J'ai presque fini mon deuxième parchemin sur la découverte de nouvelles runes sur un drakkar viking échoué au Danemark. Eugénie, à côté de moi, révise son Histoire de la Magie et les événements qui se sont déroulés à New York en 1926 où Grindelwald avait pris l'apparence d'un sorcier du Congrès Magique Américain. Je m'arrête de travailler, m'étirant, ça fait déjà plusieurs heures qu'on étudie à la bibliothèque. Mon amie de Serdaigle me regarde en fronçant les sourcils :
« Tu as déjà fini ?
- J'aimerais bien, soupiré-je alors qu'elle hausse les épaules, j'aime beaucoup les runes mais s'il y en a encore de nouvelles et plus complexes découvertes, je crois que je vais pleurer.
- Tu n'as qu'à faire une pause, je te garde tes affaires si tu veux. »
Elle me fait un sourire en posant une main sur ma plume pour que je la lâche. Elle a raison, je vais aller prendre l'air quelques minutes. À force de trop travailler enfermer ici, je vais finir par être dégoûtée à vie des bibliothèques, ce qui serait une très mauvaise idée étant donné que nous sommes seulement en septembre. Combien de mois me reste-t-il à supporter ce travail intensif ? Beaucoup trop.
Au lieu de me démotiver, je laisse mes livres grands ouverts et je pars faire une petite balade dans les couloirs, m'arrêtant dans la cour de métamorphose pour respirer un peu l'air qui se rafraîchit de plus en plus. L'automne approche, les arbres commencent à se jaunir de plus en plus. Je soupire en observant les nuages qui s'agglutinent dans le ciel.
Sans qu'il n'y ait de raison particulière, je me mets à penser à Scott Reeve et ses histoires. Malgré tout ce qu'il m'a fait subir, je n'arrive pas à lui en vouloir complètement. Il m'a attendri en me racontant les menaces qu'il a reçu et en revenant me voir pour s'excuser. J'ai du mal à tout comprendre, ça m'exaspère mais je ne peux pas le considérer tout à fait coupable de tous mes malheurs. Il a su et raconté à Lorcan ce qu'il s'était passé l'année dernière mais était-ce une si mauvaise chose que ça ? Au moins, ça a crevé l'abcès et on a pu en parler. Brièvement, en contournant le sujet mais Lorcan est au courant maintenant.
« Molly ! »
Entendre mon nom me fait sortir immédiatement de mes pensées. Je tourne sur moi-même pour découvrir qui m'avait appelé.
« James, qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu as un problème ? »
Mon cousin est essoufflé en tenue de Quidditch et me regarde avec un air ahuri qui m'inquiète un peu. Il se plie en deux pour récupérer et se redresse en m'annonçant :
« Les essais de Quidditch de Gryffondor commencent dans une dizaine de minutes ... Tu n'aurais pas vu Rose ? Elle m'a dit qu'elle voulait les passer et je l'ai même entraînée pour ça mais je ne la trouve pas. Je sais que ça l'angoissait mais à ce point-là ...
- Je ne l'ai pas vu aujourd'hui. Je suis désolée. T'as regardé dans la Salle sur Demande ? La dernière fois qu'elle avait disparue, elle s'y était cachée.
- Merci du tuyau ! Tu passeras nous voir ?
- Je ne sais pas encore. Mais bonne chance !»
Je fronce les sourcils alors qu'il s'éloigne en courant pour retrouver notre cousine. J'avais complètement oublié l'existence de ces essais pour l'équipe. Roxanne me l'avait certainement rappelé mais je ne l'écoute pas toujours. J'espère que James va retrouver Rose, ça m'embêterait qu'elle manque l'occasion de montrer l'étendue de son talent. Au bout d'un moment, je décide de retourner à la bibliothèque pour rassembler mes affaires et me rendre sur le terrain de Quidditch. Eugénie me fait un petit sourire en me voyant arriver. À la place où j'étais, il y a maintenant Lorcan, il me regarde s'approcher de lui en haussant un sourcil et en lui demandant :
« Tu veux finir mon devoir d'Étude des runes ? »
Il jette un coup d'œil aux parchemins devant lui et secoue la tête :
« Non, j'ai déjà mis suffisamment de temps à faire le mien. Mais ce que tu as écrit est bien, ajoute-t-il en le tapotant du doigt.
- Tu as voulu le corriger ? fais-je avec des yeux étonnés. On dirait que tu ne me fais pas confiance pour réussir mes Runes.
- Tu rigoles ? Tu es la seule à pouvoir rivaliser avec moi. »
Je me retiens d'éclater de rire devant son air fier. Je croise le regard d'Eugénie qui a l'air contente de nous voir à nouveau amis. Elle rit en silence. Je commente :
« Ne prends pas la grosse tête, Scamander. Il me semble qu'Eugénie ici présente te bat largement en métamorphose et en potion.
- Ne me mêlez pas à ça, déclare-t-elle en secouant la tête.
- De toute façon, ce n'est pas une compétition, conclus-je. Je vais aller finir mes runes dans les tribunes du terrain de Quidditch, si ça ne vous dérange pas. Comme ça, ça ôtera toute envie de copier sur moi à Lorcan. »
Il ouvre la bouche, offusqué, alors que je lui arrache mes feuilles des mains pour les ranger dans mon sac. Il me fait malgré tout un sourire et dit après quelques secondes d'hésitation :
« Je t'accompagne ! »
Je fronce les sourcils en attendant qu'il récupère ses affaires. J'ai envie de lui faire une remarque sur son envie pressante de regarder par dessus mon épaule pendant que je travaille mais je me retiens en souriant mesquinement. Une fois dehors, à marcher pour nous rendre à l'autre bout du parc, prenant un ton prudent, je lui dis :
« J'ai discuté avec Lysander hier. Ou plutôt, je me suis disputée avec lui.
- Ah. »
Il se racle la gorge. Je sens que le sujet va être difficile à aborder. Il ne semble pas vraiment content que je parle de Lysander. Comme il ne dit rien de plus, je continue :
« Il m'a fait penser à quelque chose. Je crois que la meilleure chose à faire est d'en discuter avec toi.
- Quoi ? Il t'a rappelé à quel point c'était agréable de l'embrasser ? »
Sans prévenir, il est devenu rouge et a accéléré le pas pour me distancer. Jurant dans ma barbe, j'ai essayé de le rattraper. Il a beau me dire qu'il me pardonne, il n'a pas l'air d'avoir accepté. Je lui prends le bras pour qu'il ralentisse. Il s'arrête brusquement, les yeux un peu embués et je lui dis doucement :
« Passe à autre chose, Lorcan. Je te promets que je n'ai jamais voulu embrasser Lysander.
- Rien que d'y penser et de vous imaginer ça me ... dégoûte. »
Il crache presque le dernier mot alors je le regarde avec des yeux suppliants pour qu'il se souvienne qu'on avait dit qu'on oubliait. Je ne voulais pas raviver sa douleur, juste qu'il me confirme qu'il n'attendait plus rien de moi. Il frissonne et enlève ma main qui le retenait de son bras, comme si ce simple contact l'écœurait. Ses yeux se posent sur ma main et remontent jusqu'à mon visage, faisant un arrêt sur ma bouche. Il soupire en se détournant de moi et recommence à marcher d'un pas décidé vers le Terrain. Je soupire. Lysander avait raison. Je ne veux pas qu'il soit jaloux de quoi que ce soit. Je ne ressens rien pour son frère et plus d'amour pour lui, Lorcan. Je le regarde s'éloigner avant de courir à nouveau sur quelques foulées pour me mettre à sa hauteur. Je tente une dernière fois de le raisonner :
« Lorcan, pour qui tu me prends ? Je ne voulais même pas te parler de ça ! Mais apparemment, il y a besoin d'en parler, vu comment tu réagis. Écoute-moi, je voulais être sûre qu'on était ...
- Ça suffit ! »
Il ferme les yeux, serrant les poings, nerveux et visiblement en colère. Je sens chez lui les larmes monter. Il n'a pas envie que je le remarque mais c'est trop tard. Il rouvre les paupières et me regarde avec les yeux rouges. Il souffle profondément avant de laisser échapper :
« Je ne peux pas m'empêcher d'y penser constamment. Ça m'obsède.
- C'est pour ça qu'il faut qu'on en parle, Lorcan. Je ne vais pas te laisser tourner ça dans ton esprit plus longtemps. On ne peut pas faire comme s'il ne s'était rien passé. Pour moi, ça a tout changé et je veux qu'on soit tous les deux au courant de ce que ressent l'autre. »
J'essaye de lui prendre la main mais il m'esquive, croisant les bras sur sa poitrine pour se donner une contenance. Merlin, j'ai l'impression d'être toute seule à faire des efforts. Je me mords la lèvre pour m'empêcher de lui faire une remarque désagréable. Ce que je vais lui dire va briser son cœur, je le sens mais j'attends avant qu'il réagisse, qu'il dise quelque chose. Il murmure juste :
« Pourquoi est-ce que ce n'est plus comme l'année dernière ? Qu'est-ce qui a changé exactement ?
- J'ai eu tout l'été pour y penser et je t'assure que ça n'a rien à voir avec de quelconques sentiments pour Lysander, je ne veux surtout pas que tu t'imagines quelque chose de faux. Je ne l'aime pas et je ne l'ai jamais aimé mais je ne ressens plus ... Je ne sais même pas ce que je ressentais... »
Je me perds dans mes mots. Comment lui expliquer que j'ai peur qu'il pense que je l'aime alors que ce n'est pas le cas ? Il me dévisage, les lèvres serrées comme pour empêcher tout sanglot de passer, ce qui arriverait certainement s'il ouvrait la bouche. Je baisse les yeux en lui disant :
« Je ne peux pas te laisser croire qu'il y a encore une chance. Mes sentiments ont changé et ... Merlin, Lorcan, dit quelque chose ! le supplié-je en le voyant trembler à force de contracter ses muscles.
- Je ne te crois pas, marmonne-t-il entre ses dents. Je t'ai vu une fois avec Lysander, tu riais et la manière dont il te regardait ne laissait pas beaucoup de place au doute. Je suis désolé que tu te sois trompée de Scamander mais je me demande si ce n'était pas volontaire ou inconscient, je ne sais pas. »
Stupéfaite, je cligne trois fois des yeux. Comment peut-il croire ça ? Je ne ressens rien pour Lysander, je n'ai jamais rien ressenti. Je m'approche de lui, essayant de contenir ma colère. Je voudrais faire un geste, lui caresser la joue doucement, lui enlever ses cheveux de devant ses yeux pour me plonger dans leur bleu si profond mais je n'y arrive pas. Je soupire alors qu'il rouvre la bouche pour ajouter :
« Tu n'es pas obligée de l'avouer. Je le sais, c'est tout. Sinon, tu n'aurais pas hésité à venir me voir pour m'en parler. Tu n'aurais pas eu si honte de toi.
- Merlin, Lorcan, vraiment, l'arrêté-je, ferme-la. Si tu continues une seule seconde de plus à me parler de ce que tu prétends savoir sur ce que je ressens pour ton frère, je t'en voudrais vraiment. Tu t'es imaginé des choses et tu vas beaucoup trop loin. Je voulais juste m'assurer qu'il n'y avait que de l'amitié entre nous, parce que c'est tout ce que je ressens aujourd'hui. Je pense que tu es jaloux et ça ne te va franchement pas. Je vais aller voir comment se passent les essais de Quidditch et toi, tu vas remonter dans ta salle commune pour prendre le temps d'y réfléchir. On pourra peut-être en parler quand tu auras les idées plus claires.
- Je n'ai pas besoin que tu me dises quoi faire ! s'emporte-t-il. Je ne suis pas jaloux. »
Il le dit avec un ton qui hurle le contraire. Je hausse un sourcil, bien sûr que si, il l'est, il a beau le nier, ça se voit à trois kilomètres. Je secoue la tête et reprends le chemin vers le Terrain de Quidditch en espérant qu'il ne me suive pas. Il ne le fait pas, restant planté au milieu du parc à essuyer discrètement ses larmes. En arrivant dans les gradins, je croise Lucy qui me hurle dans les oreilles que Tristan a réussi à devenir Gardien. Son bonheur a l'air immense, elle sautille tout autour de moi, m'irritant quelque peu. Je soupire en essayant de la calmer :
« S'il te plaît, Lulu, assieds-toi, tu me fatigues. Est-ce que Rose est revenue ? lui demandé-je en essayant de la chercher des yeux sur le terrain.
- Oui, dit ma sœur en boudant légèrement avant de reprendre avec enthousiasme, elle a aussi réussi ! Elle est poursuiveuse maintenant ! Tu as loupé tout ce qui était intéressant. »
Je fais un sourire, montrant ma joie pour Rose qui a durement travaillé pour y parvenir mais le cœur n'y est pas vraiment. Je ne fais que penser sans arrêt à Lorcan et ses yeux si tristes quand je lui ai dit que je ne ressentais que de l'amitié. Lucy se concentre sur ce qu'il se passe dans les airs, me permettant de respirer un peu.
Une fois tous les essais terminés, je descends pour retrouver Roxanne dans les vestiaires. J'ai besoin d'en parler avec elle.
« Tu es venue, finalement ? me demande-t-elle avec un sourire amusé. Je croyais que tu n'en avais rien à faire du Quidditch.
- N'importe quoi. C'est un bon cru cette année ?
- Plutôt pas mal, on verra ce qu'on arrive à faire mais j'ai de bons espoirs.
- Roxanne, je peux te parler de quelque chose ? J'ai besoin, en fait, d'en parler donc tu vas devoir écouter, ça te dérange ?
- Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est à quel propos ?
- Lorcan. »
Elle hoche la tête, préoccupée et s'assoit pour remettre ses chaussures. Je lui raconte notre discussion de tout à l'heure et le mal qu'il a à comprendre la vérité. Je ne parle pas très souvent de mes sentiments. Elle le sait bien et elle reste très attentive, sûrement pour cette raison aussi.
« Tu penses qu'il n'a pas arrêté de t'aimer ? »
J'acquiesce avec gravité alors qu'elle passe une main dans ses cheveux pour essayer de les aplatir. Elle soupire en ajoutant :
« Je ne sais plus quoi faire pour lui. Tu as bien fait de lui avoir dit, au moins, il pourra peut-être passer plus vite à autre chose. »
Je confirme d'un signe de tête. Elle prend toutes ses affaires et on remonte toutes les deux, pensives, vers le château.