Tourne la page...

120 21 53
                                    

J'entends les battements de mon cœur, un rythme rapide, une symphonie d'un grand compositeur, prenant les spectateurs en haleine durant toute sa performance. Si seulement c'était ça et non le stress qui me gagne au fur et à mesure que je m'approche de la chambre de Sarah, ma seule famille désormais.

Le médecin s'occupant de nous guider, s'arrête soudainement, mon cœur aussi, nous sommes arrivés. Je suis derrière Jeanne, pour l'instant il n'y a que son dos dans mon champ de vision, elle avance, moi aussi.

— Bonjour Sarah. dis alors Jeanne, la voix calme.

— Bonjour Madame... 

Sa voix est tremblante, faible, elle est épuisée. Même un abruti pourrait s'en rendre compte.

— Je sais que c'est un peu tôt pour dire ça... Mais tu vas mieux ?

— Je... Vous... Vous êtes au courant ?... 

— Oui, nous avons eu une déposition à faire sur ce qu'a fait votre père, nous savons l'histoire de A à Z. Je suis vraiment désolée pour toi Sarah...

— Je vais bien... J'ai encore du mal à imaginer, c'était...

— Horrible.

-Oui...

Jeanne ne dit plus rien, Sarah non plus, un malaise s'installe peu à peu dans la salle. Je tire doucement sur les vêtements de Jeanne pour lui montrer que je veux saluer ma sœur. Elle comprend vite.

— D'ailleurs Sarah... J'ai une petite surprise pour toi.

— Ah bon ? s'étonne-t-elle, sans que je vois sa réaction.

Elle s'écarte, je me retrouve en face de la seule chose qui me reste. Mes yeux se posent dans les siens, nos regards s'entrechoquent, ils se pénètrent, observent ce qu'il y a au fond de nous. La mort pour moi, la peur pour elle, deux jumeaux, deux traumatismes, un père coupable.

Quelque chose a changé dans ses yeux. Une sorte de noirceur mêlée à une tristesse abyssale. Elle paraît toute frêle, faible, alors qu'avant elle était forte. Assez pour tenir durant plusieurs années à se faire battre.

— Je vous laisse seuls un moment. annonce Jeanne, pressée. Je vais aller acheter à manger.

— Merci. dis-je, sans lâcher Sarah des yeux.

Elle sort de la chambre, au bout de quelques secondes, je me pose sur le bout du lit. Je me demande si...

— Alors tu l'as... commence à dire Sarah, le ton maussade.

— Oui.

— Tu vas bien ?

Notre conversation est froide, sèche, tendue, pesante. Ça ne nous ressemble pas. Sarah essaye sans doute de paraître plus forte qu'elle ne l'est. J'espère que ça ne va pas la détruire.

— Non...

Ses sourcils se froncent, elle se redresse, non sans grimacer de douleur.

— Qu'est-ce-qui...

— J'ai peur Sarah... Je fais des cauchemars à cause de lui et j'ai l'impression que tu vas partir loin...

Les yeux de ma sœur s'adoucissent. Je perçois une infime lueur au fond d'elle. Je finis par me calmer, être fort Naël, être fort...

— Combien de temps tu restes ? demandé-je, d'une voix hésitante.

— Les médecins m'ont dit qu'ils me diront après avoir vu mes tuteurs, on va pas être séparés hein...

Je suis tellement rassuré, malgré son air craintif, elle reste fidèle à elle-même. J'avais peur qu'à cause de notre père, on s'éloigne. Si ça arrivait, nos esprits imploseraient.

N'y pense plusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant