Un trait sur le passé

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Toi, la Vie, je te déteste tellement.

Tu m'as crachée dessus, tu m'as détruite et mise à l'épreuve alors même que je ne t'ai jamais contredite. Ton visage doit être rempli d'exaltation en me voyant. Moi, la mine sombre, alors que je viens tout juste d'apprendre que mes parents dorment six pieds sous terre depuis si longtemps. Pendant que moi, l'idiote, je m'imaginais mille et une vies avec...

— Je suis désolé que tu aies à apprendre ça dans un contexte déjà aussi tendu Eileen.

— Je suis habituée, c'est comme ça... Vous saviez ce qu'ils faisaient ?

— Tu veux vraiment savoir ? demande Hoffmann, le regard fuyant.

— Oui.

Il hésite quelques instants, avant de se lancer.

— Ton père était un trafiquant de drogue, il s'est fait torturer et tuer par balle, sans doute un règlement de comptes. Ta mère devait se prostituer, elle n'avait presque pas de revenus, elle est morte d'une overdose de drogue.

C'est peut-être pour ça que tu me détestes, mademoiselle la Vie. Mon père a dû faire des tas de choses horribles, je ne fais que recevoir son châtiment à sa place. Pourtant c'est si injuste, n'ai-je pas déjà bien payé ? Pourquoi je continue de me faire fouetter alors que la sentence devrait être finie depuis si longtemps ?

L'interrogatoire se finit après une heure de questions sur ma relation avec la famille Lemoine et ce que je veux faire par la suite. Ils nous contacteront plus tard et sont optimistes sur le fait qu'ils vont arrêter ceux qui m'ont torturée dans le passé. Mon témoignage sur ce qui se passe là-bas va peut-être enfin faire bouger les choses...

J'en aurais mis du temps, pour les aider.

Je rejoins les Lemoine, ils m'attendaient dans la salle d'attente de la Gendarmerie. Vu leur tête, ça a l'air de s'être bien passé, c'est un soulagement. Mon corps s'est déjà détendu, le stress retombe. Je ne sais pas comment font les gens pour supporter ça.

Pourtant, j'ai vécu l'Enfer.

On sort en silence de la Gendarmerie, dès qu'on arrive dans le véhicule, un assaut de questions bombarde mes pauvres oreilles.

— Alors il t'a dit quoi ? demande Sarah, curieuse.

— T'en sais plus sur tes parents ? dit Aiden, sans gêne.

— Mais laissez la tranquille ! C'est pas en la brusquant qu'elle va vous répondre ! intervient Jeanne, dans sa grande sagesse.

— J'ai fait comme on a dit. J'ai pas parlé de Julian, il a rien remarqué et... Je sais mon nom...

— Ton nom de famille ? interroge Naël, plutôt inquiet.

— Oui, Eileen David... Mes parents... Ils sont morts depuis longtemps... L'officier Hoffmann m'a donné tous les papiers les concernant.

— On est désolé pour toi... ajoute Sarah, attristée.

— C'est rien.

On ne s'habitue pas aux mauvaises nouvelles, aux pertes. Pourtant j'ai l'impression d'avoir moins mal. Certes ça me met un sacré coup au moral mais... Moins que je ne l'aurais cru. Peut-être que par rapport à tout ce que j'ai vécu, c'est anodin, je ne les ai jamais connus de toute façon.

Il faut que je garde mes objectifs en tête. Combattre ma phobie et acquérir ma liberté grâce à l'adoption. Au moins je serai une Française à part entière, on ne pourra plus me contrôler en me faisant peur. Je sais dorénavant que le monde extérieur n'a pas que des points négatifs.

N'y pense plusWhere stories live. Discover now