Chapitre 44-2

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L'air sembla littéralement exploser autour de nous et le choc me coupa le souffle. Je sentis l'onde de pouvoir se déployer bien plus loin que la zone prévue et poussai un petit hoquet de surprise lorsque Gabriel ouvrit les yeux pour les plonger dans les miens. Ses prunelles, à présent vert vif, parurent me transpercer tandis qu'une odeur d'humus et de sous-bois nous enveloppait. Je la sentis se fondre en moi, se mêler à ma propre essence, donnant naissance à un nouveau pouvoir. Je le goûtai et le jaugeai, essayant de m'habituer à cette sensation inhabituelle.

Contrairement aux autres fois, je n'empruntais pas cette force à Worth. Elle portait ma marque, mon odeur, et était mienne intégralement. Sans même réfléchir, je me laissai porter par le regard de Gabriel, notre lien et mon instinct, et comme si je l'avais déjà fait des milliers de fois, adjoint ma force à la sienne. Mon nouveau pouvoir s'écoula de moi comme de l'eau, se mêlant sans effort à celui de Gabriel, avant d'exploser sans un son au-dessus de nous tel un feu d'artifice magnifique mais invisible.

Ce fut la sensation des gouttes de pluies sur mon visage qui me ramena à la réalité. Clignant des yeux, j'essayai de reprendre pieds, me sentant étrangement faible et euphorique à la fois.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? bredouillai-je en m'affaissant légèrement dans les bras de Worth.

— Je ne sais pas exactement mais... regarde ! me répondit-il d'une voix essoufflée et ébahie.

Je relevai légèrement la tête. Partout où se portait mon regard, je voyais des volutes de brumes commencer à se répandre et à s'élever vers le ciel, crées par le contact des gouttes de pluies, étonnamment chaudes, avec le sol froid. En à peine une dizaine de secondes je ne distinguais déjà plus le sol de la forêt, et ce à plusieurs centaines de mètres à la ronde ! La pluie, fine mais toujours aussi dense, détrempait mes cheveux et traversait mes vêtements. Je frissonnai légèrement dans l'air froid, sans pour autant m'en préoccuper tellement j'étais stupéfaite.

— C'était quoi ça ?! aboya presque Jude, en déboulant sur la passerelle mouillée dans un dérapage à peine contrôlé. Le pouvoir était tellement dense que j'ai failli tomber dans les pommes !

Il s'interrompit brusquement lorsque son regard se porta sur nous. Le sien devint brusquement mordoré, avant de virer au vert intense de ses prunelles de félin. Il ferma brusquement les paupières tout en secouant la tête comme pour remettre ses idées en place.

— Je ne sais pas ce que vous avez fait mais... cela affecte mon contrôle comme jamais auparavant, avoua-t-il en me fixant d'un regard étrange.

— Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandai-je, troublée.

— Tes yeux... ils sont vert. C'est toi qui es à l'origine de ça ?

— Non, elle a juste renforcé mon pouvoir, intervint aussitôt Worth, sur la défensive.

— Quoi que vous ayez fait, c'est le moment d'en profiter. A nous deux, jamais nous n'aurions pu couvrir un aussi grand périmètre, ni créer un brouillard aussi dense. Il ne faut pas rater cette chance. Hannah, tu es toujours d'attaque pour ta métamorphose ?

Je ne répondis pas tout de suite, jaugeant mes forces et surtout celles d'Ivy, n'ayant aucune idée de l'impact réel de ce qui venait de se produire sur mon côté animal. Je relâchai le souffle que je n'avais pas eu conscience d'avoir retenu, lorsque qu'elle me répondit aussitôt, prête, alerte et impatiente de prendre son envol.

— Tout est ok, finis-je par répondre en me libérant à contrecœur de l'étreinte de Gabriel.

— On se retrouve là-bas, me dit-il en me retenant doucement par le bras. Surtout ne tente rien avant notre arrivée. Jure-le-moi !

— Et toi, jure moi d'être prudent et de ne rien tenter seul...

— Je promets, si tu promets, me dit-il d'un ton mortellement sérieux en plongeant son regard inquiet dans le mien.

— Désolée de vous brusquer les tourtereaux, mais si vous ne sortez pas de votre trip d'ado énamouré, tout ce que vous venez d'accomplir n'aura servi à rien ! grinça Jude d'une voix agacée.

Worth lui jeta un regard noir, mais lorsqu'il se retourna vers moi, je vis qu'il se retenait de sourire.

— Il n'a pas tort, murmurai-je en posant brièvement mon front contre le sien, avant de me reculer.

J'avais dû me retenir et utiliser toute ma force de volonté pour ne pas l'embrasser. Mais si j'avais cédé, je ne pense pas que j'aurais eu le courage de me séparer de lui de nouveau, et je vis dans son regard qu'il comprenait. Après une grande inspiration je me détournai et d'un pas que j'espérais affirmé, rejoignis les trois métamorphes qui m'attendaient. Néanmoins, lorsque je frôlai Jude, mes neurones se reconnectèrent subitement.

— Comment s'appelle les membres de ma garde rapprochée ? lui murmurai-je en m'arrêtant à sa hauteur comme pour lui dire au-revoir.

— Aaurie, Byron et César, me répondit-il rapidement et sur le même mode, avant que je ne continue mon chemin comme si de rien n'était.

Durant les quelques instants où Gabriel et moi avions partagés nos pouvoirs, j'avais presque oublié qu'il y avait certainement un traître parmi nous. Quel meilleur moment pourrait-il trouver pour s'en prendre à moi, qu'une fois à destination ? Cela paraissait presque trop simple. Pensai-je réellement que le traître se trouvait parmi mes accompagnateurs ? Non. Car Jude avait confiance en eux et que je faisais confiance à Jude. Mais je ne les connaissais pas. Je ne les avais jamais vu sous leurs formes humaines et rien ne serait plus facile que de tuer l'un d'entre eux et de le substituer par l'un des hommes de Kane. Connaître leurs prénoms me donnait un avantage... du moins c'était l'idée, me dis-je alors que je m'arrêtais au milieu de la passerelle, à environ un mètre de mes camarades.

— Go ! me contentai-je de dire, en appelant naturellement la puissance à moi.

Je la sentis m'envahir, me dominer et me rendre enfin complète tandis que, le temps d'un battement de cœur, le changement s'opérait. D'Humaine, j'étais devenu aigle, me métamorphosant à un mètre du revêtement en bois de la passerelle. Sans aucun effort, ni même poser une serre au sol, Ivy pris son envol, battant des ailes pour passer au-dessus de la brume toujours dense, qui nous cachait aux yeux de nos poursuivants. Les trois aigles m'entourèrent aussitôt et c'est en formation serrée que nous prîmes la direction du sud.

D'ordinaire les moments de vol que je partageais avec Ivy étaient des instants de calmes libérateurs où je pouvais lâcher prise et oublier les tracas du quotidien. Cette fois-ci était bien différente et cela se ressentait dans la tension de mes ailes et dans mon rythme cardiaque, rapide et erratique qui s'accéléra encore lorsque nous atteignîmes la limite de la zone recouverte par la brume.

Nous commencions à prendre de l'altitude, gênés par des courants peu favorables, lorsque les premiers coup de feu retentirent. 

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Désolée pour ce petit retard de publication mais... j'ai dû prendre une journée Chéri malade !!^o^!! Et nous savons toutes qu'ils sont bien pire que les enfants ='D

Kisssss <3 <3 <3 

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant