— Et toi, encore plus adorable.

Victor poussa un léger soupir. Ses cheveux courts le rendaient encore plus enfantin qu'il ne pouvait l'être d'ordinaire. Il jeta un regard à Yann. Lui aussi paraissait parfois plus jeune qu'il ne l'était. Ses cheveux blonds, maintenant parsemés de mèches blanches, courbaient sous le plaisir des caresses célestes.

— La vache, il y a du vent...

— Heureusement qu'il a arrêté de pleuvoir, dit Victor. Je déteste la pluie.

— Pas moi. Je comprends pas pourquoi tant de gens détestent la pluie.

— Parce que ça rend le ciel terne, et que ça les renvoie à leur tristesse.

— La pluie, c'est quand même mélodieux. Et elle est plutôt jolie, si tu regardes bien. Tu ne trouves pas qu'il y a quelque chose de fascinant à voir un rideau de gouttes tomber ? Une fois que tu prends la peine de la regarder... C'est difficile de s'en détacher. Peut-être parce qu'elle est belle, tout simplement, ou peut-être parce qu'elle nous rappelle comment pleurer peut être douloureux.

— La fameuse métaphore des larmes du ciel ?

— Et pourquoi pas ? C'est une façon de voir les choses. Elle nous accompagne. Si tu veux voir ça d'une façon plus joyeuse, tu n'as qu'à te dire qu'elle peut servir d'excuse pour lire un bon livre au lit. Pragmatique ou rêveur, la pluie peut être ravissante pour toutes les âmes.

Victor étouffa un rire amusé. Yann savait se montrer très convaincant quand il le voulait. A peu près tout le temps, en réalité.

— Tu me fais vraiment la promotion de la pluie ? Genre, comme un vendeur pro ?

— Il faut bien la vendre... Sinon, trop peu de gens en voudraient. Et c'est bien dommage.

Le sourire de Yann s'effaça un court instant, couvert par un nuage. Un nuage sombre, massif, dérangeant, qui s'éclipsa aussi vite qu'il était apparu.

— Celui qui ne regarde pas la pluie ne mérite pas de se tenir sous les rayons du soleil.

— Pas faux, remarqua Victor. Bon, on fait quoi maintenant ? Tu veux rayer tout de suite autre chose sur ta liste ou on rentre à la maison ?

— Les deux.

Victor s'arrêta, surpris. Vu le visage de Yann, nul doute qu'il avait une petite idée en tête. Une idée qui lui faisait froid dans le dos. Alors pourquoi les battements de son coeur venaient-ils d'accélérer ?

— Les deux ne me paraissent pas incompatibles, susurra Yann. Et je te l'ai dit, non ? On a un compte à régler, tous les deux, à la maison.

Le visage du brun s'illumina. Maintenant, c'était clair : il voyait où son copain voulait en venir. Ses joues rosirent.

— T'es sérieux ? Tu veux...

— Ouais, mon gars. Alors, on rentre ?

— Avec plaisir, coquin. Qu'est-ce que tu comptes faire ?

— Tu verras bien assez tôt... Ne sois pas si pressé.

Les deux compagnons se remirent en route, chacun dans ses pensées. Victor se demandait bien à quelle sauce Yann comptait le manger. L'éclat qui brillait derrière ses lunettes ne laissait planer aucun doute : Yann comptait le dévorer tout cru. Il sentit les papillons décoller dans son ventre.

Alors qu'ils traversaient une nouvelle rue, le vent se leva un peu plus fort et les gouttes d'eau, plus violentes encore, s'écrasaient sur eux sans répit. L'averse, froide, traversait leurs vêtements.

Lie tes raturesWhere stories live. Discover now