Une lueur d'espoir

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Presque neuf ans que je vis ce supplice, toujours dans cet établissement rempli de noirceur. Je reste cet oiseau sans ailes, enfermé dans sa cage. Mais j'ai désormais une vraie amie partageant mes ressentis et avec qui je peux parler de ce que je veux, elle me rassure et je fais de même.

C'est drôle, avant de la voir je ne ressentais rien. Je n'attendais même plus les pauses ou la cantine. Je savais que malgré tout, je serai quand même triste. Je n'avais plus autant d'espoir que les autres enfants mais Lylia a changé ça. Je lui suis tellement redevable.

Ça me fait drôlement bizarre cette chose que je ressens en moi. Une sorte de chaleur au cœur, me donnant envie de sourire malgré ce sordide quotidien. C'est ça qu'on appelle la "joie" ? J'aurais aimé me sentir joyeuse plus souvent alors... Malheureusement celle-ci est toujours éphémère...

— Allez la crasseuse, tu vas me nettoyer la cour ! s'exclame la voix désagréable de Mr Thomas, se déchainant contre la porte. Ensuite t'iras en atelier d'écriture puis tu aideras à soigner les garçons !

On doit encore soigner les garçons...

J'ai vu des scènes horribles, je me dis que j'ai été bien épargnée par rapport à eux qui doivent tout le temps s'entraîner. Les surveillants disent que c'est pour qu'ils aient la forme devant les parents qui voudraient adopter, mais les pauvres garçons ne sont même plus des humains à la fin...

Soudainement, je me lève, la serrure se tourne, la porte s'ouvre. M. Thomas me fait signe de le suivre, ce que je fais sans broncher. Je traverse le couloir en faisant bien attention à ne pas le regarder dans les yeux. J'ai encore les marques de ma dernière punition, je n'ai absolument pas envie de subir encore cette douleur.

Impardonnable...

Encore une fois je suis la seule à nettoyer la cour. J'ai la nette impression que M. Thomas aime vraiment m'épuiser... Si je lui montre ne serait-ce qu'un peu de ma faiblesse, ce serait la victoire pour lui qui aime me voir souffrir, ça je ne le permettrais pas.

Jamais.

Ça fait déjà une heure que je nettoie la cour. La poussière omniprésente, les mégots partout, les papiers à tout va. C'est tellement long et pénible à nettoyer.

Je dois faire en sorte qu'il n'y ait pas une seule trace. J'ai déjà été enfermée dans le cachot juste à cause de quelques déchets que je n'avais pas vus. Tout est bon pour nous punir dans cet endroit or il y a une chose que je ne comprends pas. S'ils aiment tant nous punir, pourquoi ils cherchent une raison ? Peut-être qu'ils culpabiliseraient s'ils ne trouvaient pas de raisons...

Il est assis sur un tabouret à côté de la porte des toilettes. Ce surveillant qui m'a torturée, humiliée, il m'a même vue sans aucun habit. Je le déteste tellement, quand je pense à lui j'entends cette petite voix dans ma tête, résonnant de toute part, elle me dit des choses effroyables...

Tue-le... Torture-le comme il t'a torturée...

Cette voix assez lointaine, faible, résonne tant en moi que j'ai l'impression qu'une sorte d'énergie émane de moi. Tout mon corps en tremble, mon regard s'endurcit, devenant de plus en plus noir. Je frotte alors de plus en fort, jusqu'à endommager le balai, dans un instant de peur je jette un coup d'œil en direction de Mr Thomas en train de lire. Je soupire, s'il avait remarqué, j'aurais sans doute fini au cachot.

Encore une fois.

Je transpire beaucoup, la peau de mes mains s'est arrachée, j'ai pratiquement fini. Je lève quelques secondes les yeux en l'air. Le ciel est magnifique, le vent n'est malheureusement pas frais, rendant mon travail plus compliqué. Au moins le sol n'est pas brûlant, travailler pieds nus est une torture, pourtant je ne me plains pas. Plus tard j'ai appris que mon obstination s'appelle la fierté.

N'y pense plusWhere stories live. Discover now