Chapitre 25-1

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Les balles se mirent à pleuvoir à la seconde où nous nous élançâmes, mais curieusement, aucune ne nous atteint. Louvoyant entre les flaques d'ombres, nous fûmes obligés de nous réfugier dans le renfoncement d'un porche, au coin de la rue menant à la scène du crime.

— ­­­­­­­­­Loin de moi l'idée de m'en plaindre, mais des tireurs capables d'exploser un pneu à autant de distance et de nous manquer au milieu d'une rue déserte, ça n'existe pas ! commenta Worth d'une voix essoufflée, tout en me tendant la main pour que je lui rende son arme.

­— C'est un piège, ils veulent nous forcer à aller vers la scène de crime, lui répondis-je en passant rapidement la tête dans la rue, histoire d'évaluer nos options.

­— J'avais compris, me répondit-il avec une petite grimace tout en vérifiant le nombre de balles qui lui restait. Une seule, me dit-il d'un air sombre. Autant dire que ce n'est pas lui qui nous sauvera.

— Contre des métamorphes, de toute façon, à moins que tu ne vise la tête, ça n'aurait fait que les ralentir !

— Même s'il y a de grandes chances que tu aies raison, comment peux-tu en être certaine ?

— Je les sens, lui répondis-je, continuant à réfléchir à toute allure.

— Très bien, à question idiote ! Mais maintenant que l'on a établi ça, on fait quoi ?

— On joue leur jeu. On fait semblant de tomber dans leur piège ! De toute façon, il n'y a pas d'autres issues et si on reste là trop longtemps, ils vont venir nous y chercher et nous aurons perdu toutes nos options, si réduites soient-elles !

J'avais beau parler calmement et afficher un visage impassible, j'étais terrifiée. Je savais très bien ce qui nous attendrait là-bas. Ou plutôt qui ! Kane serait là, à moins qu'il n'ait décidé de confier mon enlèvement à ses sous-fifres cette fois-ci. Il ne voulait pas ma mort, du moins pas tout de suite, il avait besoin de moi vivante. Mais pour quelle raison ? J'avais beau me torturer l'esprit depuis sa première tentative, je ne parvenais pas à comprendre.

— Hannah, tu ne comptes pas te rendre ? Rassure-moi ?

La voix de Worth, m'atteignit en même temps que son souffle. Son inquiétude et sa colère semblant ramper sur ma peau en un courant doux et vibrant.

— Non, lui répondis-je simplement en le regardant droit dans les yeux.

— Tu est sérieuse, ou te le dis simplement pour me faire plaisir ?

— Je le dis parce que c'est la vérité. Si je me rends, ils te tueront...

Mon regard suffit à lui faire comprendre le reste sans qu'il n'y ait besoin de mots supplémentaires. Si j'avais eu la certitude que me rendre le sauverait, je n'aurais pas hésiter une seconde. Mais maintenant il était trop tard pour ça, la partie était trop engagée entre Kane et moi pour qu'il me fasse encore cette faveur. Au contraire, il avait compris, peut-être même avant moi, à quel point je tenais à lui et se ferait donc un plaisir de le torturer devant moi avant de l'achever. Tout cela passa entre nous comme un souffle invisible, traversant notre lien en même temps que nos mains se frôlaient.

— Je ne suis pas une cible aussi facile qu'ils le croient, me murmura-t-il d'une voix douce et réconfortante.

— Justement, maintenant ils vont se méfier et tirer à vue pour ne pas te laisser une chance d'utiliser tes pouvoirs.

— Pourquoi ne l'ont-ils pas déjà fait dans ce cas ?

Là, il marquait un point. C'était d'ailleurs ce qui me turlupinait depuis que nous étions sortis de la voiture. La seule raison qu'ils aient pu avoir de le garder en vie, était de s'en servir contre moi, en menaçant de le torturer pour me forcer à obéir.

­— Tu penses qu'ils veulent se servir de moi contre toi ?

Je ne répondis pas, trop consciente du piège vicieux qui était en train de se refermer sur nous, nous piégeant comme des rats. Trop conscience, que nous étions restés statiques trop longtemps et qu'ils risquaient de nous tomber dessus sans que nous n'ayons aucune chance de nous défendre.

— Je ferais tout pour nous sortir de là et que cela n'arrive pas. Mais s'ils s'emparent de moi, sauve-toi. Je veux que tu me le promettes.

— Tu sais bien que je ne pourrais pas faire ça ! Je pense au contraire que c'est notre meilleure chance ! me dit-il avec un petit sourire retors en me tendant une nouvelle fois son flingue. Tu me fais confiance ? me demanda-t-il enfin en me tendant la main.

Je n'avais qu'une vague idée de ce qu'il avait en tête et même si la perspective qu'il joue les appâts au milieu d'une querelle de métamorphes, me terrifiait, je savais qu'il était plus dangereux qu'il n'en avait l'air. Cela restait risqué, très risqué même, mais pas plus que l'embryon de plan que j'avais en tête.

— En dernier recours, alors ? Avant, on essaye de fuir.

Il me fit un petit sourire triste en guise de réponse, puis effleura brièvement mes lèvres des siennes, avant de s'emparer de ma main. Nous jaillîmes de notre cachette comme deux boulets de canons, nous contentant de sprinter en zigzaguant entre les tâches de lumière des réverbères. Sans surprise, la rue resta calme et déserte, aucun coup de feu ne venant troubler son calme irréel et illusoire. Plus nous approchions du terrain vague et plus l'odeur du sang se faisait oppressante mais pas tant que le silence absolu, totalement inconcevable sur une scène de crime. Je savais ce que j'allais voir avant même d'avoir longé le dernier bâtiment.

Un ruban jaune avait été tendu entre les deux murs de briques des bâtiments flanquant la cour abandonnée transformer en terrain vague, puis en scène de crime. L'ai qui s'engouffrait entre les deux murs, gémit soudain comme l'aurait fait un spectre en agitant les bandelettes plastifiées tendues aux deux extrémités du terrain.

Notre idée première était de continuer tout droit et de tenter de semer nos poursuivants dans les ruelles tortueuses adjacentes. Mais ce qui se révéla à notre vue, nous fit ralentir malgré nous.

Ce n'était plus une scène de crime que nous avions sous les yeux mais un véritable carnage. Au moins sept corps gisaient dans la poussière, certains facilement reconnaissables à leurs uniformes bien qu'ils soient déchirés et souillé de sang. Je sentis la main de Worth serrer convulsivement la mienne, tandis que sa détresse, son chagrin et sa colère se déversaient de lui par vagues acides et brulantes. Choquée mais encore consciente que nous avions encore une infime chance de nous tirer de là, j'essayai d'entraîner Gabriel derrière moi. C'est à se moment là que l'un des corps les plus proches de nous se mit à bouger, sa main frêle se tendant vers nous, tandis qu'elle relevait la tête.

— Aidez-moi ? murmura-t-elle avec les dernières forces qui lui restaient, ses prunelles bleu clair emplies de frayeurs cherchant mon regard, avant que sa tête ne retombe, ses cheveux blonds s'éparpillant autour d'elle.

J'avais beau savoir que cela faisait partie du piège, qu'ils l'avaient volontairement laissé aux portes de la mort pour nous avoir, je ne pouvais pas ne pas tenter de lui porter secours. Le regard à la fois horrifié et résigné de Worth était au diapason du mien lorsque nos yeux se croisèrent. 

C'est conscients que nous ne pourrions certainement pas la sauver et que nous courrions à notre perte, que nous bifurquâmes vers la droite et franchîmes le ruban.


Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant