Chapitre 20-1

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La Lexus hors de prix, garée entre un combi Volkswagen rouillé et une familiale rouge, paraissait me narguer. Mais que faisaient-ils ici ? Et comment Kane avait-il fait pour les retrouver aussi vite ? Paniquée, j'hésitai sur la marche à suivre. Mes forces déclinaient à toute vitesse et le choix que je ferais serait le dernier. Soit, je me retransformai tout de suite et tentai de joindre Worth pour le prévenir ? Ou bien, je faisais un dernier effort et volais jusqu'à la maison avant de reprendre ma forme humaine ? La fatigue et la peur me faisaient hésiter et m'empêchait de réfléchir correctement me faisant perdre de précieuses secondes.

J'entendis le mécanisme d'ouverture de la portière avant même que cette dernière ait commencé à s'entrebâiller, et c'est ce qui me décida. D'un bond je pris mon envol, planant à l'ombre des bâtiments pour ne pas me faire repérer. J'atterris à l'arrière de la bâtisse, dans un petit jardin sauvage mais entrevue. Dès que mes pattes touchèrent la terre humide de rosée, j'amorçai ma transformation. Comme à mon habitude, je retrouvai mon corps de femme presque instantanément, mais m'écroulai sur le sol aussi rapidement. L'urgence m'avait permis la rapidité mais l'énergie manquante ne se remplaçait pas. Pourtant, je n'avais pas le loisir de faire une petite sieste, c'est donc tremblante et au bord de la nausée, que je me remis sur mes jambes flageolante et d'une démarche instable, grimpai les quelques marches en bois menant à une porte en bois, vitrée dans sa partie supérieure.

À tout hasard, je tournai la poignée, poussant un soupir de soulagement mêlé d'agacement lorsque cette dernière s'ouvrit sans aucune résistance. J'entrai et m'empressai de refermer le battant, que je verrouillai aussitôt. Puis, à pas de loup, je suivis le couloir qui s'ouvrait devant moi.

Je compris chez qui je me trouvais dès que je mis les pieds dans le vestibule. Les nombreuses photos accrochées aux murs, ainsi que l'odeur caractéristique de l'occupante des lieux ne laissaient pas de place aux doutes ! Mais que faisaient-ils là, bon sang ?! Boostée par la peur, l'urgence et la colère, je fis irruption dans le salon, interrompant une dispute en cours.

— Il faut partir d'ici tout de suite ! Kane est devant la porte ! m'exclamai-je, en manquant me prendre les pieds dans le tapis.

Worth réagit au quart de tour, et fut à mes côtés avant même que je n'ai terminé ma phrase, me soutenant aussitôt d'un bras au creux des reins.

— Qu'est-ce que vous racontez ? Nous nous sommes débarrassés du traceur et ils ne nous ont pas suivi, me provoqua aussitôt Monroe.

— Pas utile, lorsqu'on est assez bête pour aller directement chez soi ! lui répliquai-je mordante, alors que la sonnette retentissait dans un son aigrelet irritant. Dîtes-moi qu'il y a une autre sortie que ces deux portes ?

Je la vis blêmir, lorsqu'un bruit de verre brisé retentit à l'arrière de la maison.

— Par...

Je la fis taire instantanément, d'un doigt posé sur ma bouche, puis lui fit signe de nous guider en silence. Dopée par l'adrénaline, je forçai mes jambes à faire un pas devant l'autre, toujours soutenu par Worth, qui n'avait pas l'air plus en forme que moi. Si nous en arrivions à l'affrontement, je ne donnais pas cher de notre peau. Je sorti de mes pensées défaitistes, lorsque Monroe ouvrit une porte naturellement dissimulée derrière le réfrigérateur. Worth terminait de refermer le battant sur nous lorsqu'un bruit de bois fracassé résonna dans les pièces vides...ils étaient entrés.

— N'allumez-pas ! chuchotai-je aussi fort que je le pu en voyant Monroe le doigt sur l'interrupteur.

— L'escalier est raide et plusieurs marches sont cassées, on va se rompre le cou ! me répondit-elle dans un murmure tremblant, trahissant sa peur.

Elle pouvait avoir peur, me dis-je peu amène en me dégageant doucement de la prise de l'inspecteur. Si cela n'avait tenu qu'à moi, je l'aurais laissé là, à affronter la bêtise de ses actes, mais nous avions besoin d'elle pour sortir de ce guêpier, si c'était encore possible, donc...j'allais devoir ronger mon frein. Mais elle ne perdait rien pour attendre !

— Je suis nyctalope, je vois très bien dans le noir, précisai-je devant son air surpris. Je vais passer devant, vous me guiderez une fois en bas.

N'attendant l'assentiment de personne, je commençai la descente, lentement, prudemment, essentiellement pour ne pas faire de bruit. Mon instinct me poussait à courir, pour fuir de là au plus vite, mais il aurait suffi d'une marche grinçante ou de l'un de nous dévalant l'escalier sur les fesses, pour dévoiler notre présence. C'est donc le cœur paraissant battre dans mes oreilles et une sueur moite me coulant dans le dos, que je poursuivis la descente à une allure d'escargot. Heureusement l'escalier n'était pas très long et c'est avec un indicible soulagement que mon pied se posa sur le béton du sol de la cave.

— A droite, me murmura Monroe, juste derrière moi, alors que je louvoyais entre les étagères remplies de conserves et les vieux meubles recouverts de draps.

Nous parcourûmes trois ou quatre mètres, avant de nous retrouver devant...un mur, où tout un tas de toiles, cadres et miroirs étaient posés pêle-mêle.

— Derrière le grand miroir, il y a une fissure, elle débouche dans la cave des voisins.

Aussitôt, je commençai à dégager le miroir, vite rejointe par Worth qui n'avait apparemment aucun mal lui non plus à se mouvoir dans l'obscurité quasi-totale de l'endroit.

— Tu vois que tu as bien fait de me donner de ton sang, me susurra-t-il, essayant de dédramatiser la situation, alors que nos mains se frôlaient.

Je ne relevai pas et dû concentrer les ultimes forces qu'ils me restaient pour dégager le gigantesque miroir.

— On ne pourra pas le remettre en place, alors ne traînez pas ! prévins-je Allistaire et Monroe d'une voix essoufflée en les guidant vers l'ouverture étroite, mais apparemment de taille suffisante pour leur permettre de passer.

Une fois de l'autre côté, je m'y faufilai à mon tour sans attendre, suivis de Worth, qui n'aurait de toute façon pas accepté de passer avant moi. Je réprimai un gémissement, lorsque dans ma précipitation, mon bras s'écorcha sur les parpaings cassés. Malgré le sang que je sentis affleurer immédiatement sur ma peau, je poursuivis en serrant les dents. L'atmosphère, de l'autre côté du mur était très différente, l'air était vicié et l'humidité semblait nous coller à la peau.

— Cette maison est habitée ? demanda Worth avec pertinence, en nous rejoignant, non sans difficulté, le nez froncé devant l'air lourd et fétide.

— Théoriquement oui, mais depuis deux ans que j'habite ici, je n'ai jamais croisé personne, nous répondit Monroe qui, même si elle ni voyait rien, tournais la tête en tous sens.

Cette information était importante, car elle signifiait que nous avions peu de chance de tomber sur un fou de la gâchette paniqué, ou sur un chien enragé. Mais comme l'hypothèse d'un hermite était toujours possible, nous devions redoubler de prudence. J'allais ouvrir la bouche pour demander à Monroe si elle était déjà venue dans cette cave, lorsqu'un bruit sourd retentit de l'autre côté du mur, suivi de bruits de pas dévalant des marches, puis un clic caractéristique alors que de la lumière inondait soudain la lézarde par laquelle nous venions de nous faufiler. 

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant