Chapitre 20-2

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Nous nous reculâmes dans l'ombre, comme un seul homme et je remerciai machinalement un dieu dans lequel je ne croyais plus depuis longtemps, pour qu'aucun de nous n'ait cogné dans quelque chose et signalé notre présence. Rester ici était dangereux, mais nous ne devions pas bouger. Cette cave nous était inconnu et le moindre bruit nous trahirait instantanément. Serrés les uns contre les autres, nous ne pouvions qu'attendre en espérant qu'ils passeraient à côté de la fissure sans la remarquer.

Contrairement à nous, ils ne faisaient aucunement montre de discrétion et semblaient passer leurs nerfs sur le contenu de la cave de Monroe. A priori, ils étaient trois et Kane n'était pas parmis eux. Je retins mon souffle lorsque des bruits de pas se rapprochèrent de nous et qu'une ombre vint se découper dans le rai de lumière filtrant au travers de la lézarde.

— C'est une impasse ici ! cria l'homme qui se trouvait non loin de nous et qui, pour notre chance, paraissait avoir une vue de Taupe.

— Ils sont forcément quelque part dans ce foutoir. Ils n'ont pas pu se volatiliser ! l'invectiva la métamorphe de la soirée de Gala, d'une voix coléreuse en balançant violemment quelque chose contre le mur.

— C'était peut-être une ruse ? Ils sont sans doute partis depuis longtemps !

— Tais-toi crétin ! Ils étaient là et ils le sont toujours, je les sens, ajouta-t-elle en le rejoignant.

Dès que j'entendis ses pas se rapprocher, j'attrapai le poignet de Monroe qui était derrière moi et fis signe à Worth que nous devions bouger. Le crétin aux yeux de taupes c'était une chose, mais elle, elle nous trouverait sans problème. Nous devions partir tout de suite et tant pis pour le bruit.

Les maisons de cette rue, paraissaient avoir été toutes bâties sur le même model, dans ce cas, l'agencement des caves devait aussi être identique d'une habitation à l'autre. C'est en me basant sur cette théorie que je commençai à avancer entre les murs sombres et humides. Nous venions de passer un angle, lorsqu'un cri de triomphe nous parvint, confirmant qu'ils venaient de découvrir le passage. L'instant n'étant plus à la discrétion, je repartis en courant cette fois-ci traînant toujours Monroe derrière moi. L'escalier qui apparut soudain au détour d'une vieille étagère faillit me faire pleurer de soulagement. Je m'y engageai, ne m'arrêtant même pas lorsque Monroe se prit les pieds dans une marche et tomba lourdement derrière moi. Je me précipitai sur la porte, que j'ouvris à la volée, inondant les marches d'une faible lumière mais suffisante pour qu'Allistaire et Monroe puissent y voir et me rejoindre rapidement. Une fois tous le monde sur le palier, je refermai la porte et poussai les verrous, qui heureusement pour nous, n'étaient pas verrouillé. Ça ne les arrêterait pas longtemps mais ce serait toujours ça.

La maison, de toute évidence à l'abandon, sentait le renfermé et la poussière que nous soulevions par petit nuage à chacun de nos pas, en nous dirigeant vers la porte d'entrée.

— Pourquoi passer par là ? La porte de derrière ce serait plus discret ?

— Et surtout plus prévisible ! Si Kane n'est pas avec eux, c'est parce qu'il nous attend dehors. On est loin d'être sorti d'affaire. Écoutez-moi bien, si la situation dégénère, laissez-le s'emparer de moi et fuyez.

— Non mais ça va...

— Ce n'est pas le moment de discuter ! l'apostrophai-je dans un murmure hargneux en déverrouillant la porte. Nous sommes trop peu nombreux et trop épuisés pour nous battre, c'est moi qu'il veut, restons logique, même si je préférerai que l'on n'en arrive pas là ! ajoutai-je entre mes dents, traversée d'un frisson d'appréhension alors que j'ouvrais rapidement la porte et me glissai aussitôt dans les ombres portés des buis ornant l'entrée.

Je pouvais sentir la colère de Worth irradier, m'entourant comme une seconde peau. J'étais certaine que cet idiot ne m'obéirait pas si le pire scénario se produisait. Comme je savais aussi avec certitude que Kane n'aurait aucune pitié et qu'il le tuerait froidement devant moi. Sentant la panique me gagner, je fermai brièvement les yeux et tentai de faire appel à mes sens pour détecter sa présence. Je savais qu'il était là, quelque part, mais le vent et les odeurs parasites de la ville et de la pollution humaine brouillaient le peu d'informations qui me parvenaient.

J'analysai rapidement l'environnement et les options qui s'offraient à nous. Dans quelques secondes nous serions pris en sandwich, entre le trio sortant de la maison et Kane qui attendait quelque part dans la rue. Retourner à la voiture était hors de question, et tenter une diversion pour nous enfuir devant leur nez beaucoup trop risqué pour notre état de fatigue. C'est alors que mon regard tomba sur le regard d'égout près du portail de la maison. Le trottoir, défoncé à cet endroit, avait assez élargit l'espace pour que nous puissions nous y glisser, mais nous n'avions plus beaucoup de temps.

— Tu crois que l'ouverture à distance de la voiture va fonctionner d'ici ? demandai-je à Worth dans un chuchotement précipité.

— Non, on est trop loin. À quoi tu penses ?

D'un simple mouvement de tête je lui indiquais la direction de la bouche d'égout et il percuta tout de suite.

— Mais il nous faut une diversion, s'ils nous voient on est fichu.

— Transformez-vous ! Vous l'avez dit vous-même, c'est vous qu'ils veulent.

— Réfléchis donc avant de parler, elle n'a plus assez de forces pour ça ! lui balança Worth d'un ton ulcéré en l'assassinant du regard.

Lorsque ses yeux croisèrent les miens et que des coups commencèrent à résonner derrière la porte, ma résolution fut prise, je n'avais pas d'autre choix. Son regard se durcit alors qu'il m'ordonnait, autant visuellement que psychiquement même s'il n'en était pas conscient, de ne pas commettre cette folie.

— Partez tout de suite, je m'occupe de la diversion, annonça-t-il d'un ton résolu et sans réplique avant de commencer à s'éloigner en courant sans que je n'aie le temps de l'arrêter.

Tiraillée et désemparée par mon envie de l'empêcher de faire cette bêtise et l'opportunité qu'il nous donnait de nous sauver, je laissai passer ma seule chance. Nouée d'angoisse, je ne pus que faire signe à Monroe et Allistaire de se tenir prêts à me suivre dès que je leur en donnerais l'ordre. Je commençai à m'avancer précautionneusement, accroupie de manière à rester la plus discrète possible. Lorsque je parvins à la limite des buis, je m'arrêtai et jetai un coup d'œil prudent aux alentours.

Environ deux mètres nous séparaient encore de la bouche d'égout. Distance raisonnable, certes, mais totalement à découvert. Surtout que Kane et l'un de ses sbires se tenait à environ cinquante mètres sur notre gauche, scrutant la rue comme des cerbères. Je me reculai à l'abri des branchages touffus, à la seconde où ils se tournaient dans ma direction. Le cœur battant la chamade et le souffle court, je me demandai avec anxiété où était passer Worth, quand la porte de la maison, émit un craquement sinistre de fort mauvaise augure. Ils allaient nous tomber dessus d'une seconde à l'autre. Allistaire et Monroe n'attendirent pas que je leur en donne l'ordre et me rejoignirent aussitôt. Lorsque j'entendis un portable sonner non loin, je sus que si nous ne tentions pas notre chance tout de suite, nous étions fichus. Ils allaient prévenir Kane ! J'étais prête à m'élancer malgré tout, guettant la moindre ouverture, lorsque le bip sonore et caractéristique de la Lexus, se fit entendre dans le silence ouaté du crépuscule. Je n'attendis pas et fit aussitôt signe aux deux autres de s'élancer. Pour une fois, miss casse-pied ne rechigna pas et c'est ventre à terre qu'ils se ruèrent vers le regard dans lequel ils sautèrent sans aucune hésitation. J'aurais dû les imiter et les suivre immédiatement mais je ne pouvais me résoudre à laisser Worth en arrière.

C'est alors que la terre se mit soudain à trembler. La chaussée se déforma et se craqua, des morceaux acérés allant se planter sous la voiture de Kane, qui se retrouva instantanément bloquer et inutilisable. C'est alors que je contemplais ce spectacle surréaliste bouche-bé, que je sentis une main m'attraper le poignet.

— Qu'est-ce que tu attends bon sang ? Cours ! m'ordonna Gabriel en m'entraînant derrière lui. 

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant