Une rencontre - Partie 6 (fin)

9 2 4
                                    

- Oh, alors je peux vous dire que je suis galeriste, vous n'allez pas essayer de me vendre vos œuvres ?
- Il y a un dessin de moi sur le frigo de tonton, je suis sûre qu'il ferait un tabac une fois bien encadré!" répondit la conductrice en riant
- "Le petit chien des voisins", crayons de cire sur papier machine, 2001.

Elles éclatèrent de rire toutes les deux.

- Et elle est où votre galerie ?
- Ce n'est pas ma galerie, j'y travaille c'est tout. A Paris, dans le sixième arrondissement. On fait surtout dans le naïf européen.
- Ça ressemble plus à une association d'escrocs qu'à de l'art, dit comme ça !
- Naïf c'est pour les tableaux, pas pour les clients enfin !" Leila était en larmes. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas ri comme ça.
- C'est le travail qui vous amène ici ?
- Non." La passagère se renfrogna. "Je suis sensée passer un weekend sympa avec mon compagnon, mais il semble en avoir décidé autrement. Je ne l'ai pas vu depuis hier soir, quand il est reparti sans moi après une pause pipi.

Aurore faillit quitter la route.

- Il vous a laissé TOUTE SEULE dans des BOIS en pleine Bretagne rustique et sans même prévenir ?
- Voilà.
- Mais... Mais... Mais... MAIS QUI FAIT ÇA ?
- Il y a deux jours, j'aurais dit "Pas lui !", mais là je remets beaucoup de choses en question dans mon couple.
- Il y a de quoi. Vous auriez pu tomber sur des korrigans !
- Des korrigans, et pourquoi pas un alligator tant que vous y êtes !" pouffa Leila. Mais Aurore semblait sérieuse.

- Il y a des histoires qui courent dans le coin, des histoires qui collent beaucoup trop bien à des évènements inexpliqués... Mais bon, vous êtes en train de partir, pas la peine de vous faire peur.
- C'est très gentil de votre part." répondit la passagère avec un sourire. "J'ai déjà réussi à me faire une belle frayeur ce matin, pas la peine d'en rajouter. J'ai réussi à me perdre dans le village, je tournais en rond, vous imaginez ? Et comme il n'y avait personne j'étais à deux doigts de me convaincre que j'étais coincée dans une ville fantôme !" elle éclata de rire, mais Aurore ne se joignit pas à elle. Elle gardait son regard braqué sur la route, une expression inquiète sur le visage. Le malaise leur fit garder le silence jusqu'à la fin du trajet.

- Voilà, nous y sommes." dit Aurore après s'être stationnée
- Merci Aurore. Et... Je voudrais m'excuser. J'ai dit quelque chose de déplacé dans la voiture, je ne voulais pas...
- Oh non, ne vous excusez pas ! Je me rappelé toute seule des choses désagréables, vous ne pouviez pas savoir !

Elles rirent nerveusement, puis plus franchement. La tension était retombée. Aurore se mit à fouiller dans sa boîte à gants, dont elle sorti un bout de papier et un stylo, et se mit à griffonner quelque chose.

- Surtout ne vous sentez pas obligée mais... " elle tendit le papier à Leila "Je suis un peu inquiète pour vous, avec vot' copain et tout. Vous pourriez m'envoyer un message quand vous serez en sécurité ? Ou si vous avez besoin d'aide ? Je connais du monde à Paris, je pourrais vous mettre en contact avec si les choses tournent mal.

Leila approcha sa main, mais interrompit son geste à mi-chemin.

- A une condition" dit-elle
- Laquelle ?
- Qu'on passe au tutoiement." Aurore la regarda ébahie "Au point où on en est, ça serait plus logique, non ?
- Toi alors !" la conductrice avait un sourire jusqu'au oreilles "T'es vraiment pas une touriste comme les autres !"

Elles échangèrent encore quelques banalités en sortant de la voiture et marchant jusqu'à la station de taxis. Aurore parti au croisement précédent pour rejoindre son rendez-vous et se retourna plusieurs fois pour faire des coucous joyeux à sa nouvelle amie. Leila, le pas et le cœur plus léger, reprit son chemin. Bientôt elle retrouverait son appartement, elle saurait à quoi s'en tenir de sa vie, de son couple. Et elle pourrait continuer.

Nouvelles en vracWhere stories live. Discover now