RAIN
Il me pose un ultimatum.
Depuis le début, Hunter représente pour moi ce qu'il m'est arrivé de mieux depuis Ian. Hunter est une bouffée d'air frais. Il a donné à ma vie monotone, un sens étrange mais excitant. Quelque chose que je n'avais pas encore expérimenté. Un flirt exaltant, empoisonné mais tellement attrayant. J'étais quand même prête à lui donner mon corps le soir où il m'a rejeté. J'étais prête à modifier beaucoup de choses chez moi parce que cet homme réveille en moi des sensations, des émotions que je pensais ne plus pouvoir ressentir.
Il est le voyage que j'attendais de faire. Sauf que j'ignore si je veux qu'il s'arrête un jour.
Quand je l'ai vu pour la première fois dans ce club, j'ai cru qu'il était un homme à femme. Quelqu'un qui fonctionne avec un tableau de chasse plein à craquer et qui ne s'attache pas aux gens. J'ai cru qu'il jouait avec moi, même si j'espérais silencieusement que je me trompais.
On se fréquentait c'est vrai, mais l'idée de couple ne m'a jamais effleuré. Il a ses secrets et j'ai les miens. Si il veut que ce genre de relation naisse entre nous, il faut que je me défasse des miens. Il faut que je brise cette paroi qui m'empêche d'aimer quelqu'un.
Parce qu'il se pourrait bien que je sois déjà tombée pour lui.
Et je dois m'en rendre compte quand je pue la transpiration et le sirop pour la toux.
Je racle ma gorge pour éviter de tousser.
- Pour être honnête, je n'avais pas non plus pensé au sujet du couple. J'appréciais que l'on se fréquente, et je l'apprécie encore. Je te fais confiance je crois, j'ai... Je dois me défaire de quelque chose. Je dois te confier quelque chose avant que tu ne veuilles encore de moi comme quelqu'un d'important.
J'ai attendu ce moment depuis longtemps. Le jour des confessions. Je croyais vraiment que les premières personnes à entendre ce qu'il m'était arrivé seraient ma mère et Naomi. Pas un mec que j'ai rencontré en boîte.
Je respire. J'ai toute son attention, il a d'ailleurs posé ses mains chaudes sur les miennes toujours aussi fragiles. Je prie grandement pour ne pas avoir à lâcher de larmes. C'est le moment où je me dévoile, je ne peux plus rebrousser chemin.
- Je ne sais pas par où commencer... Alors je vais commencer par le commencement. (J'inspire profondément en essayant de ne pas renifler, ça pourrait détruire ma crédibilité) J'avais dix-sept ans à l'époque, j'étais jeune et super naïve. Je... je suis tombée amoureuse d'un garçon. Ce n'était pas dans mes plans, à ce moment-là, les garçons passaient en dernier pour moi. Quoi qu'il en soit, je l'ai aimé comme une dingue, j'étais dingue de lui. Complètement et stupidement amoureuse de lui. C'était un mauvais garçon, plus âgé, beau, tatoué et sans emploi stable. Ma mère le haïssait. Elle parlait de lui comme si c'était une maladie contagieuse et mortelle. Je m'en contre-fichais, il représentait tout ce que j'avais, tout ce que je voulais. Je le voyais comme une bénédiction, seulement du jour au lendemain, il s'est transformé en cauchemar.
Je m'arrête pour reprendre mon souffle, mais aussi pour jauger la réaction d'Hunter. Il a le visage ferme et attentif. Il a réellement l'air intéressé par ce que je dis. Au lieu de me mettre en confiance, ça me perturbe deux fois plus. Je me mouche encore une fois.
- Un soir, aux alentours de minuit, il m'a rejointe dans notre coin secret. Il disait que cet endroit était le refuge de nos maux, la paix qu'il nous fallait pour que notre amour vive au lieu d'être jour après jour dénaturalisé et rabaissé par nos proches. J'aimais bien cette planque, je savais que quand j'y allais, j'allais passé un bon moment, j'allais être à ses côtés. (Je sens des larmes monter et ma voix trembler en gagnant en tonalité) Je l'ai cru Hunter ! J'ai cru ce salop ! Je l'ai cru quand il m'a dit qu'il fallait que j'attende parce qu'il devait régler une merde avec les dealers et autres connards qu'il fréquentait ! J'ai cru sa voix et ses mots ! Yeux dans les yeux, il m'a menti alors que j'étais amoureuse de lui ! Comment un être peut-il faire ça ? Comment ? Comment, hein, comment ?!
Ma voix se perd, mes idées s'embrouillent et il m'est maintenant impossible de me contenir plus longtemps. Tout ce que j'ai toujours gardé, tout ce que je maintenais au fond de mon âme, tout ce qui pourrissait mon existence, révélé là devant lui.
J'ai besoin de faire exploser cette profusion de sentiments, de souvenirs que j'essayais d'enterrer vainement. La vérité c'est qu'on ne peut pas enterrer son passé, on ne peut même pas espérer vivre une seconde sans qu'il ne revienne à la charge, crachant son venin pour qu'il s'imprègne davantage.
- Tu ne sais pas ! Comment j'ai voulu oublier tout ce que j'ai vécu et enduré à cause de lui ! A cause de cette merde, qui un jour m'a fait avaler un mensonge pour mieux me détruire ! Tu ignores tout ça ! Ils ignorent tous, ils pensent que tout va bien, ils se refusent de voir les problèmes !
Hunter s'approche de moi, tentant de contrôler la rage malfaisante que j'essaye d'extraire loin de moi. Il attrape mes poignets pour éviter que je ne frappe sur lui. Je n'en ai pas la force, mais pourtant je suis certaine que je pourrais en trouver.
- Il est arrivé Hunter, a pénétré dans la pièce dans un visage que je ne lui reconnaissais pas. J'ai su alors qu'il ne ressemblait pas à l'homme que j'avais connu. Il me faisait si peur, il éveillait en moi une insécurité immense, je me sentais cernée. J'ai voulu entrer dans son jeu, je croyais que c'était un moyen pour m'exciter pour que le désir monte et que j'abdique, lui permettant d'arracher mes vêtements. Je ne voulais pas qu'on couche ensemble, je voulais attendre. Attendre... Je le lui avais dit putain ! Je lui ai dit des dizaines de fois à ce fumier, à ce con que je ne voulais pas ! Il n'entendait pas ! Il ne m'écoutait pas ! Je ne savais même plus si moi-même je disais des choses sensées !
Je laisse mes sanglots inonder le t-shirt d'Hunter, je le laisse bercer une âme bousillée. Lui caressant mes cheveux, mon visage trempé, moi versant mon passé oralement. Ma voix chuchote maintenant une honte refoulée. La peur et les souvenirs me hantent toujours et me revenant de cette façon, ils sont encore plus puissants.
- Il n'a rien dit. Il n'a rien dit. Il... Il s'est contenté de me toucher pour m'amadouer. De me toucher pour me mettre dans son camp. De me toucher pour graver dans ma mémoire chacune de ses tentatives, chacune de ses caresses perverses, chacun de ses pressements obscènes sur ma peau. Il a déchiré le tissu. Une culotte affreuse. Affreuse et inoffensive. Il l'a déchiré d'un coup sec. Il était musclé, j'aimais cette force avant ça. Il m'a privé de tous mouvements, j'étais à sa merci, assujettie, soumise à ses pulsions, à ses idées indécentes. Il m'a mutilé la peau, le ventre et adieu les bikinis. Adieu ma vie d'avant. J'ai comprit avant qu'il n'ait commencé le travail que j'étais qu'une pauvre fille conne, tellement conne, tellement inutile et vulnérable ! J'étais salie, bafouée, humiliée, l'ombre de quelqu'un que je pensais connaître. J'ai voulu reconstruire ma vie sur un mensonge, sur une personne que j'avais l'habitude d'être. Je n'y suis pas parvenue. La différence entre mentir et dire la vérité, c'est la créativité dans le mensonge. Ca demande de la réflexion, de l'inventivité. Je suis devenue une putain de créatrice depuis cette nuit. Créatrice dans mon domaine, je me mentais à moi-même, trop confuse et trop effrayée du reste, de la vérité entre autre.
Hunter ne dit rien, il subit mes mots sans se plaindre. Mais je m'en fiche, je peux combler ses silences aujourd'hui, je peux enfin respirer.
- Il est repartie comme un voleur, il m'a baisé, puis il a foutu le camp comme ça. Comme si ça n'était que quelques minutes à remplir sur son emploi du temps. J'étais devenue une distraction c'est ça ? Je suis restée toute la nuit dans cet abri. Dans ce refuge. Mais les refuges ne sont-ils pas censés vous protéger du mal ? Vous éloigner du danger ? Le paradoxe m'a fait rire. Le paradoxe m'a gardé éveillé, m'a fait connaître des insomnies incroyables. J'ai laissé le sol recueillir le flot de ma réussite. Des larmes moches, qui me tiraient vers le fond. La douleur présente dans mon cœur n'avait rien de comparable à celle subit dans mon entrejambe, ni à celle de la lame qui avait dansé sur mon ventre. C'était pire, parce que je ne pouvais rien faire pour qu'elle guérisse, c'était invisible mais pourtant bien là.
J'avale quelques larmes s'étant réfugiées sur mes lèvres.
- Mon échec sentimental était destiné à faire rire. J'avais basé mes espoirs d'avenir, mon amour, ma vie et mes envies sur cet homme. Je voulais qu'il soit le père de mes enfants, je voulais qu'il soit le seul à pouvoir m'appeler sa femme ! J'en voulais tellement que j'ai bien cru mourir tellement j'étais aveugle ! Le choc a été brutal, une balle dans la poitrine, juste où se situe le cœur. Mon cœur ? Mon cœur ! Ha ha ha, j'ai longtemps pensé que je l'avais abandonné dans cet endroit, que je l'avais laissé aux côtés de ma virginité. Je ne me voyais pas repartir avec, je ne pouvais pas.
Entre deux respirations, deux reniflements, j'essaye de regagner mon calme. J'essaye de ne pas défaillir. Hunter continue dans son mutisme de me laisser le champ libre. J'ai perdu les limites, les barrières que je ne dépassais pas. Devant lui, je brise le mur, je le laisse voir au-delà. J'en ai besoin et je choisis ce moment. Dans ma faiblesse, je laisse apparaître la trame qui m'a poursuivit. Échec, échec, échec.
- Ma mère m'a vu rentrer à l'aube, le visage bouffie et cerné, rouge comme le sang qui avait coulé sur mon ventre et dans mon entre-jambe. Elle a cru que ce salopard m'avait battue. Elle était loin de tout, loin de la vérité, loin de ce qu'il se lisait vraiment sur mon visage. La détresse et la haine. Mais avant tout, la déception. Je l'ai rassuré, j'ai menti en prétendant que nous étions tombé sur un gang de mecs violents, qui avaient blessé la merde que j'aimais, et qui m'avait légèrement frappé. Puis j'ai avoué à ma mère, que je l'avais largué car je ne vivais pas dans le même monde dangereux que lui. Je l'ai protégé, sans comprendre que je me protégeais moi aussi. Même après ce qu'il venait de m'infliger, je pensais encore à l'éloigner des foudres des autres. Il avait toujours cette emprise sur moi, il avait ce pouvoir. Ma mère a voulu me prendre dans ses bras, me féliciter. Je l'ai repoussé. Je ne voulais plus toucher personne, plus rien sentir, plus vivre. Quand votre raison de vivre meurt, vous êtes dans la merde, vous voulez disparaître. J'ai disparu à ma façon Hunter. J'ai noyé mon identité dans une femme sans cœur et coincée. Dans une personne négligée et repoussante. Je ne m'aimais plus tu comprends ? Cet homme m'aimait, il me donnait cette impression, avec lui j'existais ! Sans lui, je survivais ! J'ai survécu jusqu'à ta rencontre. Je survivais ! Tu m'as regardé différemment ce soir-là, tu as regardé quelque chose que je dissimulais. Tu m'effrayais, mais tu m'attirais aussi terriblement. J'étais dans l'envie de bannir tout ce que je suivais proprement pour que tu me fasses vivre. Tu me voyais Hunter. Tu m'as vu. Tu m'as vu.
Hunter m'oblige à rester contre lui, à sentir son cœur battre la chamade, contre le mien, brisé de devoir partager avec lui mes démons. Je n'ai jamais voulu qu'il sache, je n'ai jamais vraiment voulu qu'il rentre dans ma vie maussade et inintéressante. Mais il l'a fait, il a créé quelque chose chez moi, une ambition, une envie de repousser mes craintes.
Je soupçonne qu'il me garde aussi près pour ne pas voir le visage en ruine qui a maintenant ravagé mon faciès. En fait, je ne veux pas non plus qu'il le voit. Je viens de me mettre à nu devant lui, avouant mes troubles, tout ce que je refoulais. Il sait. Il sait tout. Il sait maintenant. Il me connait dorénavant.
Il ne me regardera peut-être plus jamais de la même façon. Il quittera peut-être cette pièce sans jamais revenir, m'oubliant parce que j'ai le profil de la fille violée et crasseuse. C'est abominable, et je suis profondément désolée de lui faire endurer ça. Personne n'aimerait avoir affaire à une fille perturbée qui s'est faite culbuter par un connard. Par une espèce mauvaise, sadique, interdite.
Hunter me brisera à nouveau le cœur et je comprendrai que je ne suis plus faite pour être avec quelqu'un. Je comprendrai que ma place n'est pas près de lui, ni près d'un autre homme. Si ça doit arriver, alors ça arrivera.
Si je dois m'y faire, alors je m'y ferais. J'affronterai ça, si tel est mon destin.
Mais pour l'instant, je le laisse prendre soin de mon corps brisé et fatigué. Il le presse contre lui comme si, si il me fait m'éloigner, j'allais tomber en morceaux. Il laisse la chaleur qu'il dégage embaumer mes symptômes et tuer ceux qui se cachent en moi depuis trop longtemps. Je ne veux pas quitter son étreinte. Elle est si douce, si tendre, si nécessaire.
Et pour l'instant ça suffit.
VOILA RAIN A TOUT LÂCHÉ !
Bon sang, il était temps !
J'ai essayé de donner le plus de réalité à la chose, mais c'était assez complexe d'avouer les émotions d'un personnage quand on est pas dans son corps. Bon ben ça s'est fait, et j'espère que c'était pas trop trop naze. A vous de jugez.
A part ça, merci de continuer de suivre ma fiction pour celles qui lisent actuellement mon petit message de fin, c'est cool ! J'essaierai de poursuivre l'écriture au plus vite !
Donc je vous dit adios en attendant le prochain chapitre !
Byebyebye ! ! ! !