L'espace d'un instant, il songea à partir très loin, à s'enfuir sans se retourner, à quitter cet endroit trop étroit. Il se résolut à ne pas obéir à ses pulsions et refoula la boule qui ne délogeait pas de sa gorge. Plusieurs grandes inspirations plus tard, Victor retourna sur son portable dans l'espoir de distraire son esprit. Il regarda l'heure d'un air agacé.

La règle qu'ils avaient établie était simple : ils s'attendaient. Yann avait trouvé cette règle plutôt juste, en précisant que Victor l'avait bien attendu durant deux ans. Alors, même si c'était pénible d'attendre sous les regards en coin des quelques élèves qui restaient dans la cour, Victor demeura assis.

Pour combler l'ennui qui pointait le bout de son nez, il mit toute son énergie dans la recherche d'idées de cadeaux pour l'anniversaire de son petit ami. Les pages se succédaient, les déceptions avec mais au moins, Victor eut le sentiment de ne pas subir le temps qui défilait lentement.

Après plusieurs minutes d'attente, la cour s'était lentement vidée, laissant seul l'adolescent. Cette sensation de vide le parcourut méchamment quand il leva la tête pour masser sa nuque endolorie. D'habitude, elle ne le dérangeait pas, mais aujourd'hui, elle le piquait un peu trop fort. A part Yann, Pauline et quelques-uns de ses camarades de classe, Victor comptait sur les doigts d'une main ses amis.

Il n'aimait pas ça, mais grâce à la popularité de son petit ami, il avait pu rencontrer certaines personnes qui ne lui adressaient même pas un regard avant. Même s'il trouvait cette attitude dérangeante, l'opportunité de faire de nouvelles rencontres ne lui déplaisait pas.

Petit à petit, il se laissa vagabonder au gré des souvenirs, des anecdotes qui lui revenaient, au début du lycée, au collège, et même un peu plus loin. Victor n'avait pas beaucoup de souvenirs avant le collège : non pas que son école lui avait laissé un goût amer, mais les moments les plus mémorables de son existence s'étaient déroulés plus tard.

L'arrivée de Yann le sortit de sa rêverie. Le blond marchait rapidement, pressé de retrouver son petit ami. Un sourire soulagé peint sur le visage, il s'approcha de Victor, qui enleva ses écouteurs en l'apercevant. Il en profita pour ranger son téléphone dans sa poche. Il ne voulait pas que Yann découvre ce qu'il préparait.

— Hey ! lui lança-t-il, tout souriant.

— Tu en as mis, du temps ! râla Victor. Qu'est-ce que tu foutais ?

— L'exam a été plus dur que prévu. Le prof m'a un peu retenu, on a discuté.

— A propos de quoi ?

— De... Tu sais très bien.

Oui, Victor s'en doutait, mais en discuter s'avérait toujours aussi difficile. Il se contenta d'acquiescer silencieusement.

— Pauline n'est pas avec toi ?

— Non. Elle était occupée, ce soir.

— Avec Angel, j'imagine, devina Yann.

— Oui.

— Mon pauvre loulou, ça a dû être plus long. Préviens-moi, la prochaine fois ! Je me serais dépêché.

— Surtout pas, répondit trop rapidement Victor. Il faut que tu travailles bien. Montre au monde qui est le boss.

— Je crois que le monde le sait déjà.

Gonflant le torse, Yann offrit son plus beau sourire arrogant au brun. Ce dernier éclata de rire, entraînant son amoureux dans son hilarité.

— On y va ? proposa Victor.

— Et comment !

Ils sortirent donc du lycée. Le chemin du retour se passa relativement bien ; les deux garçons échangèrent quelques banalités, notamment autour de ce fichu contrôle qui les avait poussés dans leurs derniers retranchements.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant