Fugace

Autorstwa elonaballon

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« Dans chaque cœur résonne l'amour de la liberté. » Aislinn, membre d'un comité culturel, est prise en otage... Więcej

Fugace
Avant-goût
Chapitre un
Chapitre deux
Chapitre trois
Chapitre quatre
Suspension
Chapitre cinq
Chapitre six
Chapitre sept
Chapitre huit
Chapitre neuf
Chapitre dix
Chapitre onze
Chapitre douze
Chapitre treize
Chapitre quatorze
Chapitre quinze
Chapitre seize
Chapitre dix-sept
Chapitre dix-huit
Chapitre dix-neuf
Chapitre vingt
Chapitre vingt-et-un
Chapitre vingt-deux
Trêve du cadran
Chapitre vingt-trois
Chapitre vingt-quatre
Chapitre vingt-cinq
Chapitre vingt-six
Chapitre vingt-sept
Chapitre vingt-huit
Chapitre vingt-neuf
Bulle
Aparté
Chapitre trente
Chapitre trente-et-un
Un mot pour la fin ?

Épilogue

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Autorstwa elonaballon

« Je m'appelle Vassilis Randy Oloveiros. Trente-huit ans, Copenhaguois invétéré, né d'un père hongrois et d'une mère danoise. Tous deux se sont séparés quand j'étais minot. À cause du divorce, mon père a eu du mal à retrouver un logement et à joindre les deux bouts. Très vite, le juge a convenu que ma mère aurait la garde de ma sœur et moi.

La cicatrice que je porte au poignet s'évertue à me le rappeler : la vie que j'ai menée à ses côtés ne s'est pas avérée de tout repos.

À l'aube de mon adolescence, j'ai été victime de séquestration. D'abord au sens figuré du terme : notre mère, Ruth, nous a enfermés, ma sœur et moi, dans une véritable cage dorée, nous condamnant à des années de souffrance passées sous silence.

Elle répétait sans cesse que nous n'avions pas conscience de notre chance, que nous étions ingrats. Sur le plan affectif, ce qu'elle nous donnait, c'était pour le reprendre aussitôt. Elle exigeait notre admiration plus que notre reconnaissance. Elle ne demandait pas moins que la perfection et considérait souvent les autres comme inférieurs – qu'il s'agisse de leurs valeurs, de leurs parcours de vie comme de leurs choix. Sa vision des choses était la bonne et sa manière de penser, la meilleure.

J'ai toujours été persuadé, encore plus avec le recul que le temps m'a apporté, qu'elle ne savait pas aimer correctement. Elle me tenait sous son joug, voulait me façonner à sa guise. Elle était incapable d'entendre que nous étions deux personnes distinctes, que je n'étais pas venu au monde pour accomplir ce qu'elle-même n'avait pas su accomplir.

J'étais un oiseau qu'on voulait clouer dans son nid. Sous emprise.

Elle m'a coupé les ailes.

Longtemps, j'ai craint sa colère, son agressivité passive, son chantage émotionnel. Ses critiques aussi, ses humiliations à répétition. Je n'étais jamais assez. Mes rêves étaient trop grands, trop irréalistes. Je n'étais encore qu'un enfant.

Ruth avait beau me dire qu'elle m'aimait à outrance, qu'elle pourrait me donner sa vie s'il le fallait, ses comportements, ses paroles et ses menaces m'éloignaient chaque jour un peu plus d'elle. Je me sentais étouffé, envahi. Libre lorsqu'elle se tenait loin de moi. Cela m'empêchait de lui rendre son amour, de lui faire confiance, d'être apaisé en sa présence. J'essayais constamment d'anticiper ses réactions, de les deviner pour limiter la casse, me protéger de ses mots.

Parfois, souvent même, j'ai ressenti de l'incompréhension. Quelle injustice. Qu'avais-je bien pu faire pour mériter un tel traitement ?

Plus elle refusait de se remettre en question, plus je me questionnais. Plus je la découvrais hermétique au monde, incapable de compassion ou d'empathie, plus je touchais du doigt cette envie, ce besoin presque viscéral d'aider les autres, de me sentir utile.

Je jalousais presque mes camarades de classe, mes amis dont la relation mère-fils n'avait rien de malsain. Pourquoi n'y avais-je pas droit ? Pourquoi devais-je toujours faire mes preuves auprès de celle qui aurait dû m'accepter tel que je suis ?

C'est la raison pour laquelle la maltraitance psychologique et la négligence émotionnelle sont si difficiles à déceler dans un foyer : parce qu'on remarque d'abord le confort matériel. On voit le toit sans imaginer que les murs puissent se refermer sur ses habitants. Le réfrigérateur est plein, des photographies de voyage trônent dans des cadres à l'entrée, on y voit des sourires qu'on ne devine pas forcés.

Ruth a tenté de me liguer contre mon père, puis contre ma sœur. Elle n'a cessé d'invalider nos ressentis, de minimiser nos échanges et nos souffrances communes. Plus que de ne pas savoir aimer correctement, je suppose qu'elle ne s'aimait pas elle-même. Elle rejetait ses émotions, nous faisant porter le poids de ses propres échecs.

Aujourd'hui, malgré les leçons que j'en ai tiré, j'en ai gardé des séquelles. Je souffre de troubles psychiques et, autrefois contrebalancé entre mes parents, je n'ai jamais connu la stabilité au sein d'un couple, ni même d'une famille. J'ai reproduit leurs erreurs avec la femme que j'aime. D'ici à quelques semaines, Aaricia obtiendra le divorce, scellant ainsi des années d'union toxique.

En découvrant les papiers de la procédure sur le pas de la porte, mes regrets m'ont heurté de plein fouet... Ou plutôt devrais-je dire de pleins phares, littéralement parlant.

Route de Northmoor Green – paradis à mille lieues de l'effervescence de Londres – le compteur a frôlé la barre des cent vingt kilomètre-heure. Choc frontal, j'aurais dû y laisser la vie. Pourtant, la garce a dû voir en cet accident l'occasion de me remettre sur le droit chemin.

Il faut croire que dans mon malheur, je pouvais m'estimer heureux de ne pas avoir fait subir cette situation et ces traumatismes perpétués à un enfant. Je voulais être courageux, ne pas projeter mes peurs sur ceux qui me succéderaient.

Bien que je sois connu par la psychiatrie, je n'ai jamais eu aucun antécédent avec la justice. Je n'ai jamais détourné les fonds du comité de mon épouse, ni n'ai porté atteinte à la vie de qui que ce soit. Je n'ai jamais violenté Damian Burberry, Violet Benavides ou encore Aislinn Lovelace. En vérité, aucun d'entre eux n'existe. Il ne s'agissait que d'un rêve. D'un leurre, dû au coma artificiel dans lequel j'étais plongé.

Force est de constater que l'humain a tendance à vouloir rêver sa vie pour échapper à la dure réalité de l'existence.

Dès mon réveil, j'ai ressenti le besoin de creuser dans mon passé, de panser des plaies que je croyais guéries. J'ai réalisé que, depuis toujours, deux entités luttent en moi : une part de lumière qui fait de moi, comme d'Aislinn, une bonne personne, téméraire et dévouée à ses passions. Quelqu'un de terre-à-terre, romantique et par-dessus tout, intègre. Une part de noirceur, sustentée par des envies meurtrières qui, même si je m'efforce de la dissimuler aux yeux d'autrui, me tient en vie, nourrit la haine que je voue à mon bourreau depuis tout ce temps.

J'ai cessé d'être dans le déni. Des souvenirs insoupçonnés me sont revenus en mémoire... Parmi eux, le visage solaire et la silhouette gracile de ma sœur Vittoria.

— Je comprends ta colère, Randy. Je comprends que tu puisses trouver inconcevable de pardonner des gens qui t'ont blessé et qui n'en sont même pas désolés. Mais un jour, tu devras faire cet effort de laisser le passé derrière toi, pour toi, sans oublier qui tu es et ce que tu ne veux pas reproduire. Si tu ne dévies pas un peu du droit chemin parfois, tu te condamnes à n'avoir aucune perspective.

Vittoria est morte le jour où, après des semaines d'enfermement, notre père, Kipling, s'apprêtait à nous délivrer de cette tour dorée. Dans les beaux quartiers, personne n'aurait jamais soupçonné que Ruth puisse nous maltraiter ainsi.

Notre mère l'avait poignardée. Au cou, à la gorge. Sous mes yeux. Ce spectacle avait été tout bonnement abominable. J'avais voulu mourir sans en avoir eu le cran. Quelque chose, aussi infime soit-il, me retenait à la vie. Grâce à ma rencontre avec Aaricia, j'ai compris que je n'étais pas près d'abandonner aussi facilement. Vittoria n'aurait jamais espéré cela pour moi.

Toutes ces années, je n'ai cessé de culpabiliser. Avec des « si », je remodelais ce drame tragique et pourtant bien réel – à tel point que mon subconscient a occulté la réalité, inventant des personnes de toutes pièces. Au point que je me vois, dans cet enfer qu'a été mon rêve, comme l'assassin de ma sœur.

Si j'étais arrivé quelques minutes plus tôt, j'aurais pu l'empêcher de la tuer. Si j'avais accepté que notre voisine de palier signale aux forces de l'ordre les agissements de notre mère, peut-être que je serais parvenu à la sauver.

J'aurais pu vivre une romance idyllique auprès d'Aaricia, à l'image – bien que fictive – de celle qu'entretenaient Blaise et Aislinn. Je n'aurais pas gâché cette chance innommable d'évoluer auprès de mon âme sœur. J'aurais trouvé les mots, appris à m'épancher sur mes failles. J'en aurais pris soin.

Je ne serais pas resté bloqué dans le passé à ressasser mes erreurs et mes manquements. Mes rapports avec Ruth seraient devenus plus formels, courtois, si je l'avais livrée à un service spécialisé – un établissement psychiatrique notamment. Alors, le cœur de l'être qui m'est le plus cher sur cette Terre, battrait encore.

C'est la vie que j'ai, fût un temps, espérée mener.

En réalité, j'ai beau désirer plus que tout au monde que les choses se soient passées différemment, il ne pouvait en être ainsi. Nous avons tous une destinée, nous avons tous une histoire à raconter. Une croix à porter.

Celle-ci est la mienne. »

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