HUNTER
La moquette me chatouille les pieds quand je pénètre dans le couloir. Les lumières s'allument automatiquement dès que je commence à bouger. Je suis seulement vêtu du peignoir dix fois trop petit laissé par l'hôtel. Ce pauvre hôtel qui n'a visiblement pas pensé à tirer des exemplaires de tailles différentes de ce peignoir fade. Je dois bien admettre que je me sens à l'étroit dedans. Mais Rain, elle, elle rayonne comme un soleil, un jour d'été à Maui. Ça me fait penser, il faudra que je l'emmène là-bas.
Il faudra que je l'emmène partout. Dans les endroits qui me rendent heureux, et dans ceux où je le serai avec elle. Mais je ne veux pas jouer les optimistes trop vite. Cette attitude m'a déjà joué des tours. De très mauvais tours. Aujourd'hui, je veux les éviter. Alors même si j'ai l'impression formidable que tout va pour le mieux du monde, je dois quand même faire attention.
Je toque à la porte de Calvin. Pas de réponse. Je retente ma chance en toquant un peu plus fort, ignorant le boucan que mon poing produit. Ça pourrait réveiller des gens, ou pire, en énerver d'autres.
Au bout d'une minute bien longue, Calvin ouvre la porte. Il est aussi grand que moi. Il est rasé. Il est terriblement propre aussi. Les mecs ont aussi le droit de trouver d'autres mecs charmants, et c'est ce à quoi Calvin ressemble en ce moment. Un mec charmant.
Où est passé le type que j'ai prit en stop ?
- Qui es-tu ? Et qu'as-tu fais de Calvin ?
Je ponctue ma phrase par un sourire songeur. Calvin me donne une tape à l'épaule. Il sourit lui aussi. Je commençais à me demander si des dents se cachaient sous cette barbe envahissante. A ma grande surprise, elles sont super blanches et aussi super clean.
- Calvin Callaway te présente les effets secondaires d'une parfaite mise en beauté. (Il passe une main dans ses cheveux en arborant un demi-sourire). Qu'est-ce que tu fais là, Hunter ?
Il se met à tourner la tête de gauche à droite en se penchant un peu vers moi. Il cherche peut-être Rain. Mais ne la voyant pas, il m'invite à entrer dans sa suite, comme si ce geste lui était habituel.
La porte se claque et je lui réponds enfin.
- Elle est sur le lit, elle en a marre de ces peignoirs pourris et moi aussi.
Calvin me scrute de la tête au pied. Après son analyse, il décrète d'un air entendu :
- Tu as de très belles jambes.
- Oh s'il te plaît !
Lui, il porte un bas de jogging noir avec un t-shirt de la même couleur, à l'emblème de l'hôtel. Je découvre que ses biceps remplissent les manches de son t-shirt, ce dont je ne me serais jamais douté. Il est tout à coup très imposant dans cet accoutrement. Il a peut-être la trentaine mais il en paraît cinq de moins maintenant.
- Il y avait ces fringues dans un des placards de la chambre. (Calvin me les montre d'un coup de tête rapide). Mais je doute qu'il y ait autre chose. En fait, je suis plutôt content d'avoir trouvé ça, même si je n'ai rien contre porter la tenue d'Adam ici. Ou ailleurs.
- Il faut que je trouve quelque chose pour nous vêtir, moi et Rain. J'ai plus affirmé que sous-entendu que j'allai lui ramener des vêtements décents.
Calvin fixe mes pieds. Le temps me paraît long. Puis il se redresse pour me répondre. Il a ce don incroyable de faire disparaître la gêne qu'il créé d'un seul regard. Je trouve ça fascinant, comme flippant.
- On a qu'à descendre voir ce que le staff a. Ou on peut voler les autres occupants des chambres. C'est toi qui vois.
Je me surprends à considérer les deux possibilités. Mais franchement, je n'ai pas envie d'expliquer à Rain que j'ai dérobé les fringues d'autres clients. Elle penserait que j'ai toujours ce côté malsain en moi. Bien sûr, j'ai toujours un côté malsain. Mais plus comme avant. Celui-là, il est plus taquin, joueur, raisonnable et honnête.
Je l'aime bien.
Je dis à Calvin que j'accepte sa proposition numéro un. Il me gratifie d'un hochement de tête bref, et d'un regard qui dit "l'option numéro deux avait l'air plus délirante, mais après tout c'est ton choix, j'accepte". Il enfile des chaussures que jusque là, je n'avais pas vu portées sur lui.
- Elles aussi tu les as trouvé dans le placard ?
Il secoue la tête.
- Une fille me les a donné quand je suis descendu tout à l'heure. Elle m'a dit qu'elles étaient destinées au mec qu'elle venait voir ici par surprise. Elle l'a surprit en train de la tromper. Elle était dévastée. J'ai pleuré avec elle quelques minutes puis je lui ai fait un câlin. Son numéro est écrit sur ma main, et des traces de son mascara aussi.
Il me montre sa paume. En effet, un numéro griffonné au bic rouge y figure. Et les restes de que produit la fusion de larmes et de couches de mascara. Je ne savais pas que Calvin était aussi empathique. Petit à petit je complète sa personnalité, celle qui vient rejoindre les vestiges de mon cœur.
- C'était après que tu t'es lavé ?
Il hoche la tête.
- Tout s'explique. Changement de plan : tu sais où est la chambre de ce type ?
De nouveau Calvin hoche la tête. Il le fait vraiment souvent. A ses yeux brillant d'excitation et d'adrénaline, je vois qu'il comprend ou je veux en venir.
- On va réellement voler ce gars ?T'es sûr de toi ?
- Plus sûr que jamais. Allons venger...
- Grace. Elle s'appelle Grace, lâche Calvin avec un ton plus enjoué qu'il ne devrait l'être.
- Super. Allons venger Grace.
La vengeance, ça a toujours coulé dans mes veines. Ça m'a fait faire pas mal de choses regrettables, et ça m'a également apprit des choses sur moi-même que j'avais besoin de savoir. Je crois bien que cette soif de vengeance disproportionnée coule dans les veines de la plupart des mâles Sierra. Ariana n'a pas l'âme vengeresse, ou pas aussi poussée que moi ou mon père.
Une fois, alors que j'étais encore bien jeune et encore bien insouciant, mon père a surprit ma mère, Mia, en train de discuter avec un de ses amis avec lesquels il dispute des après-midi golf. Je crois qu'il s'appelait Victor. Je me rappelle bien de ce soir-là parce que j'avais passé l'une des nuits les plus horribles de ma vie. Impossible pour moi de trouver le sommeil, la voix de mon père bataillait contre le caractère de ma mère au beau milieu de la nuit.
J'étais terrifié à l'idée qu'il y ait violence, et qu'ils m'apprennent qu'ils ne s'entendraient plus jamais.
- Pour la millième fois, Dale, je t'en prie écoute-moi. Je me fiche de Victor. Je me fiche de sa Bentley, je me fiche de son fric, et je me fiche encore plus de lui. Il était un peu éméché, je n'allais quand même pas continuer de rester dans mon coin à écouter Janet -la femme ou l'amante de Victor, mes souvenirs sont flous- me parler de Versace et Balmain toute la soirée.
Mon père n'a rien répondu. Ma mère a dû prendre ça comme une débauche mince de compréhension de sa part parce qu'elle a continué. Avec sa voix calme et apaisante, capable d'endormir n'importe quel enfant en fredonnant l'air d'une berceuse. J'ai marché dans le couloir, pieds nus, tendant l'oreille pour mieux entendre ce qui se disait.
- Par contre, je me fiche beaucoup moins de ce que toi tu penses.
Je les voyais tous les deux debout, dans le grand hall d'entrée, mon père presque assit sur la table ronde et en verre demeurant fièrement au centre de l'entrée. Le sac de ma mère suffisait à rendre ce meuble joli. Alors que depuis que quelqu'un l'avait posé là, je lui trouvais un charme inexistant.
Maman était en face de lui. Elle ne portait plus le rouge à lèvres très fatal qu'elle avait quand elle m'a embrassé avant de partir il y a quelques heures. Plusieurs fois, je l'ai entendu me dire qu'elle préférait ce que Dieu lui avait donné à la naissance, elle n'aimait pas s'embellir peu importe la forme choisit. Mais honnêtement, elle n'en avait nullement besoin, ses cheveux caramel brillait déjà naturellement et ses yeux presque dorés créaient de la magie dans son regard.
Elle a prit en coupe le visage de mon père. Je voyais assez mal son expression, mais je suis presque certain que mon père avait le visage meurtri. Il ne disait plus rien. Ça ne dérangeait pas ma mère. N'importe qui préfère un silence lourd plutôt que des paroles lancées trop vites, remplies de trop de colère indomptée.
- Dale, regarde-moi. C'est avec toi que je suis, c'est toi que j'aime. C'est à toi que j'ai donné Hunter et Ariana. Il n'y a personne d'autres que nous quatre.
Ses yeux se sont déportés sur son ventre. Ou bien me le suis-je seulement imaginé. Ce souvenir prend soudain une dimension différente à mes yeux.
Mon père a posé sa tête sur la poitrine de ma mère. Je voyais ses paupières closes et ses longs cils noirs. Sous cet air calme, il m'a semblé être un homme gentil, et je crois que c'est ce qu'il était à une certaine époque. Un homme gentil et aimant. Aimé.
- Je suis désolé, Mia. Je ne sais pas ce qui s'est passé tout à l'heure. J'ai peut-être bu un peu trop. (Il s'est arrêté un instant pour peut-être trouver les bons mots). Je t'aime. Un amour comme celui que l'on partage, on ne le rencontre qu'une fois dans une vie. Je suis content que ce soit avec toi. Et je suis plus content encore que nos enfants en soient le fruit.
La main de Maman continuait de caresser avec douceur et grâce les cheveux foncés de mon père. Il y avait une sincérité et pureté incroyable émanant d'elle. J'ai serré les barreaux de la rambarde d'escalier pour être sûr que je ne rêvais pas. Tout était réel. Le baiser un peu trop sonore et un peu trop long qu'ils ont échangés ensuite. Le geste d'affection que mon père a eu sur le ventre de ma mère, ainsi que leur amour. Ça, je sais que c'était ce qu'il y avait de plus authentique chez eux.
Ça n'a cependant pas empêché mon père de virer Victor de son club de golf, dès le lendemain. La vengeance, c'est ce qu'on est, c'est ce qui nous habite et que parfois on aimerait faire taire.
Je m'arrête dans le couloir. Calvin et moi n'avons pas échangés un seul mot. Je pensais trop. Mon attention est bloqué sur ce souvenir. Sur les regards de mes parents, sur leur attitude secrète mais plus encore sur leurs gestes. Se pourrait-il que ma mère ait été enceinte avant son accident ? Je n'ai pas le souvenir d'un quelconque ventre rond malgré que ce soit tout à fait possible que j'ai oublié. Même quand elle attendait Ariana, aucun moment ne me revient voyant ma mère affichant les effets d'une grossesse.
Maman est décédée quelques semaines après leur dispute nocturne. Deux mois après exactement, parce que leur conversation épicé avait eu lieu une semaine avant mon anniversaire. J'avais même peur que ça joue là-dessus. Qu'est-ce que j'étais égoïste comme môme !
Ça a l'air de coïncider.
J'ai des sueurs froides à l'idée que mes soupçons soient fondés. Et pire encore, que mon père m'ait caché ça tout le restant de ma vie. Je ne sais pas de quoi il a voulu me préserver, mis à part d'un deuil qu'il n'a peut-être pas encore complètement achevé.
Décidément tous les personnages Sierra ont leur lot de mystère. Mais j'espère que ça vous intéresse. Le mystère c'est exaltant, ça fait battre le cœur des gens.
Allez je vous dis ciao et je fais de mon possible pour pouvoir vous poster un ou deux chapitres avant Noël. J'essaye du moins alors n'ayez pas de trop grandes attentes.
allez a+ sinon ! love love allez checker mon autre fiction YY !