À quoi continuer d'avancer, de prétendre comme si tout allait alors que mon frère n'est plus là ?
On ne s'en rend pas forcément compte mais chaque décision que nous prenons est influencé par notre entourage.
Si notre équilibre, ce qui nous entoure s'effondre, il est tout simplement impossible de prendre une décision, d'avancer, de continuer.
« — Tu aurais dû m'en parler avant. Je n'aime pas te voir comme ça. Il ne faut pas que tu gardes ça pour toi. » Me reproche soudainement Leith et je ne peux pas le contredire.
« — Je n'avais pas envie de t'embêter avec mes histoires. D'ailleurs Watson m'a dit que tu sortais avec lui hier soir. C'est vrai ? » Lui dis-je en tentant de détourner l'attention.
Il fronce les sourcils comme s'il avait compris mon manège mais ne le mentionne pas.
« — Je suis sérieux Hailey, quand j'ai décidé de venir ici, de vivre près de toi, ce n'est pas simplement la Hailey joyeuse que je suis venue voir, c'est la vraie Hailey, pas celle que tu choisis de me montrer. » Me rappelle-t-il et je lui réponds d'un simple hochement de tête.
« — Sinon, oui je suis sorti avec Watson tout à l'heure. Il m'a déposé chez toi. » Ajoute-t-il.
« — Vous avez fait quoi ? » Lui demandais-je pour me changer les idées.
Il se gratte le menton et j'admire le début de barbe qui pousse mais me retiens de la toucher.
« — On est allé à la plage, j'ai volé du bois et je suis fait pourchassé par un chien aussi. » Me raconte-t-il d'un ton monotone comme si c'était des banalités.
« — Tu t'es fait pourchassé par un chien ? » Demandais-je surprise et légèrement choquée.
Il acquiesce sans cacher la fierté que provoque cet acte.
« — Le bois était dans un jardin gardé par un Saint-Bernard. » M'explique-t-il.
Je hoche la tête, stupéfaite mais contente qu'il se soit amusé.
J'avais peur qu'en venant ici, il se coupe du monde et se focalise sur notre relation. Je sais bien qu'il a tout quitté pour moi et il semblait déterminer à me prouver qu'il n'allait pas refaire les mêmes erreurs mais heureusement il n'a pas repoussé l'invitation de Watson.
J'ai d'ailleurs été surprise par la proposition de Watson et encore plus en sachant que Leith avait accepté mais au final je trouve que c'était plutôt gentil et attentionné de la part de Watson.
Ce sont d'ailleurs des mots que je ne pensais jamais alignés avec Watson dans la même phrase mais on ne peut jamais prédire le futur bien entendu.
Une question fuse dans mon esprit et je lutte pour ne pas la prononcer de peur de paraître naïve.
Mais Leith remarque que quelque chose me préoccupe et me pousse à en parler.
Il ne m'en faut pas plus pour lui demander.
« — Est-ce qu'il y avait de la beuh ? » Demandais-je timidement et mon attitude amuse Leith qui prend un air nonchalant pour me répondre.
« — Ouais, d'ailleurs il y en a un qui s'est évanoui avant qu'on arrive à la plage. » Me raconte-t-il.
J'arque un sourcil alors qu'une deuxième question me brûle les lèvres.
Comme si Leith lit dans mes pensées, il y répond avant que je la lui pose.
« — Et non, je n'en ai pas fumé, j'ai simplement bu une bière. D'ailleurs c'est une peu irresponsable de la part de Watson de conduire après avoir bu et fumé. » Me dit-il.
Je hoche la tête et l'envie de serrer Leith dans mes bras émerge dans ma tête.
L'ancien Leith aurait sûrement profité de l'occasion pour fumer deux ou trois pétards, d'ailleurs s'il l'avait fait je n'aurais pas fait un scandale, j'aurais été simplement déçue.
Mais il n'a pas fumé et je ne peux m'empêcher d'être fier de lui.
Il me regarde amoureusement et je me sens flattée que quelqu'un comme lui éprouve des sentiments à mon égard.
Jamais je n'aurais imaginé suscité tel intérêt et pourtant c'est bien le cas.
« — Leith. » Lui dis-je pour m'assurer qu'il m'écoute.
Il hoche lentement sa tête.
« — Depuis qu'on se connait, depuis que tu es en Floride je vois bien que tu fais des efforts comme si tu avais peur que je parte. Mais je dois m'excuser aussi. Je n'ai pas été non plus très gentille avec toi. » Admettais-je.
Il fronce les sourcils comme si j'étais devenue folle et que je dérivais complètement.
« — C'est moi qui t'aies fait attendre des mois avant de te révéler mon identité, c'est moi qui t'aies manipulée, qui t'aies menti, qui t'aies fait du mal. Jamais tu n'as agis pour me nuire comme je l'ai fait. S'il y a bien quelqu'un qui doit se sentir coupable et responsable, c'est moi et personne d'autre. »
« — C'est juste que... Non, ça va te paraitre idiot. » Commençais-je avant de me désister.
Il m'encourage à continuer en carrossant la paume de ma main avec son pouce.
« — Tu vas aller à la fac et tu vas rencontrer des filles, des tas de filles et je sais bien que beaucoup vont tomber sous ton charme. Et elles ne seront pas au lycée en train de pleurer leur frère, elles seront ici, feront les mêmes études que toi et auront pleins de points communs avec toi. Elles seront matures, amusantes et intéressantes, tout mon contraire. » Lui dis-je timidement en ouvrant mon coeur.
« — Écoute Hailey, je sais que cela va te paraitre insensé, impossible mais personne à mes yeux ne peut t'égaler, te dépasser, alors peu importe le nombre de filles que je vais rencontrer, que je vais croiser dans les couloirs de la fac, personne ne pourra me faire changer d'avis parce que toutes les personnes que tu as mentionné, toutes les filles que tu désignes, je les connais toutes d'avance. Elles sont pareilles, et c'est bien pour ça que je t'aime. » M'explique-t-il avant de déposer un léger baiser sur mon front.
Je ne sais pas pourquoi j'ai ce besoin d'être rassuré constamment, je n'avais pas l'impression que la lettre de l'armée m'avait autant boulversé.
En fait, tout ce que je pensais acquis, que je pensais avoir à mes côtés jusqu'à la fin de mes jours peut disparaître du jour au lendemain.
Et Leith est bien trop précieux à mes yeux pour que je puisse le laisser disparaître ainsi, si j'avais eu réellement conscience des risques que prenait Nate, je ne l'aurais sûrement pas laissé partir de chez mes parents, il serait sûrement en train de me détester mais il serait en vie et c'est tout ce qui compte à mes yeux.
Alors si je peux empêcher Leith de disparaître à son tour, parce que je ne suis pas naïve, je sais qu'il y a des chances pour que cela arrive, je préfère essayer.
Même si cela fait presque un an que je le connais maintenant, je n'arrive toujours pas à imaginer la possibilité qu'il puisse vraiment éprouvé ce genre de sentiments à mon égard.
Je sais que cela pourrait s'apparenter à du déni mais je n'ai pas assez confiance en moi pour accepter que quelqu'un puisse m'aimer à ce point, j'en suis flattée mais cela me paraît irréel et c'est sûrement pourquoi j'ai ce besoin d'être rassurée, surtout en ce moment alors que mon monde vient d'être boulversé.
« — Tu n'es pas obligé de me croire, mais c'est la vérité. Et pour être franc, je pense qu'il y a plus de chances pour que tu me laisses, que je te laisse. » Dit-il en se grattant le menton.
Mes yeux se posent sur le début de barbe qui le rend encore plus séduisant et je lutte pour ne pas la toucher.
« — Et je pense que c'est l'inverse, je suis bien trop flatter d'être ta copine pour te quitter. » Lui dis-je d'un ton plus léger.
Il arque un sourcil puis me répond :
« — Copine ? Je ne savais pas que tu étais ma copine ! »
Je me fige puis baisse la tête, honteuse de ce que j'ai dit.
Mais qu'est ce que je peux être idiote !
Il glisse doucement ses doigts sous mon menton et relève ma tête.
Le sourire amusé dessiné sur ses lèvres me perd.
« — Je te taquine Hailey, je serais fou de refuser d'avoir une si belle fille à mes côtés. » Me rassure-t-il en se rapprochant de moi.
Je finis par céder et souris alors qu'il penche son visage vers moi.
Je ne peux m'empêcher de me languir à la vue de cette bouche qui s'approche de moi alors que ses yeux se posent sur mes lèvres.
Les battements de mon coeur s'accélère alors que sa main chaude glisse sur mon ventre pour s'arrêter sur ma taille.
Je frémis à ce contact et l'envie de l'attraper par la nuque pour l'embrasser me serre comme un étaux de fer.
Nos souffles se mélangent et ma respiration s'accélère alors qu'il pose enfin ses lèvres sur les miennes.
Je me retiens de soupirer de soulagement et ferme les yeux pour mieux savourer ce baiser.
Sa main m'attire vers lui alors que je glisse l'une de mes mains dans ses cheveux pour jouer avec.
Je presse avec plus d'avidité ma bouche contre la sienne et savoure le moment, sa main sur moi, nos souffles qui se mélangent et sa langue qui entre enfin en contact avec la mienne.
Nous nous décollons pour quelques secondes et seuls nos respirations haletantes résonnent dans la pièce.
J'ouvre les yeux et admire l'éclat dans son regard.
Je glisse ma main sur son torse et tire sur son tee-shirt pour plaquer mes lèvres contre les siennes alors que sa main se glisse sous mon haut et se pose sur ma peau.
Un frisson similaire à une décharge électrique me parcourt le corps et je respire avec plus de difficultés, le besoin de le sentir contre moi s'amplifiant chaque seconde.
« — Hailey... » Murmure-t-il entre deux baisers.
Un léger sourire se plaque sur mes lèvres alors que nos langues entament une danse langoureuse.
« — Hailey ! » Entendais-je à nouveau mais d'une voix plus forte et plus autoritaires il n'est certainement pas Leith cette fois-ci.
Je sens que Leith se tend et devient plus distant.
Je fronce les sourcils alors que quelqu'un se met à frapper contre la porte de ma chambre.
Je sursaute et me décolle de Leith quasi- immédiatement.
Je jette un regard paniqué à Leith puis reporte mon attention sur la porte fermée à clé.
« — Oui ! » Dis-je en essayant de paraître calme.
« — Je vais au travail, est-ce que tu es sûre que ça va ? On ne t'a pas vu de la soirée hier. » Me prévient ce que je devine être ma mère.
« — Un peu fatiguée, c'est tout. Ça marche à ce soir. » Répondis-je en remarquant qu'il est presque 9 heures.
J'attends quelques instants avant me retourner vers Leith qui attend patiemment.
« — J'ai fait à manger, mais il y a des restes d'hier soir dans le frigo, si tu veux. » Me prévient-elle alors que Leith choisit ce moment pour déposer de léger baiser sur ma nuque.
Je frissonne et mets un peu plus de temps à répondre mais ma mère finit enfin par partir au travail.
Je me tourne vers Leith en essayant de paraître agacer par son attitude mais son sourire charmeur et tout simplement sa présence fait volatiliser l'once de reproche en moi pour laisser place à l'amusement.
« — T'es pas possible ! » M'exclamais-je en essayant de paraître contrariée mais j'échoue lamentablement.
« — Au moins je t'ai redonné le sourire. » Constate-t-il en se penchant pour me caresser la joue.
Je pose ma main sur la sienne et lui souris, reconnaissante pour la patience dont il fait preuve et le fait qu'il reste à mes côtés malgré tout.