Fin de garde - partie 1

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Il était tôt ce matin-là et Jodanne partait à la chasse. Elle affuta ses griffes contre son tronc préféré, avala un peu de poisson, embrassa ses oursons et sa compagne encore endormis, puis s'en fut. Elle détestait quitter sa chaude caverne aussi tôt. Mais l'hiver approchait et il lui fallait débarrasser sa zone des nuisibles qui pourraient troubler leur repos.


Avançant sous les frondaisons, elle marcha en direction de son poste de guet habituel. La veille au soir son équipe y avait repéré un vaisseau ennemi. Il fallait l'abattre avant la fin du jour. On aurait pu croire qu'à force de tomber sous leurs coups à chaque tentative leurs adversaires se seraient lassés. Mais non. Ils revenaient régulièrement, comme des puces.


Midel la vit et la salua, son long corps tremblotant. Le serpent supportait mal la fraicheur de l'automne mais, comme ses équipiers, il ne pourrait hiberner avant la fin de leur mission. C'était la règle. L'équipe qui découvre une menace devait la neutraliser. Ça c'était toujours passé ainsi.


Drion, Hugi et Tiir arrivèrent peu de temps après et le groupe échangea sur la méthode à utiliser durant quelques instants avant d'arriver à une solution satisfaisante : couler le navire et dévorer les marins qui survivraient au naufrage. Leur viande avait un goût détestable mais c'était mieux que de laisser ces intrus en vie sur leur territoire. Ou pourrir sur le rivage.


L'équipe débattait sur la meilleure méthode pour couler l'intrus quand celui-ci accoucha d'un autre bateau, plus petit, sur lequel se trouvait plusieurs humains. Le petit bateau se dirigeait vers le rivage à l'aide de longs appendices en bois.


Jodanne grogna. Si ces bipèdes pénétraient les bois et se dispersaient ils en auraient pour des jours, peut être des semaines, pour tous les abattre. Il leur serait impossible de profiter de l'hibernation. Si la neige arrivait vite (et le temps en donnait l'impression) certains dans le groupe risquaient de ne pas y survivre. Midel et Tiir, en particulier, pouvaient geler rapidement.


Mais s'aventurer sur la plage présentait également des risques. Des lunes plus tôt, une équipe s'y était risquée. La moitié n'en était pas revenue, bombardée par le bateau. Hugi en avait fait partie et gardait une patte faible de cet incident. Il croassa son opposition à toute sortie à découvert.


Après quelques minutes de débat houleux ils convinrent de se rendre à l'orée des bois, hors de vue du navire. De cette manière ils devraient pouvoir intercepter les ennemis avant qu'ils n'aient eu le temps de se disperser.


Alors que le groupe se dirigeait vers la partie la plus dense de l'orée des bois, Hugi et Tiir, de la cime des arbres, signalèrent un changement de direction du petit bateau. Ce dernier n'allait plus vers la plage, comme initialement prévu et se dirigeait à présent vers un petit piton rocheux facile à escalader, donnant directement sur la forêt.


C'était inespéré. Il n'y avait qu'un étroit chemin allant de ce piton à la forêt que ces bipèdes maladroits pouvaient emprunter. L'équipe vira de bord pour s'y rendre, soulagée. Ce ne serait l'affaire que de quelques heures finalement, et l'hibernation pourrait commencer sans risque.

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