Une rencontre - Partie 5

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Malheureusement, le sculpteur se désista pour honorer une commande plus rémunératrice. Alors le maire alla démarcher d'autres artistes. Il y eu plusieurs faux départs du même genre. Le maire de rajeunissant pas, il intensifia ses recherches. Mais il y travailla si dur qu'il fini par se rendre malade et être hospitalisé. Et c'est à ce moment-là qu'un sculpteur de pierre se présenta pour accepter la commande. Il fut reçu par le premier adjoint, qui n'avait suivi le dossier que de loin et était débordé. Ravi de pouvoir se débarrasser d'un dossier qui traînait depuis trop longtemps, il valida l'offre sans consulter qui que ce soit ou savoir ce qu'avait réaliser cet artiste auparavant. Y'avait pas internet en ce temps-là, mais le bouche à oreille fonctionnait pas mal.

Quand l'instituteur entendit le nom de l'artiste, il devint tout blême. Le type était connu pour sa médiocrité, qui lui avait valu plusieurs procès de la part de clients. Mais s'il annulait la commande, le sculpteur garderait son avance à titre de dédommagement et le village n'aurait plus les moyens de s'offrir une statue sans cette somme. Il décida alors de surveiller de très près la conception de l'œuvre, afin de s'assurer qu'elle serait convenable. A défaut de mieux.

Le sculpteur n'aima pas du tout cette décision. A chaque fois que l'instituteur se rendait à son atelier, il faisait un scandale pendant de longues minutes, ne laissait entrer son chaperon que pour quelques secondes et envoyait des courriers de plainte interminables après ça. Mais l'instituteur s'en fichait : ses visites lui permettaient de relever et signaler les défauts de la statue, et le sculpteur semblait en tenir compte. Il était satisfait. Le maire se remettait doucement, reprenait les affaires courantes. Son adjoint et son médecin, qui se trouvaient être la même personne, lui interdisaient de s'occuper de la statue. Mais l'instituteur était rassurant.

Au bout de quelques mois, la statue fut déclarée prête. Le village organisa une inauguration en fanfare, la presse locale fut invitée, il y eu même des encarts achetés dans des journaux nationaux pour prévenir de la renaissance du mythe du général Bonneville. L'inauguration se passa très bien, il y avait des petits fours, la statue était banale mais pas catastrophique. Bref, une situation bien rattrapée.
- Attendez, elle n'a rien de banale la statue que j'ai vue !
- C'est parce que l'histoire n'est pas finie ! Quelques jours après l'inauguration, il y eu un orage. Un gros orage, qui dura trois jours. Et dès le deuxième, la statue commença à tomber en miettes.
- Du coup ils en ont refait une en catastrophe ?
- Non, parce qu'elle n'est pas totalement tombée en miettes. Ce qui s'est cassé la binette à cause de la pluie, c'est le gros paquet de retouches au plâtre que le sculpteur avait faites pour que l'instituteur lui foute la paix ! Et dessous, il y avait la statue que vous avez vue.
- Des retouches au PLÂTRE ?
- Des plasticiens du coins cherchent encore comment il avait réussi ce coup, c'est devenu une légende dans le milieu artistique local. A Quimper dans les années 70 y'a eu une expo aux Musée des beaux arts de plasticiens bretons tentant une reconstitution de la statue bidouillée au plâtre. Et puis l'enthousiasme est retombé, on n'en a plus entendu parler. Sauf ici, bien sûr.
- Vous connaissez cette histoire par cœur, êtes-vous artiste vous-même ?
- Non ma'ame, historienne ! Je suis en thèse et je gagne ma croûte comme guide au château entre deux recherches.

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