Trente-et-un

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Je sors de la voiture après avoir tendu mon unique billet au conducteur avec un air de dégoût ; s'il pense que je n'ai pas remarqué ses regards lourd et pervers tout le long du trajet, il fait erreur. J'ai beau être dans un état pitoyable après cette soirée, j'ai encore conscience de ce qui m'entoure. Certes je sais que ma robe peut être aguicheuse pour certaine personne, d'autant plus qu'elle est à présent déchirée mais cela ne donne aucun droit à ce type de me reluquer comme il l'a fait durant vingt minutes. Il ne connait pas le respect vraisemblablement.

Je manque de me tordre la cheville en avançant vers l'immeuble, je meurs d'envie de retirer ses satinées talons, me plonger sous ma couette et ne plus en sortir.

Je me passe en boucle la soirée en essayant de recoller tous les morceaux, je tente de compléter le puzzle qui me brouille l'esprit sans y parvenir. Tout me paraît confus et je n'arrive plus à assimiler correctement les brides de souvenirs qui me reviennent par moment. Qu'est-ce qu'il s'est passé cette nuit bon sang ?

Je tente de calmer mes mains qui ne cessent de trembler pour taper le code d'entrée et enfin pouvoir rentrer chez moi.

Je me précipite sur l'ascenseur, je suis vraiment heureuse qu'ils aient enfin pris la peine de réparer cet engin. Même si je m'y sens confinée, je préfère ça aux marches à monter.

Je redoute le moment où je vais franchir cette porte d'entrée, je sais pertinemment que Deke va me tomber dessus moins d'une seconde après et m'assassiner pour ne pas avoir donner signe de vie de toute la nuit. J'ai bien vu tous ses appels manqués avant que mon téléphone s'éteigne et tous ses messages que je n'ai même pas eu le temps de lire. Nous allons, sans aucun doute, encore nous disputer.

Je n'ai aucune envie de me prendre la tête avec lui, d'autant plus que la mienne est sur le point d'exploser. J'ai une migraine insoutenable qui me tambourine le crâne et mes efforts pour me souvenir de la nuit derrière ne m'aide en rien à soulager cette douleur.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent, il ne me reste que quelques pas qui me séparent de mon lit et de mon frère sur les nerfs.

— Non, non, non, bordel !

Je soupire désespérément en réalisant que mes clés ne se trouvent pas dans ma pochette. J'étais tellement persuadée de les avoir que je n'ai pas pris la peine de vérifier, et pourtant je l'ai ouverte à plusieurs reprises pour prendre mon argent cette nuit et ce matin pour payer le taxi.

J'étais tellement perdue dans mes pensées que je n'ai pas réalisé que je ne les avaient pas.

Et frapper ou sonner pour qu'on vienne m'ouvrir est la pire idée possible, il est hors de question que Deke me tombe dessus avant même que j'entre dans l'appartement. Je crois que je préfère encore rester enfermée à l'extérieur.

Je soupire plusieurs fois d'affiler en vérifiant si mes clés n'apparaissent pas par magie à l'intérieur de ma pochette pailletée.

Mai non, aucun miracle ne va se produire, mes clés sont définitivement derrière cette porte, à seulement quelques mètres de moi mais pourtant inaccessible.

Je grogne de mécontentement, de désespoir et de rage : pourquoi suis-je si stupide ? Pourquoi n'ai-je pas pris la peine de les glisser dans ma pochette hier soir avant de partir de l'appartement.

J'étais tellement pressée de quitter ce lieu, de partir loin de Jesse et Monica, que je n'ai même pas pensé à ce détail.

— Quelle idiote ! soufflé-je blasée par mon propre comportement.

Je me laisse tomber le long du mur près de la porte dans l'espoir qu'une âme charitable — et non énervée après moi, me sorte de ce mauvais pas.

Heads or Tails ?Where stories live. Discover now