Mai - 9.

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La discussion qu'il avait eue avec Arthur au terrain de street basket deux jours plus tôt n'avait pas quitté l'esprit de Victor. D'abord venu pour se défouler et tromper son ennui, Victor s'était finalement retrouvé à se confier sur ce passé si brumeux. Il goûtait avec tendresse cette conversation si singulière. Se confier si facilement ne faisait pas partie de ses habitudes. Il était plutôt de l'autre côté de la barrière, celle de l'oreille attentive. Pas ce jour-là, bien qu'il avait aussi écouté quelques confessions d'Arthur.

Son intuition ne le trompait que rarement : Arthur était un garçon de confiance. Il semblait seulement trop égaré dans ce monde si vaste. Dans le lycée, il continuait à errer comme une âme en peine, rarement accompagné de ses camarades. De sales petits cons, ceux-là, qui lui rappelaient trop bien à quel point cet univers scolaire peut basculer de la plus parfaite idylle au cauchemar le plus désastreux.

Heureusement, le sentiment de confiance paraissait réciproque. Son cadet lui avait confié sa bisexualité, malgré son inquiétude. Victor espérait avoir trouvé les bons mots pour le rassurer. Il savait très bien que tout ce qu'il lui avait dit avait fleuri dans une terreur sourde. Mais où avait-il pu éveiller cette crainte ?

Ces regards apeurés, cet éclat sombre qui fleurissait dans ses yeux, même furtive, n'avaient pu prendre racine que dans un terreau de cauchemars, un terreau qui avait brisé son innocence. Il ne pouvait pas aborder cet air d'errant sans avoir traversé un désert horrible.

— Il nous cache des choses.

— Tu penses ?

Yann le regardait d'un air intrigué, attablé en face de Victor. Il lui avait donné rendez-vous dans un café. Ce fameux café où tout avait commencé. A peine arrivé, Victor avait ressenti ce besoin de lui parler de sa rencontre avec Arthur. Yann l'avait écouté avec la plus grande attention en attendant que son chocolat chaud refroidisse suffisamment pour éviter de le brûler.

Il jeta un rapide coup d'oeil vers la fenêtre. Le gris du ciel étendait sa couverture morose au-dessus de toute la ville et ne semblait pas disposé à laisser sa place au soleil de mai. Les températures avaient chuté d'un coup et la pluie s'était invitée à leur rendez-vous.

— C'est évident... J'espère que tout va bien pour lui.

— Arthur n'est pas aussi fragile qu'il en a l'air, sourit Yann.

— J'ai juste un mauvais pressentiment.

— Mais je rêve ou tu t'inquiètes pour lui ? C'est chou !

— Arrête de te moquer de moi ! Je... Il est important pour toi, non ? Puis c'est un bon ami... Oh, et puis peu importe ! Laisse tomber, bouda Victor.

— Je trouve juste ça mignon. Moi aussi, en vrai, il m'inquiète un peu. On le surveillera un peu, c'est notre rôle, en tant qu'aînés.

Victor acquiesça et but à petites gorgées. Oui, c'était leur rôle. Comme aînés mais aussi comme amis.

— Dis... L'année prochaine, on va quitter le lycée, annonça Yann.

— Ouais, et ?

— Je ne serai probablement plus là pour voir ce qui va se passer, mais... Est-ce que je peux te demander quelque chose, s'il te plaît ?

— Ouais, bien sûr.

Venant de Yann, Victor savait qu'il pouvait s'attendre à tout.

— Si tu le peux, est-ce que tu pourras veiller sur Arthur ? On ne sera plus au lycée quand il sera en terminale alors j'aimerais juste que tu gardes contact avec lui.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant