Vingt-neuf

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Assise sur l'une des chaises de l'aéroport, je ne cesse de changer de position toutes les deux secondes : comment est-il possible de concevoir des engins de torture pareils ? Le métal froid contraste avec l'atmosphère étouffante des lieux. Nous attentons ici depuis bientôt deux interminables heures dans l'espoir de voir notre avion arriver.

À présent tous à cran, je meurs envie de sortir d'ici : mes parents ne cessent d'aller s'informer au guichet pour tenter un minimum de se calmer ; Deke râle et jure après tout ce qui passe sous ses yeux, ce que je comprends totalement : il meurt d'envie de retrouver celle qu'il aime et qu'il n'a pas vu depuis plusieurs semaines. Sans parler du côté des Powell : Wyatt tire une tronche de six pieds de long ce qui irrite son frère de plus en plus ; Teresa tente par tous les moments de raisonner son deuxième fils déçu de ne pas nous accompagner en lui assurant qu'il pourra faire parti du voyage la prochaine fois. Mais il semblerait que cela ne plaise pas à Wyatt qui ne cesse de se plaindre, jouant avec mes nerfs et ceux des autres, même si personne ne compte l'admettre à voix haute, personne sauf Jesse.

La fatigue et l'énervement commencent à se faire ressentir dans mes paroles et mes gestes, alors je préfère m'éloigner, prétextant vouloir prendre un chocolat chaud au distributeur un peu plus loin.

Je m'extirpe de cette bulle familiale qui commence à m'étouffer et rejoins les distributeurs automatiques.

J'y retrouve Jesse, le front appuyé contre la machine, les nerfs à vifs.

J'hésite à faire demi-tour : nous ne nous sommes pas retrouvés seuls depuis le lendemain de Noël, et mes aveux sont restés sans plus d'explications.

Par ailleurs Deke et Amy se sont réconcilier, même s'ils se jettent plusieurs pics par jours sur un faux ton de plaisanterie. J'espère qu'une fois à l'autre bout du pays, toutes les tensions vont s'évaporer.

Il marmonne des paroles incompréhensibles dans sa barbe, les yeux fermés, et il semble à deux doigts de se claquer le crâne contre le distributeur. Je me mords fortement la lèvre inférieure, et fais un pas de plus dans sa direction.

— Est-ce que ça va ?

Il sursaute en se tournant vers moi, il esquisse un sourire maladroit et souffle difficilement.

— Suzie m'en veut de repartir, tout comme Wyatt... qui d'ailleurs me déteste encore plus maintenant, surtout depuis qu'il sait qu'Amy vient avec nous et pas lui ! Il me reproche de ne pas avoir pensé à un cadeau aussi génial, qu'il aurait mille fois préféré à ce stupide pull que je lui ai trouvé.

Trop d'émotions semblent traverser son esprit et ses yeux : la colère, la peine et la déception ? Il a vraiment l'impression d'avoir raté son rôle de grand frère.

Je fais un autre pas dans sa direction, en me retenant de le prendre dans mes bras. Mais comme toujours je dois me contenir, car nous ne sommes que de simple amis. Que toute ma famille se trouve à quelques pas. Et qu'il a une « petite-amie » non officielle mais tout de même beaucoup trop présente à mon goût.

— Du coup ma mère regarde depuis tout à l'heure les tarifs pour un billet de dernière minute, et je sais pertinemment que mes parents commencent à avoir des problèmes d'argent. Enfin, non, rit-il sarcastiquement, mon père n'a pas envie de faire des achats inutiles pouvant faire plaisir à ses enfants, surtout si c'est pour envoyer son deuxième fils à l'autre bout du pays avec le premier.

— Dans tous les cas Wyatt n'a pas d'affaires, il ne peut pas embarquer avec nous, tenté-je.

— Ça ne devrait pas trop le déranger, glousse-t-il, au pire il empruntera mes affaires.

Heads or Tails ?Where stories live. Discover now