Larsen

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« Salut tout le monde, qu'est-ce qui se passe ? »

Antoine était en pleine discussion avec un homme agité que je n'avais encore jamais vu. Sal, chanteuse et lead de Futilités, un groupe habitué du studio, semblait essayer de calmer l'inconnu.

« Hey Lili, contente de te voir. » Mariam, la bassiste du groupe « Antoine m'a dit que tu étais en vacances, je suis désolée qu'on t'ai dérangé mais on est bloqué'es là.

- Vous avez un problème d'acoustique, c'est ça ?

- Voilà. On n'a rien fait de spécial, pourtant. La seule différence avec les autres sessions c'est le matos de Max, et Antoine l'a inspecté sans rien trouver.

- C'est l'agité qui parle avec Sal et lui ?

- C'est lui.

- Judith n'est pas là ?

- Elle fume sa clope à l'arrière. Max la gonfle.

- Il a l'air du genre gonflant. Qu'est-ce qu'il fait ?

- Un solo de violon sur un morceau. Je ne comprends pas pourquoi il s'énerve à ce point alors qu'on le paie à l'heure.

- Tu me fais écouter vos prises ?

- Tout de suite. »

Une fois à la console, le problème me sauta aux oreilles. Il y avait une réverbération atroce, incompréhensible. Je tenais ce studio depuis des mois et jamais je n'avais entendu une chose pareille. Je posais le casque et entrait dans la pièce. Rien que le bruit de mes pas était anormal. Un coup d'œil rapide ne suffisant pas à trouver le problème, je commençais à inspecter l'équipement en profondeur. Après avoir cherché en vain, un détail me frappa.

« Antoine, où est Larsen ?

- À sa place habituelle, non ?

- Je ne la vois pas.

- Derrière le canapé alors ?

- Non plus ! »

Il jura. J'allais poser la même question aux membres de Futilités. Sal commençait à répondre quand Max l'interrompit.

« Ce sac à puces ? Je l'ai fichu à la porte, un chat n'a rien à foutre dans un studio d'enregistrement. Les poils c'est mortel pour le matériel électronique, et niveau sanitaire c'est plus que dou...

- DE QUEL CÔTÉ ?! » rugis-je en attrapant l'individu par le col.

Il bafouilla sa réponse. À l'arrière. Heureusement.

Judith rassurait la chatte effrayée en tirant sur sa clope.

« Elle miaulait à la porte quand je suis sortie mais elle n'a pas voulu rentrer. Je crois que Max lui fait peur.

- Cette tête de gland l'a foutue à la porte.

-IL A FAIT QUOI ? » elle écrasa sa cigarette et la fourra dans sa poche « Je vais virer ce connard. » marmonna-t-elle en passant la porte.

Le connard ne le prit pas très bien. Pas bien du tout. Pour couper court aux menaces de procès, je sortis du bureau l'exemplaire du règlement intérieur qu'il avait signé à l'entrée, comme chaque personne mettant les pieds dans le studio, et pointait le sixième paragraphe :

« Afin de respecter les conditions particulières inscrites dans l'acte de propriété du studio, je m'engage à laisser circuler librement la chatte noire occupant les lieux et décharge l'entreprise de tout incident pouvant impliquer l'animal. »

Max tenta de protester, mais sa signature était bien lisible, quelques centimètres à peine sous la mention. Il finit par partir, sans paie et en claquant la porte. Depuis le patio, Larsen poussa le miaulement caractéristique du chat attendant qu'on lui ouvre. Ce que je fis immédiatement.

Elle fila jusqu'à la porte du studio, y posa une patte prudente, puis entra.

Son ronronnement envahi la pièce.

« Lili... c'est moi ou ça sonne mieux ? » demanda Antoine.

Je filais à la console pour vérifier. Ce n'était pas lui. Le son était à nouveau parfait.

« Faut croire que c'était Max qui fichait tout en l'air. » lança Mariam en riant.

Je ne répondis pas. De l'autre côté de la vitre, Larsen plongea ses yeux d'or dans les miens.

Et me fit un clin d'œil.

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