Mai - 1.

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 Victor avait toujours rêvé d'être un oiseau. Il se plaisait à observer le ciel et ses habitants, battant de leurs ailes puissantes avec grâce. Leur cri perçant au petit matin avait ce quelque chose de réjouissant qui rappelait l'essence même de la vie. Depuis son enfance, il ne cessait de se demander ce que ces créatures ressentaient chaque fois qu'elles migraient, parfois pour s'enfuir à des milliers de kilomètres de leur terre natale.

Il poussa un soupir face à la fenêtre ; sentir le vent sur sa peau, voir de haut ce que le monde nous offrait, se sentir libéré de toute attache, il en rêvait plus que de raison.

— Eh, tu m'écoutes ?

Mais pour l'heure, il se trouvait sur terre et dans une bien fâcheuse position. Yann le dévisageait, un air blasé gravé sur le visage.

— Comment veux-tu avoir de bonnes notes si tu passes ton temps à rêver ? lui reprocha-t-il d'un ton sévère.

— Mais je t'écoute !

— J'ai dit quoi ?

— Que je ne pouvais pas avoir de bonnes notes si je rêvassais ?

Le blond se passa une main ennuyée sur le visage et se massa les tempes, le minimum pour ne pas s'énerver davantage. Il aimait Victor de tout son coeur, mais parfois, son manque d'attention et de sérieux l'irritait beaucoup plus qu'il ne le laissait paraître.

— Tu te rends compte que ça fait cinq fois que je te répète la même chose ?

— Ah bon ?

— Ouais.

— Tu ne préfères pas qu'on travaille sur notre roman ? La relecture ne va pas se faire...

— Non. On finit d'abord l'anglais.

— C'est nul, bouda-t-il.

In English, please.

— Ah, le cliché du prof qui ne parle qu'en anglais...

Yann leva les yeux au ciel et intima au grand enfant qui lui servait de petit ami de se concentrer. Victor tenta tant bien que mal, mais c'était peine perdue : chaque fois que Yann passait à la vitesse supérieure, tout lui semblait encore plus flou qu'avant.

— Bon, ça suffit. J'en ai marre de te voir regarder le plafond sans rien écouter ! J'abandonne.

— Non ! s'il te plaît, attends, je serai sage, promis.

— T'es irrécupérable, Victor. T'agis comme un gamin ! Je suis pas ton grand frère ou ton père ! Flemme de jouer le flic autoritaire. Je te signale qu'on a une grosse épreuve bientôt !

— C'est nul, l'anglais, de toute façon, soupira l'adolescent.

Yann souffla. Il croisa les bras, agacé du comportement de son petit ami. Ils se dévisagèrent en silence pendant plusieurs secondes.

— T'as gagné, dit-il. On abandonne l'anglais. Ouvre ton ordi, beau gosse.

— Ouais !

Attendri, Yann esquissa un sourire devant la joie de son petit ami. De toute façon, Victor était beaucoup plus doué dans les autres matières pour que ça ne lui porte pas préjudice. Leur roman remplaça donc les cahiers.

— Pauline m'a envoyé la version corrigée des quinze premiers chapitres.

— Elle bosse super vite, commenta le blond.

— Il n'y avait pas grand chose à corriger apparemment. Enfin, il y avait plus de corrections sur mes chapitres que sur les tiens...

Yann ne releva pas la remarque de Victor et alluma son ordinateur. Ils avançaient bien, mais il ne fallait pas négliger toute la part de travail qui leur restait. L'idée de voir cette masse s'élever devant eux sans savoir quand ses chaussures finiraient par craquer l'effrayait et le poussait à marcher plus vite. Laisser Victor affronter cette épreuve seul l'insupportait.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant