Une rencontre - Partie 1

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La place était déserte sous le lourd ciel d'hiver. Les nuages sombres avaient envahi les cieux, donnant au décor un air d'apocalypse. C'était un matin comme un autre, pourtant.

Le vent se leva, piquant le nez de la jeune femme. Elle avait commencé à somnoler en marchant et était entrée dans le village sans s'en rendre compte. La tête encore embuée, elle observa les environ. Il lui fallait avancer, trouver de l'aide avant la tempête, un abri au moins. Malheureusement, tous les commerces étaient fermés. Elle jura abondamment pour se réchauffer, un chapelet de grossièretés s'abattant sur le pavé froid. Elle trottina jusqu'à l'église mais n'y eu pas plus de chance. Elle trouva assez désolant de ne pouvoir compter sur le catholicisme en pleine Bretagne profonde, pas même un dimanche.

Traînant des pieds jusqu'à la première ruelle venue, elle maudit une fois de plus son conjoint. Ou ex-conjoint. Il allait falloir une excellente excuse à ce dernier pour avoir disparu avec leur voiture alors qu'elle satisfaisait une envie pressante, la laissant au milieu de nulle part.

La consultation de son téléphone n'améliora pas son humeur. Toujours pas de réseau. Elle jura encore.

Au bout de quelques minutes elle déboucha sur une place. Déserte. Au milieu de laquelle trônait une statue équestre mal fichue et beaucoup trop familière. C'était la place qu'elle venait de quitter.

La jeune femme poussa un soupir las. Évidemment, elle avait pris une ruelle formant une boucle. C'était la conclusion logique à une matinée désastreuse. Et elle n'avait même pas penser à noter laquelle en s'y engouffrant, obnubilée par son visage glacé et son couple finissant. Prenant quelques instants pour se décider sur quel chemin emprunter, elle observa le monument lui faisant face. 

Aucune plaque n'y était vissée, et elle s'en réjouit. L'artiste coupable de ce ridicule gâchis de marbre ne méritait pas mieux que de tomber dans l'oubli, et la postérité du malheureux représenté se passerait avantageusement de cet hommage. Le glorieux combattant monté avait des yeux globuleux, des oreilles disproportionnées, une chevelure semblable à un tas de ficelles et une moustache qu'elle devinait sensément glorieuse mais à laquelle un burin maladroit avait donné un apparence humide, comme si une goutte au nez perpétuelle l'imbibait.

Le cheval n'était pas mieux lotis. L'auteur anonyme, de toute évidence pas familiarisé avec les équidés, l'avait affublé de jambes improbables, plus anatomiquement imputables à un chien qu'à un cheval. Mais avec des sabots. De très gros sabots. Dépareillés, qui plus est.

La tête de l'animal présentait une expression horrifiée, qui aurait été logique sur une monture cambrée sur un champ de bataille. Mais ce n'était pas la position que le boucher à burin coupable de cette représentation avait choisi. Les quatre fers de la monture étaient tranquillement posés au sol dans une position évoquant plus la tranquillité pastorale que les horreurs de la guerre. Une tendre marguerite avait même été sculptée contre son antérieur gauche.

Elle posa son regard sur cette dernière et ri, brisant le silence lourd. Quelque passant inconnu avait dessiné sur la fleur un visage souriant.

Un bruit d'enfer jaillit dans son dos, la faisant sursauter.

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