Mai - 4.

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— Alors ? C'est pas l'idée du siècle ? Hein ? Hein ? T'en penses quoi, Lili ?

Pauline leva les yeux au ciel et s'appliqua à mâcher tranquillement son sandwich avant de répondre. Victor se montrait si impatient qu'il en devenait facile de le faire rager.

— Alors ? répéta-t-il.

— Minute, tenta de répondre sa meilleure amie.

Elle manqua de s'étouffer pour faire plaisir à Victor, mais ne fit aucun commentaire. L'adolescent était comme un gosse ; impatient, la fierté qu'il tirait de son idée paraissait sans limites.

— T'es complètement taré, asséna-t-elle.

— Quoi ? Mais c'est une idée de génie ! plaida-t-il.

— Et tu comptes faire ça comment ?

— Bah en réservant...

— Et avec quel argent ?

Victor blêmit. Il n'avait pas pensé à cet aspect de la question. Quand il avait songé à cette idée, rien n'aurait pu l'arrêter. Et il avait gardé le spectre de cette perfection comme acquis, jusqu'à ce que Pauline tape là où il ne fallait pas...

— Je suis vraiment horrible comme petit ami, grinça Victor, abattu.

— Mais non. Tu fais de ton mieux.

— C'est pas assez.

— Beaucoup ne prendraient pas la peine de réfléchir comme tu le fais.

— Je ne suis même pas foutu d'offrir un cadeau décent à celui que j'aime ! C'est lamentable.

— Victor...

— Je suis incapable de l'aider.

— Tu le fais déjà.

— J'aimerais tellement faire plus.

— Plus que de réaliser son rêve ? Plus que de lui permettre de connaître une relation saine avant qu'il ne parte ? Plus que de lui accorder de magnifiques souvenirs ?

Pauline se mit face à Victor et posa sa main sur l'épaule de l'adolescent. Ce dernier releva la tête, lui qui s'était affaissé sous le poids de ses craintes et de sa culpabilité. Il put ainsi voir le sourire rassurant de son amie.

— Tu lui as offert plus que n'importe qui.

— Peut-être, mais...

— Je ne crois pas que tu puisses faire plus.

— Si, bien sûr que si !

— Se retrouver avec toi et écrire votre histoire, crois-moi, c'est bien suffisant. Et je ne parle pas de votre roman, idiot ; je parle de votre histoire. La vôtre.

Victor se tut quelques secondes, prenant conscience des paroles de Pauline.

— Je ne sais pas si je vais tenir.

— Comment ça ? demanda-t-elle, inquiète.

— Quand il ne sera plus là. Quand on aura posé le point final à notre histoire.

— Ne dis pas ça... Il ne voudrait pas t'entendre dire ça. Il voudrait que tu lui offres un deuxième tome encore plus merveilleux que le premier.

— Une histoire comme celle-là, je ne peux pas l'écrire seul.

— Premièrement, grand benêt, tu ne l'écriras pas seul. On sera là pour corriger les pages blanches. Pas que moi. Angel et Matt. Charlotte. Nao. Et même cet imbécile de Jordan. Tous, ils t'apprécient.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant