Quatrième Partie - 3

3.2K 488 7
                                    

Habib

« Le meilleur moyen de résister à la tentation serait d'y céder. » Oscar Wilde

Toute cette haine dans le regard de ma femme m'avait glacé le sang. Je ne pouvais même pas être à ses côtés dans ces moments, où je devrais remplir mon rôle de père, de mari, d'ami. Elle est la seule amie que je n'ai jamais eue. J'aurais tellement aimé la prendre dans mes bras, la réconforter, la rassurer. Mais elle ne voulait pas de moi. Je venais de la trahir, je l'avais trahie depuis longtemps, je l'avais trahie à jamais. Et je n'ai aucune excuse pour. Il n'y a pas d'excuse à l'infidélité, la tromperie, la trahison. Mais beaucoup de personnes en trouvent quand même, rejetant toute la faute sur l'autre. « C'est à cause de toi si je suis parti chercher ailleurs ». « C'est à cause de ceci ». « C'est à cause de cela ». « Si tu t'occupais un peu plus de moi, si tu faisais un peu plus attention à moi, je n'aurais pas eu besoin de chercher ailleurs pour attirer ton attention ». On trompe parce qu'on s'ennuie de la routine de notre couple, de ce manque de nouveauté. On trompe à cause de certains de nos fantasmes que l'on n'ose assouvir avec notre partenaire, par pudibonderie, ou fausseté. On va forniquer alors qu'on a une personne qui nous est légale aux yeux du Seigneur parce que forniquer est une tentation, et ce qui est interdit attire. A cause de cette détestation que l'on a à être droit, juste. On trompe par lubricité. Ou trompe-t-on tout simplement pour blesser l'autre ? Quémander de l'attention de gauche à droite, cueillir un peu d'amour çà et là chez qui veut bien nous en procurer, satisfaire notre propre ego, être flatté de toujours pouvoir séduire, d'être désiré, voilà ce qui nous pousse à être volage. On trompe tout simplement parce qu'on est déloyal, déloyal à nous même, à l'autre, à la foi. Déloyal à tout ce que l'on a construit. Déloyal.

Moi ma femme n'avait rien mérité de tel. Je n'avais rien à lui reprocher. Mais j'avais fini par me brûler à force de me gausser du feu d'un peu trop prêt. A force de se voir souvent, à force de partager ces moments de complicité, à force de se soucier l'un de l'autre, à mesure que la confiance s'installait, à force de s'effleurer un peu plus tous les jours, Sheitan nous observait Khady et moi avec son sourire malicieux. Que dis-je, Sheitan c'était moi, c'était nous. Parce que lorsque cette fille m'avait embrassé, je ne l'avais pas repoussée, j'ai aimé cela, j'ai aimé frémir en touchant chaque parcelle interdite de son corps. J'ai aimé qu'elle me désire, j'ai aimé la désirer, j'ai aimé la posséder. Nous avions succombé, succombé à la passion, et cette dernière a porté ses fruits sans qu'on ne s'y attende. C'était notre punition, ma punition pour m'être égaré de la sorte.

Et maintenant il me fallait trouver des mots pour justifier mes actes ignobles auprès de ma sœur qui n'arrêtait pas de me secouer depuis qu'elle est sortie de la chambre de Linguère.

- Parle Habib bon sang ! Parle ! Parle-moi. Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que tu as foutu ?

- Je voulais juste l'aider Seynabou. Je voulais juste l'aider mais...

- Mais quoi ? Et qui ?

- J'ai voulu aider cette fille qui avait l'âme chevillée au corps. Elle est passée par tellement d'épreuves qu'elle commençait à se perdre. Je voulais juste l'aider. Je... J'ai voulu bien faire en lui trouvant un boulot et un toit décent. Pour qu'elle arrête de faire tout ça... De subir tout ça... Pour... Je n'ai pas voulu dire tout ça à Linguère pour qu'elle ne se fasse pas des films. Je pensais que ce n'était pas nécessaire. « Dama done soutoural Khady aussi. » ("Je voulais garder son secret.")

- Hey Khady mane yow ? (Hey quelle Khady ?)

- Khadidjatou Mbaye

- Khady du bureau ? Khady mèn mi ? (La Khady que je connais ?)

Linguère  -  (Terminée) Where stories live. Discover now