Février - 4.

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— Victor !

Le brun releva la tête. Le bonnet vissé sur la tête, il observa le reste de la cour enneigée, à la recherche de celui qui venait de prononcer son nom. Il ne lui fallut pas longtemps pour repérer Yann. Au milieu des élèves, il n'était pas difficile de le reconnaître. Il fallait avouer qu'il était tout de même assez grand et était connu comme le loup blanc. Sur la dizaine de mètres qui le séparaient du brun, il salua au moins trois personnes et fit un signe de tête à deux autres.

Très vite, il arriva devant son ami. Ce dernier ne réagit pas tout de suite, esquissant seulement un petit sourire en relevant son écharpe. Il était hors de question que Yann puisse le voir ainsi, les joues écarlates, tant par le froid que par l'effet que son corps avait sur lui !

Ce dernier arborait aussi un beau bonnet rouge duquel deux mèches rebelles s'échappaient, tombant sur le haut de son front. Un sourire discret ornait son visage.

— Salut, lui dit-il.

— Salut, répondit Victor, plus froidement qu'il ne l'aurait voulu, pour cacher ses habituels trémolos quand les deux garçons parlaient.

En même temps, on ne pouvait que comprendre sa frustration ; après avoir cette discussion au café, presque deux semaines auparavant, Yann ne lui avait presque plus adressé la parole. Victor avait miroité durant des heures avant de voir son espoir dégonfler comme un ballon de baudruche percé par une aiguille. Pourtant, le littéraire avait bien senti quelque chose changer dans le comportement de son camarade. Leurs regards se captaient plus rapidement, et le grand le saluait plus souvent que d'habitude.

Mais depuis la fin de la dernière semaine, jusqu'à ce glacial lundi, plus rien, juste l'implacable silence du passé. Yann passait bien plus de temps en compagnie de ses amis qu'avec lui. Bien évidemment, il avait le droit d'être avec ceux qu'il aimait. Néanmoins, n'étaient-ils pas liés par un pari qui avait enfanté un début d'histoire entre eux ? Victor enrageait de ce fait ; ils avaient scellé leur première union par une solide poignée de main, comme les balbutiements d'un nouveau récit à peine entamé, dont l'auteur rédigerait le prologue avec l'infinie fébrilité qui caractérise les débuts d'aventure. Mais il lui semblait aussi que cette histoire, cette aventure, ce court récit, ne serait rien de plus qu'un énième projet avorté, dont la terrible page blanche signerait la fin.

Le blond resta silencieux durant quelques secondes, avant de finalement lui demander :

— Qu'est-ce qui te tracasse ?

Victor faillit voir rouge. Comment osait-il demander ça ? Comme s'il ne le savait pas ! Pourtant, une émotion puissante le freina quelque peu, l'empêchant seulement de hurler et de frapper le blond.

— Rien, disons que j'ai l'impression d'être ce gagnant au loto qui a perdu son ticket.

— T'as vraiment gagné ou tu me compares à un ticket de loto ?

— Selon toi ? fit Victor, un très léger sourire accroché aux lèvres.

— Eh bien... Sois heureux, tu m'as retrouvé ! Tu vas pouvoir toucher le gros lot.

— Yann... Je ne plaisante pas. Deux semaines se sont écoulées depuis tu sais quoi, et on n'a toujours pas avancé. Tu préfères rester greffer à tes potes plutôt qu'à essayer de me permettre de te prouver... Enfin... Voilà, quoi.

— Comme c'est mignon, tu es jaloux !

— Bien sûr que je le suis ! explosa Victor. Tu me promets monts et merveilles et au final, tu es avec tes amis !

— Je ne t'ai rien promis, Victor. Je t'ai juste laissé le champ libre. Et ce n'est pas parce que je passe du temps avec mes amis que je vais renoncer à toi.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant