Le château - Partie 2

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En sortant de la voiture, Leila eu la confirmation qu'elles étaient les seules visiteuses du jour, peut-être même les seules personnes présentes. Il n'y avait pas un seul autre véhicule dans le parking.

"Y'a pas foule
— C'est pas la saison
— Il y a une saison pour les châteaux ?
— Oh oui ! De Pacques à la Toussaint en gros. Les touristes pendant les vacances, les scolaires le reste du temps. Bon, ça c'est pour les petits châteaux paumés comme nous. A Versailles ou Chambord c'est pas le même calendrier.
— Et ça vaut le coût de le laisser ouvert hors saison ? Pour le proprio, je veux dire.
— Sans doute pas, mais je t'ai déjà dit que ce type était un pingre de première catégorie. Il laisse ouvert hors saison parce qu'il a une poignée de CDI qu'il ne souhaite pas, je cite "payer à rien foutre" pendant la fermeture.
— Mais... Ces personnes ne pourraient pas assurer l'entretien du bâtiment pendant ce temps ?
— 'Sont pas qualifiés. Je te l'ai dit, il ne prend que les moins chers. Du coup il doit sous-traiter l'entretien et il s'arrange pour en faire le moins possible. Le minimum requit pour continuer à toucher des subventions, en gros. Il en ferait sans doute moins s'il pensait pouvoir s'en tirer, mais un inspecteur de la commission nationale pour la sauvegarde du patrimoine l'a pris en grippe, il passe tous les printemps sans faute et ne laisse rien passer.
— Oh, ça tombe bien du coup. Presque trop bien, en fait." Leila leva exagérément un sourcil "Tu n'aurais pas quelque chose à voir avec ça ?
— MOI ? Mais enfin, jamais de la vie !"

Aurore écarquillait les yeux si largement qu'on pouvait craindre pour l'équilibre de ses globes oculaires. Elle posa sa main sur son cœur et reprit, du ton outragé le moins crédible du pays :

"Comment aurais-je même pu arriver à cet exploit ? Ce n'est pas comme si je bénéficiais d'un statut privilégié à l'université de Quimper en tant qu'assistante à temps partiel d'un de mes professeurs ! Professeur qui, par un hasard extraordinaire, se trouve être le meilleur ami de l'inspecteur en question !"

Leila pleurait de rire.

"Et ça serait un manque de loyauté professionnelle inqualifiable de ma part si j'avais récupéré la carte de cet inspecteur et que je lui faisais des rapports réguliers sur l'entretien du château ! J'ai l'air de manquer de loyauté professionnelle, peut-être ?
— Non, pas du tout !" hoqueta Leila, qui manquait de souffle.

Aurore laissa un peu de temps à son amie pour se remettre, puis la conduisit vers la caisse. Une petite enseigne très sobre indiquait "Château de Kermaouez". Même pour la publicité le propriétaire rechignait à la dépense.
"Salut Sandrine, deux entrées s'il te plait !
— Le patron n'est pas là, vas-y.
— Tu ne vas pas avoir de problèmes ?" demanda l'historienne en jetant un coup d'œil discret vers la caméra de surveillance posée dans le dos de la caissière.
"Encore en panne" répondit Sandrine avec un grand sourire.
"Regarde" ajouta-t-elle, lançant un doigt d'honneur à l'engin "Les serveurs sont en rades et le technicien ne passera que lundi."
Le sourire d'Aurore s'agrandit. Sandrine y répondit en riant.
"Oui, tu peux faire ta visite "spéciale" sans te planquer. Je n'irais pas cafter.
— Merci ma grande, je te revaudrais ça !
— Tu peux me le revaloir tout de suite si tu as un câble de charge sous la main. J'ai passé la matinée sur mon téléphone, la batterie est à plat.
— Usb-c, c'est ça ? J'en ai un dans la voiture, je te l'apporte immédiatement ! Leila, je te laisse avancer sans moi ? J'en ai pour une minute."

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