Leena eut l'impression d'avoir déjà croisé ce garçon quelque part et se souvint alors qu'il s'agissait du « Sam » qui avait interpellé ses amis au moment de partir à Pré-au-Lard. Il était plutôt petit et rondelet, et ses cheveux blonds bouclés étaient parsemés de quelques mèches dorées. Ses joues rondes et roses lui donnaient un air de bébé, mais son regard dégageait quelque chose de très mature. Il avait les yeux marrons et un grain de beauté sous l'œil gauche.
- Il faut vraiment que tu arrêtes de te laisser faire par cette fille, répondit Iris en fronçant les sourcils.
- Facile à dire... grommela le garçon.
- Iris a raison, renchérit Julian. Ce n'est pas parce qu'elle sait que tu es adopté par des Moldus qu'elle doit continuer à te faire chanter.
- Chut ! s'écria Sam, pris de panique à l'idée qu'on puisse les entendre. Vous avez réussi à garder le secret ces deux dernières années, et je compte bien faire en sorte que ça continue. Personne d'autre n'est au courant, sinon autant le crier sur tous les toits... !
- Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a de honteux là-dedans, objecta Iris. Etre adopté par des Moldus, ce n'est pourtant pas la fin du monde. Au contraire, à ta réaction je trouve que tu réfléchis comme certains Serpentards extrémistes.
- Oh, toi et tes réflexions, répondit sèchement Sam. Ça se voit que vous n'avez jamais eu à subir toutes leurs moqueries, surtout quand on a une famille comme la vôtre...
Le garçon s'abstint de terminer sa phrase et se rendit compte qu'il commençait à être aveuglé par la colère.
- Je t'en prie, continue, dit Julian dont les pupilles avaient viré du bleu au rouge à la vitesse de l'éclair. « Quand on a une famille de Sang Pur », c'est ce que tu allais dire, pas vrai ? Eh bien, si tu penses une seule seconde que ça peut nous rendre plus heureux, tu te mets le doigt dans l'œil. J'aurais préféré dix fois mieux avoir des parents Moldus qu'une tante qui nous voit comme des trophées à exposer au public.
- Ça suffit, arrêtez, les coupa Iris d'un ton ferme.
Les deux garçons se tournèrent alors le dos d'un geste brusque et plus personne ne se mit à parler. Il y eut alors un silence durant lequel tous restèrent muets comme des carpes. Le premier qui se décida finalement à rompre ce silence fut Sam, après s'être tortillé dans tous les sens sur son siège tout en faisant mine de jouer à faire danser le feu de cheminée avec sa baguette :
- Bon, écoutez... je ne pensais pas vraiment ce que j'ai dit. C'était sur le coup de la colère, d'accord ?
A ces mots, les pupilles auparavant rouge flammes de Julian semblèrent doucement reprendre leur couleur bleue initiale.
- Excuse-moi, Julian, reprit Sam. Et Iris aussi, je te demande pardon. Et...
Sam se mit soudain à rougir en remarquant la présence de Leena qui était restée assise, bien cachée derrière son grand fauteuil.
- S-salut, Leena... Je ne t'avais pas vue...
- Salut, répondit Leena, surprise qu'il s'adresse soudain à elle.
- Tu n'étais pas censée rejoindre Iris et Julian à Pré-au-Lard ?
- Si, mais...
- Elle n'a pas pu finalement, reprit Iris en ne lui laissant pas le temps de répondre.
- Je comprends. Et puis de ce que j'ai entendu dire chez les Gryffondors, tu n'as pas été la seule.
- Ah oui ? Qui d'autre n'a pas pu y aller ? demanda Iris, curieuse.
- Harry Potter, évidemment...répondit Sam.
Leena en profita pour leur relater sa rencontre brutale avec le garçon dans la matinée, leur précisant aussi que sans lui, elle n'aurait jamais pu récupérer son formulaire de sortie. Ses amis l'écoutèrent avec beaucoup d'intérêt, mais cela ne semblait pas être le cas de Sam qui affichait une mine légèrement renfrognée.
- Bon ce n'est pas tout ça, dit-il en s'efforçant de cacher son irritation, mais moi je commence à avoir franchement faim. D'ailleurs, vu l'heure je pense que le Banquet ne va pas tarder à commencer.
- Effectivement, approuva Julian. On y va ?
- Bonne idée ! répondit Iris. Moi aussi, je meurs de faim.
Sur ces mots, les quatre adolescents se levèrent de leurs fauteuils et sortirent de la salle commune. Leena avait fourré tous ses parchemins dans un sac qu'elle garda sur elle tout le restant de la soirée. D'autres élèves ne tardèrent pas à leur emboîter le pas, leur ventre criant famine à leur tour. Celui de Leena avait déjà commencé à gargouiller dès qu'elle avait vu Sam. Elle ne savait pas pourquoi et trouvait même cela étrange qu'une personne puisse susciter la faim, mais elle se demanda finalement si cela n'était pas dû à ce vague air de boulanger qu'il semblait dégager. Elle l'imaginait bien porter un tablier enfariné tout en confectionnant des gâteaux. Cette pensée lui avait ouvert l'appétit et elle avait maintenant plus que hâte de goûter à toute la nourriture qui allait se présenter dans la Grande Salle. Dans les livres, elle s'était rappelée toutes sortes de plats délicieux et fumants, sucrés et salés... Rien que d'y penser, elle commençait à saliver.
Une fois arrivé dans la Grande Salle, le groupe, suivi d'une foule d'autres élèves, alla s'installer à la table des Serdaigle. Cette salle était l'une des plus grandes du château et en arrivant, la première chose que Leena avait remarqué était le plafond magique tout constellé d'étoiles et orné de bougies volantes.
- Woah... laissa-t-elle échapper.
- On dirait une première année, plaisanta Julian en réponse à sa réaction.
Elle fut beaucoup trop absorbée par ce qu'elle voyait pour répliquer quoique ce soit. Ses yeux étaient tout simplement collés au plafond. Elle remarqua ensuite qu'il y avait au fond de la pièce une grande table où étaient assis les professeurs et derrière laquelle la pluie battait contre une gigantesque fenêtre qui dominait de sa hauteur. Quelques professeurs y étaient déjà attablés et à l'extrémité gauche était assis un homme mince aux cheveux gras et noir, au nez crochu et au teint cireux dont la longue cape et le manteau noir lui donnaient l'apparence d'une chauve-souris. Leena le reconnut immédiatement : il s'agissait de nul autre que du professeur Rogue. Cependant, malgré son air glacial et méprisant, Leena eut un pincement au cœur en le voyant. Elle ne pouvait pas s'en empêcher, son attachement envers ce personnage avait considérablement grandi en ayant appris à le connaître au fil de ses lectures, et elle n'oubliait pas qu'il s'agissait là d'un homme qui s'était obstiné à ne dévoiler la meilleure partie de lui-même qu'au moment de s'éteindre.
Ce dernier croisa alors son regard, ce qui l'obligea à détourner immédiatement les yeux. A l'évidence, elle l'avait fixé un peu trop longtemps. Elle releva ensuite doucement la tête et remarqua que non loin du professeur Rogue étaient assis le professeur McGonagall et le professeur Lupin. D'autres enseignants étaient également installés le long de la table en bois, mais ils étaient bien trop éloignés pour que Leena puissent les identifier. Elle aurait pu facilement repérer la présence de certains personnages principaux tels que Ron, Hermione, ou même Harry, mais à défaut d'être présents à la table des Gryffondor, elle remarqua la présence de trois garçons à l'allure familière attablés parmi les Serpentards. L'un d'eux, un garçon mince aux cheveux blonds presque blancs et au teint très pâle, avait particulièrement capté son attention. Il s'agissait de Drago Malfoy, accompagné de ses deux intarissables gardes du corps, Crabbe et Goyle. Cela amusa énormément Leena de pouvoir les apercevoir ainsi de ses propres yeux. Draco paraissait d'ailleurs beaucoup plus frêle qu'elle ne se l'était imaginé, tandis que ses deux acolytes lui faisaient penser à deux ours désenchantés.
Lorsque tous les élèves furent installés à la table de leur maison, la nourriture apparue instantanément, au grand plaisir de Leena et de ses amis. Toutes sortes de plats tous aussi appétissants les uns que les autres ornaient maintenant le mobilier. Il y avait tellement de choix que Leena en eu presque le tournis. Elle hésitait entre le rosbif, le ragoût de bœuf, le poulet frit, les saucisses, les frites, les petits pois, les carottes ou encore les pommes de terre cuites à la vapeur. Un vrai régal pour les yeux et l'estomac, évidemment. Les élèves ne se firent pas prier et entamèrent le dîner avec beaucoup d'appétit.
A mi-chemin entre la fin des plats principaux et l'arrivée du dessert, Julian sortit de sa poche un journal sur lequel était écrit en tête « La Gazette du Sorcier »:
- Vous avez vu les nouvelles ?
Leena reconnut sur la première page la photographie d'un homme au visage émacié et à la tignasse emmêlée qui lui retombait sur les épaules et au-dessus de laquelle une légende affichait : « AVEZ-VOUS VU CE SORCIER ? Sirius Black, prisonnier évadé de la prison d'Azkaban, recherché par les autorités ».
- Oui, répondit Iris d'un air soudain inquiet. On dit qu'il serait à la recherche de quelqu'un, mais je ne suis pas sûre qui...
- Potter, dit Sam, la bouche pleine de purée. Je suis pratiquement sûr que c'est lui qu'il cherche.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? demanda Julian.
- Mon père connaît quelqu'un qui travaille au ministère et je l'ai surpris en train d'en parler avec ma mère cet été. Et puis, si on y réfléchit un peu, cela fait deux années de suite que Vous-Savez-Qui cherche à s'en prendre à lui. Alors bon, ça ne m'étonnerait pas que Sirius Black fasse partie d'un de ses pions pour l'atteindre, si vous voyez ce que je veux dire...
Leena fut épatée par la perspicacité du garçon, qui semblait avoir élucidé à lui tout seul une partie du mystère de cette histoire. Mais elle savait aussi qu'ils étaient encore bien loin de la vérité. Elle se contenta alors de manger son repas en silence, tout en écoutant ses camarades émettre des hypothèses concernant l'évasion de Sirius Black.