Un cercle vicieux...

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Je me dirige dans la salle de bain, seule, même si ce n'est qu'un tout petit peu, j'ai de la liberté. L'impression de revenir avant ce cauchemar, avant qu'il me fasse tout ça, me fait du bien, encore une fois, ce n'est qu'une illusion, je m'y accroche, elle me permet de tenir, sinon je m'effondrerais pour de bon... Je me demandais qui j'étais devenue, la réponse est si simple, être Eileen est une erreur qui me couterait cher, je dois être sa chose sinon j'imploserai...

Dans tous les cas, j'implose...

Je me déshabille, l'impact de Julian sur mon corps est flagrant, des bleus partout, sans doute dû aux premières semaines d'ardeur que j'ai eu lorsqu'il me violait. J'ai fini par abandonner, le viol c'est horrible, mais ce qui l'est encore plus c'est de subir des violences physiques en complément, je savais que je ne tiendrais pas longtemps...

J'ai beaucoup maigri, mon visage est marqué de cernes, mon sommeil agité par des cauchemars n'arrange rien. Je me détruis petit à petit, mon mental se désagrège au fil du temps, il n'est même pas encore véritablement construit qu'il s'effondre déjà...

J'entends du bruit sur la porte, Julian est derrière. Je m'habille précipitamment, je ne veux pas lui donner une raison de me toucher, ça n'arrivera pas. Il pourra faire ce qu'il veut de moi, même si ça doit durer des années, le temps que je devienne plus forte, plus mûre, mais il n'y aura aucun désir de ma part, jamais, plutôt mourir.

J'ouvre la porte, il est bien là, imposant, terrifiant.

— Je t'ai dit pas longtemps, tu as fini ?

— Oui, c'est bon...

Je baisse les yeux, l'affronter serait une plus grande erreur que répondre à M. Thomas, il est plus fort, plus redoutable, plus malsain et pervers... Je passe à côté de lui, sa main m'attrape l'épaule qui sous la pression me fait terriblement mal.

— Vous me faites mal...

Il me lâche, je m'écarte rapidement de lui, il s'approche tout aussi brusquement, je me recroqueville, la peur prend le dessus, je ferme les yeux.

— Viens.

Sa voix est froide, je n'ai pas le choix, si je ne l'écoute pas, j'en paierai le prix fort, qu'est-ce qu'il a en tête ? On se retrouve dans le salon, il s'assoit sur le canapé, baisse son pantalon ainsi que son caleçon et allume la télé.

— Tu sais ce qu'il te reste à faire.

Je ne comprends pas, comment je peux l'exciter, pourquoi il est si dépendant de ça, normalement, on voudrait le faire avec quelqu'un qu'on aime, une personne ayant son âge, pas moi...

Je finis par m'exécuter, malgré toutes mes plaintes, je sais comment faire, à force d'obéir à ce qu'il me demande, on pourrait même dire que je me suis habituée et que je sais bien m'y prendre, c'est insultant... Je ne connais même pas vraiment le sens de l'honneur, pourtant je le suis, une personne déshonorée. Je lui fais ses gâteries pour ne pas mourir, pour ne pas perdre les privilèges que j'ai gagnés en étant le parfait objet à ses yeux...

Une fois le supplice fini, il me permet une chose qu'il ne m'a jamais permise avant, me nettoyer complètement sans qu'il le fasse lui-même. Est-ce pour dire qu'il a confiance en moi ou veut-il assoir entièrement son autorité en me montrant que quoi que je fasse, je lui obéirai ?

Il ne faut pas que j'y pense, ce ne sont que des questions sans réponses, il faut que j'en profite, ce n'est qu'à mon avantage. Je retourne dans la salle de bain, me brosse les dents du mieux que je peux pour oublier la sensation du goût de son liquide dans ma bouche. Depuis le temps je ne devrais plus me soucier de ça, c'est devenu mon quotidien mais une partie de moi ne l'accepte pas, je souffre continuellement à cause d'elle...

Je vais alors dans ma chambre, elle est restée exactement la même qu'avant, la seule chose qui a changé c'est moi. Mon innocence est partie depuis longtemps avec ce que j'ai vu à l'orphelinat, pourtant j'avais toujours une part de luminosité, d'espoir, de jeunesse...

Cette façade s'est brisée tellement vite, tout a basculé sans que je ne puisse rien faire, qu'est-ce que j'ai fait pour en arriver là...

Mon lit... Je sens mon coussin, une impression différente, de la pureté, de la propreté, deux mots qui me semblent si lointains dorénavant, cette chambre à l'apparence si joviale ne me correspond pas, ni à moi, ni à lui, ni à notre monde...

Il y a beaucoup de choses que je n'explique pas dans son comportement, le fait qu'il ne me tue pas, qu'il dise qu'il m'aime, qu'il m'apprenne toutes ces choses, il a même fait venir un professeur pour compléter ses propres leçons... Si je ne suis que sa poupée, pourquoi ? Pourquoi prend-il le temps d'appeler un professeur, pourquoi me dit-il qu'il m'aime ? C'est tellement à l'opposé de ce qu'il me fait subir en parallèle, je finis par me perdre, qui est le vrai Julian ? Je devrais pourtant le savoir, celui qui rentre en moi continuellement sans que je le veuille devrait être le vrai, le doute s'immisce en moi, c'est mauvais...

Après avoir inspecté toute ma chambre pour voir s'il n'y a pas de trucs bizarres, j'ai trouvé qu'une chose, une caméra tout en haut de mon placard, elle est assez voyante. De toute manière si je l'enlève, il me tue, je n'ai pas fait tout ça pour tout gâcher à cause d'une fichue caméra.

Je ne sais pas quoi faire, je m'ennuie, avant ça ne m'embêtait pas, je pleurais, je m'imaginais un autre monde, ça ne marche plus maintenant. Plus de rêve, plus de monde imaginaire, juste Julian.

— Je vais peut-être aller me coucher...

Je me lève, le réveil indique qu'on est en soirée, j'avais besoin de repos, quelque chose titille ma curiosité.

— Il n'y avait pas cette télé avant que je m'endorme... Il a dû la mettre sans me réveiller...

Pourquoi il fait ça ?

Je n'ai absolument pas envie de sortir, pourtant, il est l'heure de manger, je dois anticiper. Julian va avoir faim, si la table est préparée, la cuisine est faite, il sera content, sa bonne humeur rendra mon quotidien bien plus doux. C'est comme si je me rendais service à moi-même...

Je mets mes chaussons, je sors de ma chambre, me dirige vers la salle à manger. Julian dort dans le salon, qu'est-ce que je peux lui faire comme plat ? Je sais qu'il aime bien les spaghettis à la bolognaise, je devrais opter pour ça. Je vais alors dans la cuisine, j'allume les plaques de cuissons, je sors ce qu'il faut pour cuisiner, puis je mets de l'eau dans la casserole avant de la mettre à chauffer. Dans un autre temps je m'occupe de la viande et de la sauce bolognaise.

En attendant que ça cuise, je vais voir si Julian est réveillé, il dort encore, la télé est allumée...

Il paraît si vulnérable, si faible, j'ai l'impression qu'il est à ma portée. Je retourne dans la cuisine, c'est avec un couteau en main que je m'approche de sa silhouette endormie sur le canapé, je tremble de partout, la peur me ralentit, la haine me permet d'avancer.

Pense à ce qu'il t'a fait...

Il t'a souillée...

Il t'a violée...

Mais tu es à moi Eileen...

Tu es ma chose... Que peux-tu faire sans moi...

Perdue... Tu seras perdue...

Non... Je peux pas... J'y arrive pas... Malgré ma colère, je n'arrive pas à avancer, c'est incompréhensible, il est là, devant moi, complètement endormi. J'ai l'occasion de le tuer, la nuit c'est pareil, je pourrais le tuer, alors putain, pourquoi je ne peux pas ?

Je suis si faible que ça ? Je ne veux pas atteindre le point de non-retour ? Ça fait si longtemps que ma vie est détruite, je ne devrais pas m'en faire...

Je suis encore attachée à lui... C'est la seule explication, je suis tout simplement trop bête...

Soudainement sa silhouette bouge, je fais volte-face et retourne dans la cuisine. L'eau bouillit, je mets les pâtes, il ne s'est rien passé, je suis juste venue pour faire plaisir à Julian et être ce pour quoi il m'a recueillie, sa poupée à lui et à lui seul.

Mon esprit me hurle dessus, je n'ai jamais été si énervée que maintenant. Je veux en finir, j'en suis sûre mais je ne sais pas comment me défaire de cet homme. C'est un fichu cercle vicieux, sans aucune sortie, c'était pareil à l'orphelinat, sauf que ce n'était pas aussi parfait que celui-ci.

N'y pense plusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant